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Du 14 avril au 2 mai 2015
Usages
Texte et mise en scène : Amélie Bergeron
Avec Marc Auger Gosselin, Monika Pilon et Simon Lepage

On est tout en contradictions. On pense savoir, on pense connaître. On se trouve souvent mieux que les autres. On a donc toutes les solutions à tous les problèmes.

À ceux des autres. Parce que « moi, mes affaires, c’est pas pareil, tu peux pas comprendre ». On se pense à part, différent, mais on ne veut pas vraiment l’être. On trouve les autres caves, bouchés. Si seulement le monde pouvait comprendre, « y en n’aurait pu de problèmes ». On exagère souvent. On manque de recul. On pense avoir raison, ce sont les autres qui ont tort. Mais sait-on seulement ce qu’il est en train de dire, l’autre ? Ou bien s’en est-on fait une idée « à peu près » sur ce qu’on en sait en pensant ne pas avoir besoin d’en entendre davantage ?

Le beau Éric observe le monde avec détachement, du haut de sa confortable position d’ami de Nic, le chef de la meute. Michelle, qui voudrait bien mettre sa langue dans la bouche d’Éric, veut ressembler à Judith qui, elle, sort avec Nic, qui, lui, reluque Michelle tout en gardant Judith à portée de la main. Olivier, qui voudrait bien que Judith le remarque sans être trop remarqué de Nic, essaie tant bien que mal – et plus mal que bien – de prendre sa place dans cet environnement qui ne veut pas de lui, pendant que sa mère l’attend à la maison avec ses vêtements fraîchement lavés.

Ils ont presque trente ans.


Conception : Mathieu C. Bernard, Amélie Bergeron, Ariane Côté Lavoie et Carol Ann Charette
Photographie : Amélie Bergeron

Une production Les Brutes de décoffrage


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : CATHLANGLOIS Photographe

La saison 2014-2015 en dents de scie de Premier Acte se termine avec une très décevante pièce de l’auteure et metteure en scène Amélie Bergeron, Usages.

Sur papier, Usages semblait vouloir se pencher sur la solitude de ces hommes et ces femmes qui atteignent la fin vingtaine et qui sortent dans les bars pour tromper l’ennui, l’abandon, et trouver une étincelle de bonheur, factice ou réelle. Si la prémisse rappelait vaguement quelques éléments de Disparaître ici, joué de l’autre côté de la rue il y a quelques semaines, Usages n’en a ni la portée, ni la ferveur : on se retrouve devant une œuvre anecdotique et dramatiquement sans grand intérêt, voire pertinence.

Trois personnages clichés sont mis en scène : il y a d’abord la fille, amie d’une certaine Judith, portant une robe moulante au ras des pâquerettes, prête à tout pour enfin se faire voir par le beau gars à moto, quitte à jouer le jeu de la « pitoune » de service. Puis, ledit beau gars, malheureusement amoureux de Judith, la blonde de son ami Nick « pipé », écoeuré de voir Nick tromper sa blonde et ramasser la pauvre Judith à la petite cuiller. Enfin, le « loser » invisible, qui, malgré une certaine bravoure devant l’adversité, s’est sauvé d’une sévère correction que Nick lui aurait servie à poings levés, grâce aux formes de la fille à la robe moulante qui ont hypnotisé la gang de Nick. Tout ce beau monde se retrouve dans un bar, confrontant le destin qui, au néon et aux éclairages laser, leur disait pourtant de retourner illico à la maison.

Demeurant toujours sous le premier degré, le texte d’Amélie Bergeron nous plonge dans le monde de ces fêtards esseulés et blessés, qui, pour un soir, veulent se défaire de leur désolante petite vie. L’humour est d’une déconcertante facilité, flirtant souvent avec la vulgarité pour provoquer l’hilarité. Pour calquer le langage relativement pauvre des jeunes qui sortent dans les bars, Amélie Bergeron utilise des phrases crues, directes, souvent incomplètes – une autre technique utilisée pour tenter de faire rire –, se terminant par des expressions vides, comme « tsé », n’allant ainsi jamais jusqu’au bout du souffle et de la réflexion des personnages.  

Si on avait voulu prétendre un tant soit peu vouloir créer une pièce satirique qui se moquait des comportements sociaux des jeunes adultes, ou de réfléchir sérieusement sur le vide qu’ils ressentent, enfermés dans leurs corps et leurs vies, cherchant l’amour et le regard de l’autre, la pièce aurait eu une raison d’être. Bâtie comme une mauvaise comédie à la mise en scène clinquante, on regarde défiler avec un certain agacement les différents monologues en parallèle des personnages, qui racontent ainsi le déroulement de la soirée et qui dévoilent leurs pensées. Il faut tout de même avouer que lors de la première, certains spectateurs ont ri de la conduite des trois personnages, alors que d’autres trouvaient le temps réellement long.

Les comédiens ne se débrouillent pas si mal, malgré le fait que leur casting et leur jeu trompent ou faussent leurs personnages : Marc Auger Gosselin semble un brin trop cool pour être l’invisible de service, Monika Pilon à l’accent populaire et aux déhanchements sexy ne laisse aucunement transparaitre la « bonne fi‑fille » qu’elle est censée être, et Simon Lepage s’exprime parfois de façon trop sincère et émotivement trop juste pour le « douchebag » qu’il doit être.

Pièce racontant une « soirée de merde » se terminant d’ailleurs sur un gag scatologique, avec des dialogues pour le moins douteux,  le tout devant trois portes battantes de toilette de bar, Usages ne restera définitivement pas gravé dans les « a(n)nales » du théâtre contemporain.

15-04-2015