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Du 21 février au 18 mars 2017, Mardi - mercredi - vendredi – samedi, 20h | Jeudi, 19h
Supplémentaires samedi 11 et 18 mars à 16h
Dans la tête de Proust
Texte et mise en scène Sylvie Moreau
Avec Jean Asselin, Réal Bossé, Isabelle Brouillette, Nathalie Claude, Pascal Contamine

Marcel Proust fut couché huit ans dans sa chambre parisienne à écrire son œuvre. À retracer, raconter, saisir ce temps où, dandy écrivain sans rien pour le prouver, il faisait les Salons et préparait sans le savoir encore et avec son acuité ironique exceptionnelle, son sens de l’observation quasi radiographique et sa sensibilité psychologique hors du commun, ce qui allait devenir À la recherche du temps perdu.

Dans la tête de Proust est situé dans cette chambre et ce lit où Proust, alité, a extirpé de son imaginaire cette fresque humaine qu’est À la recherche du temps perdu. Avec lui, surgissant de ses fièvres créatrices, ses personnages qui exhiberont devant nous leurs failles et leur flamboyance pour se faire le reflet d’une société en pleine décadence, celle du début du 20e siècle. Un spectacle où mots et gestes se refusent à dire la même chose, pour le bénéfice de nos imaginations.

Un grand Bal du Souvenir recréé par la tête d’un homme quasi-immobile. Une tempête de corps dans une petite chambre.

Depuis sa fondation en 1970 par Jean Asselin et Denise Boulanger, la compagnie de création a développé un vaste répertoire théâtral fondé sur l'éloquence du geste. Étroitement associée à l'École de mime, Omnibus fait œuvre de pionnier du théâtre corporel et exerce une grande influence sur le travail de plusieurs artistes. Omnibus pousse ainsi toujours plus loin l'intégration du geste et de la parole, et ce autant par le biais du théâtre moderne qu'à travers les grands textes du répertoire classique.


Section vidéo


Costumes Charlotte Rouleau
Lumières Mathieu Marcil
Musique et environnement sonore Ludovic Bonnier
Scénographie Sylvie Moreau et David Poisson

Salle principale
Billet régulier 33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant 26$

Studio
Billet du Studio Espace Libre 26$
Billet 25 ans et moins | Étudiant du Studio Espace Libre 22$

Forfait PréVente* 25$

*Soyez les premiers! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.

Étudiants en théâtre 19$

Une production Omnibus le corps du théâtre


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191 - billets.espacelibre.qc.ca

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Critique

À l’Espace Libre, Sylvie Moreau plonge avec son équipe chevronnée Dans la tête de Proust, unauteurpour lequel elle témoigne d’une affection soutenue au fil du temps. Cette intrigante proposition constitue l’une des plus grandes réussites pour la compagnie Omnibus depuis une dizaine d’années, et certainement l’une des rencontres marquantes de cette saison théâtrale.  






Crédit photos : Catherine Asselin-Boulanger

Par une heureuse récente coïncidence, la «découverte» des premières images mouvantes de l’écrivain mort il y a presque cent ans en 1922 dans un film de mariage a suscité une grande curiosité. Par ailleurs, tout récemment aux Bouffes du Nord à Paris pendant cinq soirées, le comédien Yves-Noël Genod a monté un spectacle autour des écrits proustiens intitulé La Recherche.  

«Longtemps, je me suis couché de bonne heure», peut-on lire dans l’incipit de Du côté de chez Swann, premier tome d’À la recherche du temps perdu (extrait entendu lors du dénouement du spectacle). Et couché, le romancier l’a été pendant huit ans à écrire et peaufiner son œuvre, devenue l’une des références de la littérature mondiale. À élaborer et à scruter ce temps infini, perdu et retrouvé, le dandy à la moustache finement dessinée développe son inimitable sens de l’ironie et de l’observation. Dans la tête de Proust se déroule dans cette chambre où l’homme alité côtoie certaines des figures qui peupleront les centaines de pages de son répertoire.

