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Du 29 octobre au 24 novembre 2013
Seeds
By Annabel Soutar
Directed by Chris Abraham
Starring Eric Peterson, Bruce Dinsmore, Mariah Inger, Alex Ivanovici, Tanja Jacobs, Cary Lawrence, Liisa Repo-Martell

This gripping, modern day David-versus-Goliath docudrama chronicles the epic legal showdown between Saskatchewan farmer Percy Schmeiser and Monsanto. The agrochemical firm accused Schmeiser of illegally growing its patented, genetically engineered canola seeds on his farm, while he claimed they were blown in with the wind. Based on court trial transcripts and interviews, the play brings us behind the scenes through a maze of patent wars, opinionated scientists and clashes between farmers and the biotechnology industry.

When Schmeiser famously asked the question, "who owns life?" before the Supreme Court of Canada, his words galvanized the anti-GMO (genetically modified organism) movement around the world.


Set and Costume Design Julie Fox
Lighting Design Ana Cappelluto
Sound Design/Composer Richard Feren
Media Design Elysha Poirier
Stage Manager Merissa Tordjman

En tournée en version anglaise et française en 2014-2015, voir le site de Porte Parole Production

A Porte Parole Production


Centaur Theatre
453, St-François-Xavier
Box office : 514-845-9810

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Dates antérieures (entre autres)

Festival TransAmériques, 7-8-9 juin 2012, Théâtre d'Aujourd'hui - version française à La Licorne du 4 au 22 septembre 2012

 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre (FTA 2012)

La compagnie de théâtre documentaire Porte Parole voit le jour en 2000 et propose Novembre, une pièce qui rapporte les mots de dizaines de Québécois recueillis de la Gaspésie jusqu’en Estrie, en rapport avec les élections provinciales de 1998. Depuis, Porte Parole touche à de multiples thèmes sociaux : la santé, la sous-traitance, les immigrants, et plus récemment, les infrastructures et la responsabilité civile, avec le triptyque Sexy Béton, présenté au Centre Segal et à Fred-Barry. La force de Porte Parole se trouve dans sa capacité de rendre vivants les témoignages des différentes personnes interviewées, en créant une dramaturgie du réel, tout en manipulant celui-ci pour mieux l’expliquer et approfondir les nombreux questionnements qui en découlent.

L’auteure montréalaise Annabel Soutar s’attaque, avec le projet Seeds, au procès opposant la multinationale Monsanto au fermier saskatchewannais Percy Schmeiser. Monsanto l’accuse d’avoir utilisé des graines de canola génétiquement modifiées, brevetées par elle et résistantes à l’herbicide Roundup – un produit développé, d’ailleurs, par la firme biotechnologique – sans en payer les frais. Si le fermier clame que les pousses ont crû par accident sur ses trois acres de terrain, la compagnie tente de prouver le contraire. Monsanto remportera le procès, sans pourtant prouver hors de tout doute que Schmeiser s’est procuré de façon illégitime le canola en question. Le vieil agriculteur, projeté à l’avant-scène, deviendra une figure emblématique de la lutte des fermiers indépendants contre la multinationale, et le conflit, amené jusqu’en Cour Supérieure en 2004, placera les OGM (organismes génétiquement modifiés) au cœur des préoccupations de plusieurs Canadiens et Canadiennes.

Avec Seeds, Annabel Soutar démontre une fois de plus son immense talent d’auteure et peint une fresque dense, mais animée et passionnante, inspirée par les verbatim du procès et par plusieurs entrevues réalisées avec Schmeiser, Trish Jordan de Monsanto, des scientifiques canadiens et américains, des employés gouvernementaux et des avocats. Soutar donne ainsi une voix à toutes ces personnes, qu’elles soutiennent ou non la cause du fermier des Prairies. Car, plus la pièce évolue, plus on sent que rien n’est ni noir, ni blanc. On peut critiquer, certes, l’éthique de la compagnie, mais qui dit que Schmeiser n’a pas menti sur la provenance des semences? Et la tribune qu'il détient depuis, à raison ou à tort, fait un mal irréparable à l'entreprise. Les propos recueillis par la narratrice, l’alter ego de l’auteure (un ajout majeur à la production, qui se distingue par le fait même de la première version de la pièce, datant de 2005), chez les voisins et les habitants de Bruno, en Saskatchewan, ne sont guère reluisants et jette un ombrage défavorable sur l’agriculteur. L’histoire se complexifie de manière exponentielle ; au lieu de chasser l’ambigüité du revers de la main et prendre parti, Annabel Soutar entretient le doute pour que l’auditoire puisse réfléchir et se fasse sa propre idée. Car, finalement, tout est une question de perception.

Si le premier acte se concentre sur le procès de la fin des années 90, le deuxième questionne de façon beaucoup plus large : qu’est-ce que la vie ? À qui appartient-elle? Quels sont les dangers ou les réels impacts des OGM? Si aucune réponse n’est avancée, plusieurs pistes sont à la portée des spectateurs.

La mise en scène de Chris Abraham se veut sophistiquée, mais jamais lourde, aux notes d'humour rafraichissantes. Un immense écran rectangulaire propose des images préenregistrées et captées en direct de la salle par deux caméras. Le plateau, lors de la première partie, se veut chargé, mélangeant les meubles d’une maison de campagne aux accessoires de laboratoire de recherche. Lors de la seconde partie, l’équipe dégagera l’espace de jeu en ne conservant qu’une table et quelques chaises. En ouvrant ainsi la scène, l’histoire prend une certaine envergure, se dirigeant vers l’international, et permet aux questionnements plus philosophiques d’entrer en jeu. Durant tout le spectacle, on n’hésite aucunement à s’adresser au public en l’interrogeant ou en lui parlant directement ; il est ainsi toujours interpellé, au cœur de la présente création.

Seeds échappe à ces documentaires accusatoires en tentant de balancer plus ou moins également les différentes opinions des partis en cause. Chaque prise de parole par les protagonistes se veut importante, intéressante, et l’idée de créer des mises en abîme et des confrontations entre les personnages qui n’ont, à priori, aucun rapport entre eux, ajoute un dynamisme salutaire et un suspense excitant à l’entreprise. Si tous les comédiens sont d’une grande justesse, et ce, dans la peau de tous leurs personnages, Tanja Jacobs se démarque en avocate de la poursuite qu’on adore détester et David Ferry est renversant dans le rôle de Schmeiser. La jolie Liisa Repo-Martell, jouant avec naturel la sympathique narratrice enceinte de quelques mois  - une autre sorte de semence, cette vie qui surprend toujours - crée le lien émotif parfait dans ce dédale scientifique et judiciaire.

L’écriture de Soutar et la mise en scène d'Abraham se veulent claires, précises, captivantes. Sans verser dans la controverse, en multipliant les points de vue et sans prendre réellement position, le duo réussit à résumer et à rendre accessible une histoire d’une jolie complexité, tout en abordant des thèmes plus généraux de grande importance : la résistance, la contamination biologique et intellectuelle, l’impact et la responsabilité des grandes entreprises sur nos vies, la conscience sociale et environnementale. Simplement brillant ; un genre de théâtre que l’on aimerait voir plus souvent sur nos scènes parfois ennuyeuses ou trop conventionnelles.

08-06-2012