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Du 28 novembre au 15 décembre 2012, 20h
LapinLapin blanc, lapin rouge
Texte Nassim Soleimanpour
Traduction Paul Lefebvre
Mise en scène Philippe Ducros et Mani Soleymanlou
Avec une comédienne ou un comédien différent à chaque représentation parmi les suivants
Sophie Cadieux, Fabien Cloutier, Patrice Dubois, Kathleen Fortin, Éveline Gélinas, Mathieu Gosselin, Amir Khadir, Olivier Kemeid, Alexis Martin, Monique Miller, Étienne Pilon, Ève Pressault, Dominique Quesnel et Sébastien Ricard

Cinq lapins affamés sont gardés en cage. On place une échelle avec une carotte au-dessus. Le lapin qui réussit à manger la carotte est peint de rouge, les autres sont aspergés d'eau glacée. Après quelques jours, les lapins blancs se mettent à attaquer le lapin rouge. On arrête la punition. Le processus continue. Les lapins attaquent toujours. On enlève graduellement les lapins qui ont vécu la punition, les remplaçant par d'autres. Les lapins attaquent toujours. On ôte finalement la carotte. Les lapins blancs attaquent toujours le lapin rouge.

Lapin blanc, lapin rouge est un solo de l'auteur Iranien Nassim Soleimanpour. Chaque représentation est défendue par un interprète différent qui prend connaissance du texte devant le public. La réalité de l'auteur s'incarne donc à travers le vertige de ce comédien ou de cette comédienne. Peu à peu, l'absence de l'auteur devient le personnage principal de la représentation.

Hôtel-Motel s’associe à Orange Noyée pour présenter un nouveau projet en ligne directe avec la pièce L'affiche qui porte sur l’occupation de la Palestine. Lapin blanc, lapin rouge parle par métaphores de l'Iran, ce pays diabolisé à la une de nos médias. Or, l'Iran, c'est beaucoup plus que le projet nucléaire et le pétrole. À travers ce texte, sa beauté, son ambiguïté et sa complexité se dévoilent et nous livrent le parfum de son quotidien.


Section vidéo
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Scénographie Romain Fabre
Lumières Thomas Godefroid
Musique Ludovic Bonnier

Jeudi 6 décembre à 19h, suivi d'une discussion avec l'équipe de création , animée par Philippe Ducros
Vendredi 7 décembre après la représentaon de 18h30, « Portrait de l'Iran moderne », entretien avec Jean-François Lépine, animé par Paul Lefebvre
Jeudi 13 décembre, après la représentation de 20h, lecture des carnets de voyage et exposition de photos de Philippe Ducros, prises lors de son séjour en Iran en 2012.
Vendredi 14 décembre, après la représentation de 20h, projection du documentaire This Is Not A Film des cinéastes iraniens Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb
Entrée libre à l'ensemble des activités

Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Prévente: 24$, offre jusqu'au 29 novembre pour les représentations des 30 novembre, 1er, 4 et 5 décembre.

Production Hôtel-Motel et Orange noyée


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par David Lefebvre, faisant suite à la critique d'Olivier Dumas

Mercredi 5 décembre 2012, j'ai pu assister à l'expérience théâtrale qu'est Lapin blanc, lapin rouge, du jeune auteur iranien Nassim Soleimanpour. Allégorie brillante sur l'identité, la répression, la mort, les possibilités, le conformisme et « le passé créant le futur créant le passé, ce texte sur des lapins attaquant d'autres lapins, prisonniers d'un contexte, fait grandement réfléchir. Comme il a été dit, le comédien ne connait pas le texte et le découvre en même temps que le public. Celui-ci est loin d'être passif : en plus d'applaudir, il se nomme, se lève, joue sur scène selon les directives de l'auteur ; il participe de son plein gré au déroulement du spectacle – en a-t-il, au fond le choix? S’il ne le fait pas, y aurait-il un spectacle?

Chaque soir, un nouvel interprète foule les planches du théâtre. Lors de la première, ce fut monsieur Amir Khadir ; le 6 décembre, lors de ma présence à l'Espace Libre, le choix du destin était pratiquement parfait. La salle, bondée de cégépiens, a accueilli à tout rompre Sébastien Ricard. Sans sortir du texte, Ricard a su facilement s'imprégner des mots de Soleimanpour et les faire raisonner à sa manière : grâce à sa voix posée, assurée, presque agressive-passive à certains moments, nous ne perdions aucun mot de cet échange entre l'auteur et le public, navigant entre la confidence, la démonstration et le jeu.