La création antérieure d’Omnibus, l’intéressante Plywood, un show sur le rough, n’harmonisait toutefois pas toujours les revendications d’une jeunesse après la crise étudiante de 2012 à une exécution scénique pleinement concluante. Précédemment, la production Amours fatales, constituée de trois tragédies de Jean Racine abrégées (Andromaque, Bajazet et Bérénice) ou encore le doublé de Ce corps qui parle demeuraient très réussis. Mais cette rencontre avec l’univers onirique de Marcel Proust explore encore avec plus de ferveur la matière théâtrale.

Pendant une heure et demie, la femme de théâtre réunit sur la scène ses fidèles partenaires d’Omnibus (Jean Asselin, Réal Bossé, Isabelle Brouillette, Nathalie Claude et Pascal Contamine). La pièce s’amorce avec une sympathique accompagnatrice (Brouillette) qui nous invite dans le «petit musée» de celui qui a révolutionné le roman contemporain. Alors que trône sur le sol les sept tomes d’À la recherche du temps perdu (dont Sodome et Gomorrhe), notre guide nous lance en plein visage des préjugés autour du créateur (ses phrases interminables, ses descriptions alambiquées, son asthme, sa fainéantise) avant de nous exhorter de laisser Louis-Ferdinand Céline à sa «nuit» et Balzac à ses «statues» (tous deux jugés alors supérieurs au protagoniste). Le décor très évocateur nous entraîne dans une chambre avec son lit et ses deux murs percés de cinq cadres, permettant aux différents personnages d’apparaître et de disparaître.

La plus étincelante surprise du travail de Sylvie Moreau vient du mariage harmonieux entre les différents registres, parfois antagonistes, mais qui fonctionnent ensemble parfaitement. Les scènes se suivent, mais possèdent toutes leurs couleurs distinctes. Les échanges entre le malade et sa gouvernante, la paysanne Céleste Albaret (Claude) (dont la publication de son témoignage, Monsieur Proust, nous montre un maître beaucoup plus tyrannique qu’ici) qui fut à son chevet jusqu’à sa mort, se révèlent empreints d’une grande tendresse. Peu de temps après, la rencontre entre Proust et un personnage issu de son imaginaire (le baron de Charlus, rendu avec un aplomb remarquable par Asselin) se traduit par une admirable séquence, alors que le jeu d’Asselin s’apparente autant au meilleur du mime que de la danse contemporaine (notamment lorsqu’il se tient en équilibre autour du lit de son «géniteur»). Lorsqu’ensuite des invités des salons mondains s’introduisent dans le lieu de création intellectuelle, nous assistons à des corps-à-corps sensuels (surtout entre les deux actrices). Plus tard, alors que nous entendons sur bande la voix du prosateur lisant un extrait dans une langue française des plus raffinées, les deux autres interprètes masculins se livrent à des déhanchements des plus triviaux. La metteure en scène conjugue avec fougue la pensée érudite et l’esprit rabelaisien. Du début à la fin, sa distribution démontre une superbe aisance, en plus de provoquer les rires et d’émouvoir.

L’aspect audiovisuel apporte beaucoup de tension et de beauté à cette production sensorielle. La conception sonore de Ludovic Bernier (à l’exception d’un passage bref d’une chanson en anglais dans les premières minutes) est prenante, surtout par les bruits de respiration saccadée du personnage principal. L’ensemble baigne dans des éclairages sublimes de Mathieu Marcil.
    
Si différents textes de théâtre se sont aventurés dans l’existence d’hommes et de femmes de lettres (comme Anaïs dans la queue de la comète de Jovette Marchessault, sur Anaïs Nin), ceux qui subjuguent autant que Dans la tête de Proust semblent plus rares. Avec cette réalisation, Sylvie Moreau s’est dépassée autant par la fidélité à son sujet que par ses nombreuses prises de liberté. La mémorable représentation s’adresse à toutes et tous, même aux néophytes de la plume proustienne.

26-02-2017