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Du 20 septembre au 15 octobre 2011
Cantate de guerreCantate de guerre
Texte Larry Tremblay
Mise en scène Martine Beaulne
Avec Paul Ahmarani, Mikhaïl Ahooja, Abdelghafour Elaaziz, Frédéric Lavallé, Mathieu Lepage, Philippe Racine, Denis Roy

Cantate de guerre, comme son titre l'indique, porte sur la cruauté de la guerre et sur la transmission de la violence. Un père apprend la haine à son fils pour en faire un soldat. Mais le mot soldat a-t-il encore son sens ici? Le désir d'éliminer l'autre jusqu'à la détresse, jusqu'à l'épuisement, nous oblige à questionner le sens réel de l'humanité. De quoi est fait l'homme? Jusqu'où peut-il aller dans sa quête insensée de puissance? Le fils peut-il encore regarder le père avec amour?


Section vidéo
deux vidéos disponibles

 

Assistance à la mise en scène Stéphanie Capistran-Lalonde
Dramaturgie Marie-Christine Lesage
Scénographie Anick La Bissonnière
Costumes Daniel Fortin
Éclairages Claude Cournoyer
Conception sonore Ludovic Bonnier
Accessoires Julie Measroch
Maquillages François Cyr

les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
Les Curiosités de Larry Tremblay à l'issue de la représentation du 27 septembre
Rencontre avec l'équipe de production à l'issue de la représentation du 28 septembre

une création du Théâtre d'Aujourd'hui


Théâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-282-3900

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Valérie Remise

Par son thème très prisé sur les scènes de théâtre, la Cantate de guerre de Larry Tremblay suscitait de grandes attentes au Théâtre d’Aujourd’hui. Heureusement, la nouvelle création de l’un des dramaturges les plus iconoclastes du théâtre québécois est d'une grande force. Mais une mise en scène un peu décevante l’empêche de remplir toutes les promesses.

Larry Tremblay surprend d’un projet l’autre, passant de la comédie chaplinesque (Abraham Lincoln va au théâtre) à la réflexion identitaire déconstruite (The Dragonfly of Chicoutimi). Pour les fidèles de son œuvre, Cantate de guerre fait penser à La hache, un autre texte qu’il a lui-même adapté à la scène. Inspiré par la lecture des reportages sur le conflit tchétchène par la journaliste russe Anna Politkovskaïa, le texte expose toute la barbarie et les atrocités entraînées par la guerre. Ici, aucune allusion politique ou géographie ne permet une parenté avec un conflit déjà existant. Le propos vise plutôt une quête universelle à extirper toute la douleur des affrontements armés par le seul pouvoir des mots. Le climat s’apparente à la suggestion plutôt qu’à la démonstration de l’horreur.

L’histoire se penche sur la complexe relation entre un père et son fils où le premier veut inculquer à son rejeton tous les rudiments de la haine de soi et des autres, fondamentales selon lui pour devenir un bon soldat. Un chœur, composé de cinq hommes très différents les uns des autres par la couleur de peau, l’âge et l’apparence physique, répète cette parole de rage et de destruction comme un mantra au public.

Le texte s’écoute comme un long poème dense et épuré qui l’éloigne d’autres pièces récentes sur un sujet similaire. Nous sommes loin ici des envolées grandiloquentes des dernières œuvres de Wajdi Mouawad, de la vision manichéenne de l’Affiche de Philippe Duclos, ou encore de la beauté pédagogique du Bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau. Avec un vocabulaire qui ne craint pas la laideur et la vulgarité, Larry Tremblay sait faire naître cet état d’urgence sans se complaire dans le pathos. Son écriture sait creuser dans la douleur tout en apportant une réflexion pertinente. Dans son heureuse fusion entre l’émotion et la pensée, elle retrace les contours entre l’engagement et la poésie.

La grande faiblesse du spectacle demeure la mise en scène de Martine Beaulne. Malgré sa courte durée (une heure et des poussières), Cantate de guerre souffre parfois d’effets scéniques comme ces coups sur le sol qui deviennent redondants sans marquer une progression dramatique. Du début à la fin, un chant féminin se fait entendre à plusieurs reprises, mais l’effet parait plus esthétique que véritablement poignant. À la première médiatique, il manquait encore une précision chorégraphique dans les déplacements et attitudes des comédiens. Le constat paraissait frappant, surtout entre le garçon et son géniteur bourreau. Une grande dualité corporelle aurait gagné à exposer l’opposition idéologique entre les deux hommes. Par contre, les sauts acrobatiques dans les différentes poutres par le chœur s’harmonisent parfaitement avec l’énergie et l’urgence du récit. C’est justement des moments comme ceux-là qu’on aurait espérés plus dominants dans ce parcours des bas-fonds de l’être humain.

Entièrement masculine, la distribution se révèle d’une grande intensité. La figure paternelle interprétée par Paul Ahmarani surprend par son jeu nuancé alors que le fils donne à Mikhaïl Ahhoja de beaux instants de dilemme intérieur. Le quintette, composé d’Abdelghafour Elaazif, Frédéric Lavallé, Mathieu Lepage, Philippe Racine et Denis Roy, porte avec force tout le poids de la sauvagerie et la dureté d’une civilisation estropiée.  

Cantate de guerre se situe parmi les textes forts de Larry Tremblay. Une future production lui apportera-t-elle toute l’ampleur et la magnitude de son verbe?

25-09-2011