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Du 9 au 11 octobre 2014
Gros-Câlin ou la conférence sur la solitude des pythons dans les grandes villes
Adaptation, mise en scène et interprétation : Pascal Contamine

Michel Cousin, statisticien dans une grande ville, cherche désespérément à combler le vide de son existence. À défaut de trouver l’amour chez ses contemporains, il s’éprend de Gros-Câlin, un python capable de l’enlacer d’une puissante étreinte. Mais la cohabitation avec un reptile de deux mètres ne se fait pas sans problèmes.

Premier roman publié en 1974 par Romain Gary sous le pseudonyme d’Émile Ajar, Gros-Câlin présente une fable humoristique étrangement annonciatrice d’une société individualiste et technocrate.

Derrière le comique de surface de cette histoire abracadabrante, le ton burlesque et le langage cocasse utilisé par ce « doux dingue » dans son monologue inattendu, ce texte pathétique où l’humour rivalise avec la tendresse ne manque pas de faire réfléchir sur le monde contemporain. On y retrouve les thèmes chers à Romain Gary : la quête d’identité, la peur de la solitude, le besoin d’affection, la nécessité de maintenir la communication et, mieux encore, l’amour.


Scénographie, costumes et accessoires : Fruzsina Lanyi
Éclairages : David Perreault-Ninacs
Environnement sonore : Jean-Sébastien Roux
Projection vidéo : Frédéric St-Hilaire

Une production CIRAAM
Présentée en codiffusion avec le FESTIVAL QUÉBEC EN TOUTES LETTRES


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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Dates antérieures (entre autres)

Du 21 mars au 7 avril 2012, Salle Fred-Barry (Montréal)

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon (2012)

La survie affective en milieu urbain

« La tendresse a des secondes qui battent plus longtemps que les autres. »


Crédit photo : Allan Michael Brunet

Gros-câlin, d’après l’œuvre de Romain Gary, est d’abord et avant tout l’histoire d’une solitude immense, noyée dans la jungle des villes. M. Voisin, un statisticien de 37 ans, vit seul. Ou presque. Son grand besoin d’affection et de tendresse l’a poussé à adopter un python pour animal de compagnie, à prendre chez lui cet animal froid, effrayant pour la majorité des gens, et à se laisser enlacer par lui, dans ses deux mètres d’anneaux, jusqu’à l’étouffement. Ce python affectueux a pour nom Gros-Câlin…

Transformé en conférence sur la vie des pythons dans les centres urbains, le roman de Romain Gary se transpose très bien sur la scène de la salle Fred-Barry. Dans un décor imaginatif où les deux lieux de vie de M. Voisin se fondent en un seul, moitié bureau, moitié appartement, l’excentrique conférencier use de quelques diapositives colorées qui vont se superposer à des graphiques gris et mornes, comme il l’est lui-même. L’effet qui s’en dégage est néanmoins un peu lourd, y avait-il vraiment besoin de représenter les deux lieux? Un jeu d’éclairage figure, plus simplement, l’ascenseur qu’emprunte M. Voisin, un procédé plus efficace et moins encombrant.

De son propre aveu, M. Voisin suit une « démarche par contorsion », empruntant, au fil de son récit, de nombreux détours, toujours en revenant à son point de départ pour reprendre l’histoire là où il l’a laissée. Cette manière de faire souligne bien les ressemblances entre l’homme et son animal de compagnie. Par moments, il est cependant difficile de ne pas s’égarer dans les différents « nœuds » de l’histoire. C’est une faiblesse de l’adaptation. On n’a pas, en tant que spectateur, le loisir de revenir en arrière comme le ferait un lecteur ou de prendre le temps de bien déguster les succulentes comparaisons et réflexions de M. Voisin, lequel semble souffrir du syndrome d’Asperger.

Pratiquement incapable d’entrer en communication avec les autres, il analyse erronément chacun de leurs gestes ou paroles. Ses erreurs d’analyse suscitent d’ailleurs de nombreux rires. Il faut dire que M. Voisin va jusqu’à s’imaginer une relation amoureuse et un mariage avec Mlle Dreyfus, une collègue de travail, en voyageant simplement avec elle tous les matins dans le même ascenseur. Voyager est bien le mot : il attribue un nom de pays à chaque étage! Pascal Contamine a su insuffler la juste dose d’humour à ce personnage étrange. On rit, bien sûr, de ses tics tant physiques que verbaux, de sa manière étrange de s’exprimer et de penser, ou de sa mauvaise compréhension des autres, mais on ressent aussi un attachement pour lui. On pose sur lui un regard attendri, sans pitié, mais avec humanité.

Malgré quelques cafouillages, certains mieux récupérés que d’autres, Contamine incarne à merveille ce monstre de solitude et son immense besoin d’affection. Tout au long du spectacle s’opère une lente mais irrévocable mue, très bien mise en scène. La transformation finale de M. Voisin est aussi fascinante que son cheminement psychologique.

Une conférence comme on en voit rarement ; loin des chiffres orphelins et des sentiments artificiels, Gros-Câlin nous ramène à l’essentiel besoin d’aimer et d’être aimé en retour. Quand il y a un manque, on devient un tout petit peu moins humain, un tout petit peu plus reptile…

24-03-2012