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Du 16 février au 5 mars 2016, supplémentaire samedi 5 mars 20h
Épicerie
Texte et mise en scène Jean-Denis Beaudoin
Avec Mustapha Aramis, David Bouchard, Carol Cassistat, Gabriel Fournier, Laurie-Ève Gagnon, Marc Auger Gosselin, Simon Lepage, Marc-Antoine Marceau, Guillaume Pelletier, Maxime Perron et cinq autres interprètes.

Après Trick or treat et Mes enfants n’ont pas peur du noir, La Bête noire est de retour à Premier Acte avec un tout nouveau spectacle : Épicerie, le deuxième texte de Jean-Denis Beaudoin. On est pressés. Tout le temps. Tout nous presse. Tout le temps. Nous avons toujours quelque chose à faire, à atteindre. Le moment présent n’existe plus. Les lieux n’existent plus, nos maisons, nos centres commerciaux, nos épiceries. Tout tend à disparaître et nous sommes condamnés à vivre dans nos têtes, dans le futur, dans ce qui suit. Tout doit obligatoirement aller toujours plus vite.

Très vite. Trop vite.
Et si j’étais coincé à l’épicerie ?
Et si j’arrêtais à l’épicerie juste avant mon rendez-vous et que je ne pouvais plus en sortir ?
Et si j’étais en retard à jamais ?
Et si je passais ma vie entière à l’épicerie ?

Chris a un rendez-vous important. Mais avant, il doit acheter de la gomme. Son rendez-vous est dans dix minutes, il ne peut pas être en retard, mais il lui faut de la gomme. Heureusement, l’épicerie est sur son chemin. Le temps presse. Il n’y a qu’une seule caisse d’ouverte à l’épicerie et il y a une immense file de monde. Et s’il était en retard ? S’il était vraiment en retard ? En retard pour de bon. Qu’est-ce qui pourrait bien lui arriver maintenant que plus rien ne l’attend ?

Et si l’épicerie devenait sa porte de sortie ? Son échappatoire ?
Et si l’épicerie était plus qu’une épicerie ?
Et qu’est-ce qu’une épicerie au fond ?

Maudite bonne question.


Section vidéo


Concepteurs Keven Dubois, Karine Mecteau et deux autres concepteurs

Une production La Bête Noire


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
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Critique

Crédit photo : Cath Langlois Photographe

C’est un habile mélange entre un thriller et une comédie noire, présenté ces jours-ci à Premier Acte, que nous propose la nouvelle pièce de Jean-Denis Beaudoin,  Épicerie. L’auteur de Mes enfants n’ont pas peur du noir, qui avait été présenté aussi  à Premier Acte à la fin 2014, précise son style et prouve qu’il n’était pas qu’une saveur du mois avec son nouveau texte ;  texte qui s’est vu être honoré lors du concours dramaturgique du Carrefour international de théâtre en 2014.

Qui n’a pas déjà eu peur de rester enfermé dans un commerce après sa fermeture, sans pouvoir en sortir? C’est avec une prémisse très simple que commence Épicerie. Il est 20h40 et Chris (David Bouchard) a un rendez-vous important à 21 heures. Avant de se rendre à son rendez-vous, il s’arrête à l’épicerie juste avant la fermeture pour s’acheter un paquet de gomme. Chris a vraiment envie/besoin d’une gomme, mais ce qu’il ne sait pas encore, c’est que cette gomme marquera le début d’une soirée pas comme les autres. Une soirée qui le marquera à jamais.

Difficile de parler de l’intrigue sans trop en révéler les clés, mais disons qu'à la suite d'un concours de circonstances, Chris se verra offrir un emploi par le gérant de l’épicerie (Réjean Vallée), un poste de commis aux fruits et légumes. Très heureux de ses nouvelles fonctions au départ, l’ancien chômeur se rendra bien vite compte que le poste n’est pas de tout repos à l’Épicerie Daniel Gingras et qu’il devra faire des choix difficiles, des choix qui le confronteront à ses peurs les plus intrinsèques,  à son désir de devenir quelqu’un d’autre et à son besoin d’être accepté.


Crédit photo : Cath Langlois Photographe

La mise en scène de Jean-Denis Beaudoin est inventive et vivante. Pour représenter l’appartement de Chris, on brise le quatrième mur afin de retrouver son colocataire (Samuel Corbeil)  assis parmi les spectateurs dans la salle. La pièce est constituée de multiples flashbacks pendant lesquels Chris racontera à son colocataire sa soirée déjantée ; procédé efficace et bien rendu par Beaudoin. La scénographie qu’il a imaginée, constituée d’étagères remplies de bidons vides est simple, mais particulièrement efficace pour représenter cette épicerie labyrinthique où tout est pareil d’un coin à l’autre. Le principal problème de la pièce se situe au niveau du rythme de la deuxième moitié ; alors que la première partie, plus nébuleuse, laisse planer un certain mystère, la seconde, qui révèle l’intrigue réelle, voit son rythme s’avérer moins efficace qu’anticipé. Les chemins empruntés pour se rendre à la chute finale sont quelque peu tortueux et auraient mérité quelques raccourcis, voire une restructuration narrative plus serrée. On aurait aussi aimé davantage de viande autour de l’os (clin d’œil, clin d’œil) en ce qui concerne cette fameuse finale presque en queue de poisson. Les meilleurs thrillers sont souvent ceux qui nous prennent par surprise, qui nous indiquent une direction pour finalement nous emmener vers une autre, totalement opposée. Ce qui n’est pas le cas ici : on se doute de la fin assez rapidement et on aurait aimé que ce ne soit qu’une feinte pour nous surprendre avec un ultime revirement. Le mélange de deux styles n’est pas toujours aisé : le rythme de la comédie n’est pas du tout celui du suspense, et si, généralement, les deux s’agencent plutôt bien, on sent qu’à d’autres moments durant la représentation ils se nuisent jusqu’à ralentir inutilement les choses.

Malgré quelques petits accrochages lors du soir de la première,  David Bouchard offre une performance remarquable et très juste dans son rôle de Chris ; les mots de l’auteur Jean-Denis Beaudoin déferlent de façon naturelle et presque sans faille.  Mention spéciale aussi à Gabriel Fournier qui joue un commis absurde et «malaisant» au possible. L’univers déjanté qu’a créé Beaudoin devient un véritable terrain de jeux pour les comédiens qui semblent tous s’y amuser à merveille, incluant Laurie-Ève Gagnon, seule femme du groupe. Et que dire de Réjean Vallée, absolument parfait dans son rôle du méchant mais attachant Daniel Gingras ; il amène littéralement la production à un niveau supérieur dès qu’il entre en scène.

On s’amuse ferme durant les deux heures du spectacle et certaines scènes nous poussent sur le bout de notre siège. Une pièce qui sort un pied des sentiers battus et qui prouve une fois de plus que la relève est talentueuse et bien vivante à Québec.

21-02-2016