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Du 15 novembre au 3 décembre 2016
Mes enfants n'ont pas peur du noir
Texte Jean-Denis Beaudoin
Mise en scène Édith Patenaude
Avec Steve Gagnon, Laurie-Ève Gagnon, Nicolas Germain-Marchand, Dayne Simard, Monique Spaziani

Jean-Denis Beaudoin arrive au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec un texte hors du commun, un conte moderne et cinglant où l’humour, l’onirisme et la folie se fraient un chemin à travers la violence.

Mes enfants n’ont pas peur du noir raconte l’histoire de deux frères jaloux isolés avec leur mère dans la seule maison d’une immense forêt. Dans ces bois obscurs, on se perd et il est impossible d’en trouver la sortie. Cette pièce est inspirée du conte Hansel et Gretel, mais elle est surtout née d’histoires vraies : histoires de frères, violentes et tordues, de deux frères qui se font souffrir sans jamais vraiment s’achever… ou presque.


Scénographie et éclairages Jean-François Labbé
Costumes et accessiores Karine Mecteau-Bouchard
Conception sonore Uberko
Crédit photo Ulysse Del Drago

Durée 1h50

Une production La Bête noire


Salle Jean-Claude Germain du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900 - billetterie.theatredaujourdhui.qc.ca

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Dates antérieures (entre autres)

2 juin 2014, Chantiers Carrefour
Du 18 novembre au 6 décembre 2014 - Premier Acte

 
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Critique

Mes enfants n’ont pas peur du noir nous plonge tête première dans la crasseuse noirceur de nos angoisses et de nos pulsions.




Crédit photo : Marie-Andrée Lemire

La scénographie signée Jean-François Labbé frappe d’emblée l’imagination. Une forêt dense de madriers, assez cordés pour étouffer dans l’œuf toute notion d’espace, une cuisine et un salon enchâssés par le bois, et tout autour, une obscurité qu’on devine d’encre. Au centre, un four imposant qui chauffe en permanence. Pas de doute, l’univers d’Hansel et Gretel n’est pas loin. Mais dans la production de la compagnie de Québec La Bête noire, pas d’innocents chérubins ou de sorcières ; peut-être quelques bouts de pain, mais qui ne mènent  nulle part.

Au cœur de cette forêt vit une famille dysfonctionnelle : deux frères qui se détestent au point de vouloir se  jeter à la gorge l’un de l’autre pour un oui ou pour un non, et la mère, déconnectée du réel depuis le départ de son mari, dix ans plus tôt, qui se traîne du sofa à la cuisine. Entre les trois, les insultes pleuvent.

Ce premier texte de Jean-Denis Beaudoin, qui ne commence pas par « Il était une fois » et ne finit certainement pas par « et ils vécurent heureux », traite de cruauté, de pulsions et de vérités enfouies, mais il parle aussi de folie et, tout au fond, perdu depuis longtemps au cœur des bois, d’amour. L’auteur manie les mots comme autant de dards aiguisés dans un jeu de fléchettes. Les attaques entre frères font mouche avec tantôt beaucoup d’humour, tantôt beaucoup de violence, et la langue de la mère n’est pas moins acérée que celles de ses fils. Leurs conversations et confidences jouent avec nos perceptions. Qui dit vrai? Qui perd la tête? Plus l’intrigue avance, plus l’ambiance devient angoissante et plus la nuit donne l’impression de se refermer sur la maison isolée.