Lapin blanc, lapin rouge, de par son intelligence et sa forme unique, est ce genre de spectacle qu'on ne peut voir qu'une seule fois ; l'expérience, trop stimulante, demande à être vécue deux, trois, cent fois. Courrez-y.

05-12-2012


 

par Olivier Dumas

«The only thing I did was trust the rabbit to open the right doors».
Paroles tirées de la chanson Jinx de Jorane.


Crédit photo : Claire Delas

Deux compagnies montréalaises, Hôtel-Motel et Orange Noyée, se sont réunies pour un projet inusité, à la prémisse alléchante. Leurs directeurs artistiques respectifs, soit Philippe Ducros et Mani Soleymanlou, proposent ces jours-ci à l’Espace Libre Lapin blanc, lapin rouge, un solo de l’auteur iranien Nassim Soleimanpour. Pour apprécier à sa juste valeur leur aventure intrigante, les spectateurs doivent garder en tête que le spectacle relève principalement d’une expérience artistique à des années-lumière d’une production théâtrale classique.

Chacune des représentations est défendue par un interprète différent. Autre particularité, les courageux volontaires prennent connaissance du texte cacheté dans une enveloppe en même temps que le public. À la première médiatique, c’est le député solidariste du comté de Mercier, Amir Kahdir, qui a accepté de se prêter au jeu. Défileront par la suite Sophie Cadieux, Fabien Cloutier, Patrice Dubois, Kathleen Fortin, Éveline Gélinas, Mathieu Gosselin, Olivier Kemeid, Alexis Martin, Monique Miller, Étienne Pilon, Ève Pressault, Dominique Quesnel et Sébastien Ricard, dans un ordre aléatoire, il va sans dire.

Pour rendre compte de toutes les paroles plurielles qui feront corps avec un monologue aussi différent d’une fois à l’autre, il faudrait un critique présent dans la salle tous les soirs. Le résultat s’est avéré très concluant lors du passage du politicien de gauche qui a livré une performance crédible et même surprenante. Souvent enflammé lors de ses discours à l’Assemblé nationale, Khadir a dévoilé une certaine sobriété dans son approche du récit dense, échevelé et participatif. Car l’auditoire est interpelé à plusieurs reprises, surtout durant le premier quart d’heure.

Pour résumer succinctement l’histoire qui peut se lire à plusieurs degrés, le narrateur parle de cinq lapins affamés gardés en cage. Celui qui parvient à manger une carotte déposée sur une échelle est peint en rouge. Ses compères sont aspergés d’eau glacée et se mettent à l’attaquer violemment. Les animaux se transforment entre autres en autruche à un moment donné. Il est également question de deux verres d’eau où du poison est déposé dans l’un d’eux, exprimant la notion de dilemme pour le narrateur. La suite des péripéties ne baigne pas davantage dans le réalisme, mais plutôt dans une approche métaphorique à la langue évocatrice.

La nature du projet surprend lorsque nous songeons aux réalisations précédentes de Philippe Ducros, traitant généralement d’un contenu géopolitique plus explicite. Par ailleurs, l’aspect identitaire ne demeure qu’effleuré, alors que Mani Soleymanlou a reçu un accueil chaleureux pour son solo Un qui aborde son parcours sinueux quant à la définition de ses origines. Pour leur collaboration, il faut parler de maître d’œuvre plutôt que metteur en scène. Car il s’agit ici d’abord et avant tout d’une lecture dans un décor simple constitué d’une table, d’une chaise et de quelques accessoires.

Le principal intérêt de Lapin blanc, lapin rouge demeure son étonnant jeu de miroir dans les différentes perceptions entre la réalité et la fiction. Le vrai et le faux se répondent, s’interrogent et se confondent parfois. Pour l’auteur, le hasard et le mystère dans nos décisions quotidiennes constituent des pistes qui semblent avoir rejoint favorablement le public très réceptif durant la petite heure de ce voyage. L’assistance doit même quitter les lieux sans connaître le dénouement de la dernière action du narrateur, et sans qu’il y ait eu de baisse d’éclairage. Le concept de conclusion traditionnelle s’en retrouve ainsi déréglé, pour notre plus grand bonheur.

À l’image du lapin d’Alice au pays des merveilles, qui amène l’héroïne créée par Lewis Carroll à découvrir son monde intérieur, les petits mammifères à longues oreilles issus de l’imaginaire du dramaturge Nassim Soleimanpour savent nous interpeller avec humour et curiosité.

Mon collègue David Lefebvre couvrira aussi le spectacle et publiera ses pensées dans la semaine du 3 décembre.

30--11-2012