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Du 3 au 14 septembre 2013, 20h
Ainsi parlaitThe Book of Thel
théâtre - marionnettes / bilingue - première mondiale
Conception, interprétation  Cléa Minaker
Mise en scène Aurélie Hubeau

The Book of Thel tells of the existential searching of a young woman in grips with life’s greatest paradox: Why live if only to die? In a luxurious valley, nature itself attempts to provide Thel with answers. Thel converses with a flower, a cloud, a worm and takes a perilous journey underground into the realm of the dead.

The Book of Thel is an original scenic interpretation of a poem written and illuminated by the visionary William Blake in England in 1789. In her newest creation Clea Minaker has collaborated with a painter, a musician and a puppeteer, using simple, elegant stage craft to create theatrical illusion and the mental landscape of Blake’s heroine.

Seule en scène, Cléa Minaker nous invite dans un univers poétique, personnel et inspiré : là où les interrogations de William Blake entrent en résonance avec celles de la créatrice contemporaine qu’elle est.

CLÉA MINAKER
A performer, designer, and director, Clea Minaker collaborates bringing the language of contemporary puppetry to creations in theatre, opera, dance, video, film and live music. In 2007-2008 she toured internationally with Feist on The Reminder Tour, creating and performing shadow puppetry and video manipulations. She has created ‘carte blanche’ performances at the Montreal Contemporary Puppetry Festival, Casteliers, at IF! Instanbul Independent Film Festival and the Museum of Contemporary Art (San Diego). Clea was awarded the Siminovitch Protégé Prize for Theatre Design by Ronnie Burkett in 2009.

In 2013 she created under the direction of Atom Egoyan at the Canadian Opera Company. Trained at the International Institute of Puppetry Arts (Charleville-Mezières, France), Clea’s original creations evoke a poetic and emotive quality. Her scenic compositions situate clandestine manipulation within ever-evolving scenic spaces to produce a ‘total’ image.


Environnement sonore  Antoine Bédard
Lumières Paul Chambers
Création visuelle Nicole Crouch
Costumes James Lavoie
Collaboration au développement Freya Hestness, Kathleen Fortin, Alain Lavallé
Photo Andrea de Keijzer

Une présentation La Chapelle
Une production Cléa Minaker en association avec les Productions Antonym.
Créée en résidence à La Chapelle ainsi qu’au Tas de Sable, Pôle des Arts de la Marionnette en Picardie et au Centre de Développement des Arts de la Marionnette à Amiens en France


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

Après le théâtre et la danse, le festival ARTDANTHÉ continue son petit bonhomme de chemin à La Chapelle en présentant le plus récent ouvrage de la designer et marionnettiste contemporaine Cléa Minaker.

La jeune vancouvéroise, diplômée d’Art de l'Université McGill et de l’École nationale supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières, s’est surtout fait connaître mondialement grâce à la tournée 2007-2008 de la chanteuse Feist, pour qui elle créait différentes atmosphères scéniques, allant du dessin au sable à l’ombre chinoise, projetés sur un immense écran en arrière-scène. S’enchaînent quelques spectacles, dont au festival Trois jours de Casteliers, ainsi qu’un opéra, un film (avec Atom Egoyan) et quelques vidéoclips (Rock the Belz, de SoCalled, pour ne mentionner que celui-là). Sa signature, autant visuelle que sonore, s’impose rapidement ; la Montréalaise d’adoption s’amuse à modeler, travailler et expérimenter avec ces deux matériaux intangibles.

Minaker présente donc, ces jours-ci, l’achèvement d’un travail en résidence, entre autres, à La Chapelle et Au tas de sable en Picardie, intitulé The Book of Thel, un spectacle sensoriel s’inspirant d’un court poème de William Blake. Minaker interprète l’héroïne de cette fable philosophique et évocatrice de la terreur et de la beauté, soit une jeune bergère qui cherche à trouver le sens de la vie face à la mort inévitable, en demandant l’avis à « Lily of the Valley », à un nuage, puis à un ver de terre, qui n’est encore qu’au stade de l’enfance.

L’univers que met en place la jeune femme mystifie au premier abord ; la lumière est filtrée par plusieurs rideaux translucides, créant des effets optiques impressionnants, voire mystiques. Viennent ensuite des faisceaux obliques et francs, qui frappent le corps de Minaker à l’avant-scène, assise sur une chaise ou debout, éclairant ses mains, sa joue ou ses pieds, alors qu’elle reprend des bouts du poème de Blake, comme pour y réfléchir ou s’en imprégner. L’esthétisme visuel touche presque à la peinture ; un effet voulu et relativement bien maîtrisé, grâce à la collaboration de la conceptrice Nicole Crouch, ainsi que Paul Chambers et David Alexandre Chabot aux éclairages. Le son n’est certainement pas en reste : l’utilisation d’un microphone, permettant des effets de réverbération sur la voix déjà douce et presque enivrante de l’interprète seule en scène, ajoute beaucoup à l’onirisme qui se dégage du spectacle. Au moment où le personnage de la jeune fille entre dans le trou du ver, rappelant ici un autre conte très célèbre d’un certain Carroll, nous tombons dans un tout autre monde : alors que le poème de Blake nous transportait vers des prisons souterraines et des voix qui assaillaient la jeune fille de questions à propos de l’existence, on retrouve ici le contraire de cette terrifiante marche, quoique tout aussi éprouvante.

Apparaissent les jambes nues de l’héroïne, éclairée sommairement et sporadiquement, qui s’activent, marchent ou courent, accompagnées seulement de halètements apeurés. Minaker joue de ces jambes comme si elles étaient des marionnettes, les promenant sur scène, les faisant apparaitre et disparaître à sa guise grâce à l'éclairage mobile qu'elle manipule. Entrecoupée à quelques reprises par un son violent ressemblant à un jet au décollage, cette très longue scène, tout aussi expérimentale que minimaliste, s’étend sur plusieurs minutes et propose une vision étrange qui se veut troublante, mais dont l’effet perd rapidement de son efficacité.

The Book of Thel, tel que revisité par Cléa Minaker, est un objet vaporeux, obscur et flou qui ne convainc malheureusement pas totalement. L’appropriation du poème de Blake n’est pas tout à fait complète : on sent rarement les réelles interrogations de la jeune femme entre les mots de l’homme de lettres, restant ainsi trop près d’une relecture du récit original tout en écartant les réflexions sous-jacentes sur la religion et la sexualité que l’on retrouvait au coeur de ce texte du 18e siècle. Néanmoins, il ne faut absolument pas nier que plusieurs qualités visuelles et sonores émergent de cette proposition singulière, et si celle-ci permet de faire découvrir à une nouvelle génération la magnifique prose de William Blake, ce sera tout de même une jolie victoire.

25-11-2013