La mise en scène d’Edith Patenaude est tout aussi efficace. Sa gestion de l’espace et la proximité forcée dans laquelle elle place les personnages ont tôt fait de faire monter la tension. Elle explore avec juste ce qu’il faut de noirceur les multiples couches de ce drame psychologique qui bascule en cours de route dans une psychose dont personne ne sortira indemne. La mise en scène est aussi servie par une excellente distribution, presque entièrement renouvelée depuis la création du spectacle à Québec en 2014. Steve Gagnon dans la peau du frère aîné, Sam, qui passe son temps à faire enrager son cadet, est détestable à souhait. Beaudouin, qui incarne le cadet, Joe, est une belle découverte de ce spectacle. Son interprétation du frère hypersensible est aussi brillante que troublante, particulièrement dans les derniers tableaux. La confrontation finale entre les deux frères se révèle saisissante, la scène suivante quant à elle est plus gore que vraiment percutante. Mentionnons également l’énigmatique, mais attachant Will (Dayne Simard), la délicate Sarah (Pascale Renaud-Hébert) et la figure écrasante de la mère (toujours surprenante Monique Spaziani).

Au milieu de cette forêt impénétrable Mes enfants n’ont pas peur du noir nous entraîne avec force dans des zones troubles, entre réel et surnaturel, entre raison et folie. Impossible d’y résister.

18-11-2016

critique publiée en 2014


Crédit photo : Cath Langlois Photographe

Les productions La Bête noire présente au théâtre Premier Acte le tout premier texte de Jean-Denis Beaudoin, Mes enfants n'ont pas peur du noir, librement inspiré du conte populaire des frères Grimm, Hansel et Gretel. Le jeune auteur et acteur, fraîchement diplômé du Conservatoire de musique et d'art dramatique de Québec, signe ici une première pièce sombre qui met en scène le réel et le surnaturel dans une histoire mystérieuse qui se situe entre le thriller et l'horreur.

La pièce met en scène Joe et Sam, deux frères qui vivent isolés au fond des bois, seuls avec leur mère. Elle, un peu folle et incapable de se remettre de la disparition de son mari survenue plusieurs années plus tôt, passe ses journées à boire devant la télé, au beau milieu de ses deux fils qui ne cessent de se disputer. Joe et Sam ont une relation amour-haine destructrice qui met en péril la sécurité de leur nid familial et plusieurs événements passés portent à croire que Joe est une bombe à retardement de violence qui pourrait exploser à tout moment. L'arrivée de Sara, la copine de Joe, en visite pour un mois, chamboulera pour toujours le fragile équilibre de la petite famille.  

D’abord, soulignons le jeu de tous les acteurs. Jean-Denis Beaudoin offre une performance remarquable, empreinte d'une douce folie justement dosée. Jocelyn Pelletier joue un Sam intense et manipulateur qu'on aime détester et Lise Castonguay, de son côté, est simplement superbe dans le rôle de la mère ; son jeu est d'un naturel épatant. Les dialogues écrits par Beaudoin sont agréablement bien ficelés. Écrit dans une langue crue populaire, très proche de notre langage courant, le texte coule bien et les acteurs semblent se l'être approprié avec aisance et plaisir. L'histoire aurait cependant gagné à  éviter certains clichés dans sa narration. Par exemple, lorsqu’on apprend qui est réellement Will, le personnage peu bavard présent depuis le début de la pièce, l'effet de surprise tombe à plat. La finale, quant à elle, est banale et très prévisible et les scènes de batailles entre les deux frères sont plus ou moins réalistes et gagneraient à être retravaillées.

La scénographie élaborée par Jeff Labbé, constituée de madriers qui représentent les arbres d'une forêt, réussit grâce, entre autres, aux jeux de lumière et d'ombrages, à créer une réelle impression de forêt et contribue à l'atmosphère glauque et inquiétante de la pièce. Le travail d'Édith Patenaude à la mise en scène est admirable et navigue habilement entre le côté réaliste et fictif de la pièce. L'utilisation de la cigarette par le personnage de Sam tout au long du spectacle semble toutefois accessoire, surtout dans une petite salle plus ou moins aérée comme celle de Premier Acte. La scène et les gradins se sont vite remplis de fumée, laissant les spectateurs avec une désagréable et irritante fumée secondaire ambiante durant toute la pièce.

Mes enfants n'ont pas peur du noir est une pièce divertissante qui s'avère très prometteuse pour l'avenir du jeune auteur Jean-Denis Beaudoin. 

24-11-2014