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Du 23 mars au 16 avril 2016
Dates public (en soirée) : 25-31 mars, 1-2-7-8-9-14-15-16 avril 2016
L'orangeraieL'orangeraie
Survivre au frère sacrifié : entrevue avec Claude Poissant pour L’orangeraie

Texte Larry Tremblay
Mise en scène Claude Poissant
Avec Gabriel Cloutier-Tremblay, Éva Daigle, Philippe Durocher, Ariel Ifergan, Jean-Moïse Martin, Vincent-Guillaume Otis, Daniel Parent, Jack Robitaille, Mani Soleymanlou et Sébastien Tessier

Une famille vit dans une orangeraie, là où les roses trémières conversent avec la lune. Puis, un obus traverse le ciel et tue les grands-parents des jumeaux de neuf ans, Amed et Aziz. Alors que les frères auraient pu vivre à l’ombre des orangers, la guerre vole dès lors leur enfance et trace en rouge leurs crédules destins. Car Zohal, leur père, doit choisir entre ses deux fils pour clamer sa vengeance. 

Quittant son village du Moyen-Orient, Amed, à moins que ce ne soit Aziz, devra traverser la montagne et consentir au plus grand des sacrifices. Des années plus tard, l’un des jumeaux aspire à devenir comédien en Amérique. Aidé de Mikaël, un jeune enseignant, il cherche le chemin de la résilience. L’orangeraie est d’abord un roman, Larry Tremblay l’a lui-même adapté pour la scène. Fable sur l’enfance et la guerre, l’oeuvre romanesque a déjà reçu plusieurs prix depuis sa publication en 2013. Cette création du TDP sera le fruit d’une cinquième collaboration complice entre l’auteur et le metteur en scène, après les pièces Le Ventriloque, Abraham Lincoln va au théâtre, The Dragonfly of Chicoutimi et, tout récemment Grande Écoute, toutes créées à Espace GO par le Théâtre PàP.


Section vidéo


Concepteurs Erwann Bernard, Philippe Brault, Guy Caron, Florence Cornet, Sébastien Dionne, Michel Gauthier et Janicke Morissette

Samedi 2 avril après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Durée :1h40

Une coproduction Théâtre Denise-Pelletier et Théâtre du Trident


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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Critique

Crédit photo : Gunther Gamper

Dans un pays du Moyen-Orient jamais nommé, mais où la mort peut tomber du ciel à tout moment, un homme se voit proposer par un combattant de venger la mort de ses parents, fauchés par un obus, en envoyant l’un de ses jumeaux de 9 ans se faire exploser en territoire ennemi.

La précédente pièce de Larry Tremblay, Cantate de guerre, nous laissait sur l’ordre presque suppliant qu’un soldat adresse à un enfant de 7 ans : « Dis-moi pourquoi je ne te tuerais pas ». La question continue de résonner dans L’orangeraie, adaptée à la scène par son auteur. Dans cette histoire, Amed, le jumeau survivant réfugié au Québec, voit son passé ressurgir lors d’une répétition pour une pièce de théâtre.

L’orangeraie nous parle avant tout de l’enfance brisée par la guerre, celle qui efface les frontières entre une certaine innocence, nécessaire pour grandir serein, et la cruauté du monde adulte, ses sacrifices au nom de la vengeance, ses mensonges et sa haine. Le texte de Tremblay pose aussi la question de la transmission de la haine de l’autre, comme un lourd héritage, quand une bombe fauche une maison, des proches, et qu’il devient vital de venger leur mémoire, leurs âmes qui ne connaîtront pas la paix. Ce texte de Tremblay s’inscrit parfaitement dans l’ouverture sur le monde que connaît la scène québécoise ces dernières années, une ouverture sur des histoires d’ailleurs, des croyances différentes et des paysages étrangers, mais avant tout sur des êtres humains dont les histoires, les doutes, les peurs, l’amour nous sont avant tout familiers.


Crédit photo : Gunther Gamper

Un auteur talentueux, une œuvre qui a déjà séduit de nombreux lecteurs dans plusieurs pays, des thèmes forts, un metteur en scène habitué aux textes critiques et aux prises de parole politiques, l’adaptation à la scène de L’orangeraie pouvait-elle être autre chose qu’une réussite? Si la scénographie, sobre et efficace, nous amène d’emblée dans l’environnement chaud, mais tendu, de cette orangeraie familiale, petite oasis menacée par les bombes et la guerre, puis dans une salle de répétition nichée au cœur de l’hiver québécois, il semble toutefois manquer une âme à la production. Il y en a pourtant une brillante, double et complexe, au cœur même du récit, celle d’Amed au jumeau perdu, mais aussi des hommes, frères ennemis par delà la montagne qui les sépare, et d’une mère, à qui on demande le plus douloureux des sacrifices. Mais ce cœur battant semble figé pendant la majorité du spectacle dans le carcan imposé par la mise en scène de Claude Poissant.

Avec des thèmes tels que la famille, l’enfance brisée, la guerre et l’horreur, le tout dans un style très lyrique, la comparaison avec l’univers de Wajdi Mouawad est inévitable. Pourtant, là où des œuvres comme Incendies ou Littoral remuent profondément, cette coproduction du Théâtre Denise-Pelletier et du Théâtre du Trident nous laisse étrangement froids. La langue des personnages, quoique magnifique, et les nombreuses images évocatrices et poétiques ne suffisent pas à chasser cette impression de froideur et de distance entre les personnages et la salle. Cette distance ne s’efface qu’en deuxième partie, alors que le passé rejoint brutalement Amed et que celui-ci parvient enfin à mettre des mots sur sa douleur, à dire la vérité, à reprendre son véritable nom, lui qui vivait dans le mensonge sous celui de son jumeau. Le jeune Gabriel Cloutier-Tremblay est d’ailleurs celui par qui la production trouve enfin le chemin du cœur. Le reste de la distribution semble peiner à trouver le ton juste dans une mise en scène très posée et rigide. Dommage pour un sujet aussi porteur et si cruellement d’actualité.

27-03-2016