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Du 9 avril au 4 mai 2013, les mardis 19h, mercredi au samedi 20h, dimanche 21 avril 15h
YukonstyleYukonstyle
Texte Sarah Berthiaume
Mise en scène Martin Faucher
Avec Sophie Desmarais, Vincent Fafard, Gérald Gagnon, Cynthia Wu-Maheux

« Au printemps 2008, lourde d’une peine d’amour qui n’en finissait plus, j’ai acheté, sur un coup de tête, un billet d’autobus pour la destination la plus lointaine possible. Quatre jours et quatre nuits de maux de dos, d’A&W, de rencontres incongrues, de prairies, de montagnes, de forêts plus tard, j’arrivais au Yukon.

Armée de mon sac à dos et de mon ordinateur, je suis débarquée chez un ami qui m’offrait la causeuse de sa maison mobile pour le mois à venir. J’ai d’abord été frappée par l’immensité du paysage qui s’infiltrait, me semblait-il, à l’intérieur des êtres, pour y révéler des territoires insoupçonnés d’une vertigineuse vastitude. La devise du Yukon, Larger than life, était indéniable. Tout, là-bas, me semblait infiniment plus grand que moi. Le lieu semblait porter en lui-même, un ailleurs. Une promesse. Un point de fuite.

Puis, j’ai imaginé des personnages comme des chercheurs d’or modernes : petite communauté de fortune, toute à sa survivance. Je les ai voulus écorchés, courageux, avides et fulgurants. Quatre solitudes qui se rassemblent, se consolent et s’aiment malgré elles, au confluent de la vie et de la mort, au beau milieu d’un hiver qui n’en fi nit pas.

J’ai voulu une langue française, mais avec un rythme et une sonorité près de l’anglais; j’ai aussi voulu des passages narratifs qui serviraient de contrepoids à la rudesse des dialogues et à la pauvreté de la langue des personnages. Je voulais ces envolées poétiques comme des zébrures d’or qui illumineraient une nuit polaire. Comme si le Yukon traversait les personnages et les rendait plus grands qu’eux-mêmes. Comme s’il parlait à travers eux. Le reste, c’est le corbeau, qui me l’a soufflé à l’oreille. »

- Sarah Berthiaume


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Assistance à la mise en scène Émanuelle Kirouac-Sanche
Scénographie Max-Otto Fauteux
Costumes Denis Lavoie
Éclairages Étienne Boucher
Musique originale Alexander Macsween
Maquillages et coiffures Angelo Barsetti
Régie Jean Gaudreau
Spécialiste de la culture innue Joséphine Bacon

Les Curiosités
à l’issue de la représentation du 16 avril
Rencontre avec l’équipe
à l’issue de la représentation du 17 avril

Une production du Théâtre d'Aujourd'hui


Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Valérie Remise

Grandement attendu, le dévoilement de la nouvelle pièce de Sarah Berthiaume s'est déroulé avec attention dans la grande salle du Théâtre d'Aujourd'hui, quelques jours seulement après sa création en France. La jeune auteure nous dresse un portrait dur, mais sensible des différentes populations de Whitehorse, capitale du Yukon, et des rencontres qui en découlent. Voyage dans une contrée lointaine et oubliée, parfaite pour disparaître.

D'un côté, celles qui ont voulu fuir : Yuko, Japonaise, et Kate, adolescente enceinte venue d'on ne sait où. En exil, elles cherchent en cette terre immense une paix intérieure qu'elles n'ont pu trouver ailleurs. De l'autre, Garin, aux origines amérindiennes, et Dad's, son père chômeur, qui donnent parfois l'impression de vouloir quitter le territoire, mais sont prisonniers d'eux-mêmes, de leur passé et surtout, des réponses qu'ils leur manquent pour poursuivre leur route. « Larger than life », le Yukon sombre et froid sert de scène à cette rencontre poétique des quatre âmes.

Grâce à une plume habile et assumée, les formes de parole se multiplient et nous offrent des visions diverses des mêmes personnages, usant de mots et de poésie plus grands qu'eux-mêmes. Ils sont emportés par cette parole qui semble les surprendre, leur révélant un aspect d'eux-mêmes et des autres jusqu'alors insoupçonné à leurs yeux. Dans un autre ordre d'idées, la recherche sur la condition des femmes autochtones, mères et prostituées, de leur sort et de l'indifférence de la police face à la violence qui leur est souvent réservée est d'une rigueur incroyable et nourrit énormément le récit, dont le personnage de Garin qui est à lui seul d'une complexité déconcertante. Sarah Berthiaume a su ajouter cette touche plus documentaire à ce récit aux allures parfois oniriques, et ce, avec maîtrise et justesse.

La mise en scène de Martin Faucher nous semble plus décousue que le texte qui l'anime. Le défi est de taille ; le texte, aux allures presque épistolaires, demande sans cesse des changements de lieux, d'ambiance, de formes de narration et de discours. Contenir la grandeur du Yukon et du récit en cette scène du Théâtre d'Aujourd'hui nous semble étrangement, l'instant d'une seconde, trop petite pour le récit malgré la beauté du décor minimaliste de Max-Otto Fauteux. Le résultat est inventif et majoritairement efficace, mais certains moments plus ludiques et imaginaires semblent moins cadrer dans la proposition, devenant ainsi moins convaincants, presque plaqués de force à tout le reste qui fonctionne pourtant si bien. Pensons notamment aux insertions de l'énigmatique corbeau dans le récit, emblème majeur du texte devenant une étrangeté dans la mise en scène.

Le texte a beau nous donner beaucoup d'indices et de codes pour déchiffrer ses mystères, il semble tout de même nous manquer énormément d'informations sur les personnages auxquels nous nous attachons très rapidement. La curiosité vient nous prendre avidement et certains protagonistes, dont Kate, demeurent un grand mystère. Peut-être n'est-ce qu'un caprice du public d'en vouloir autant, car les personnages sont très riches et les comédiens qui les font vivre les portent fort bien. Tous les côtés de la médaille sont bien représentés, les relations sont claires et nuancées ; mis à part quelques montées de tension moins bien réussies, la direction d'acteurs nous convainc et les quatre comédiens - Sophie Desmarais, Vincent Fafard, Gérald Gagnon et Cynthia Wu-Maheux - incarnent fort bien tout ce que Sarah Berthiaume tente d'évoquer comme fuite(s) dans son merveilleux texte.

Yukonstyle vaut le détour, le magnifique récit est un délice pour le public et les comédiens nous font certainement vivre un bon moment. De plus, c'est une occasion de connaître cette province méconnue pour plusieurs. Le Yukon nous apparaît comme un territoire des plus poétiques, le lieu de mille et une fuites et qui visiblement, a su inspirer la jeune auteure qui vient ici confirmer sa place dans la talentueuse relève théâtrale montréalaise.

14-04-2013