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Du 16 septembre au 4 octobre 2014
Dans le bois
Texte David Mamet
Traduction Rose-Marie Belisle
Mise en scène Danielle Le Saux-Farmer
Avec Jean-Denis Beaudoin et André Robillard

« Je pars dans un chalet, avec une date. C’est la première fois. Un chalet loin ; de l’asphalte, de mon réseau, de tout. Moi, la date, pis l’état sauvage, avec tout ce que ça inspire. Avec un bagage plein d’attentes.

Ça va-tu être le fun ? C’est qui cette personne-là ? À quoi elle s’attend ? Qu’est-ce qu’elle va vouloir qu’on fasse ? Est-ce qu’elle va être énervante ? Est-ce qu’elle va être comme les autres? »

Deux jeunes garçons, au beau milieu de la forêt, dans un chalet. Deux amoureux en début de relation, qui se retirent pour retrouver le calme, pour avoir du fun, pour être ensemble, seuls. Loin des bruits de la ville, ils y passeront la nuit. En s’ouvrant à l’autre, ils découvriront les blessures du passé, les peurs et les attentes de l’autre.

Quand la parole n’arrive plus à racheter le malaise qui grandit entre eux, un orage éclate et les deux gars en viennent à la violence. Et lorsqu’on se rend si loin au fond de soi, qu’on se perd dans le bois, notre seul refuge devient l’autre.

Ce texte de David Mamet a originellement été écrit pour un homme et une femme. La relecture qu’en fait la compagnie Bois franc & langues fourchues vient souligner l’importance de mettre de l’avant des couples homosexuels dans nos oeuvres.

Dans le bois, c’est un face-à-face. C’est la rencontre de deux personnes qui tentent de trouver l’autre, pour le meilleur et pour le pire.

Qu’est-ce qui se passe quand c’est pour le pire ?

On fuit ou on se bat ?


Section vidéo


Conseiller à la mise en scène : Jean-Sébastien Ouellet
Scénographie, costumes et accessoires : Karine Mecteau Bouchard

Une production Bois franc et Langues fourchues


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Cath Langlois Photographe

Fin de la saison chaude : Nick invite Antoine, son amant, à délaisser la ville pour passer quelques jours  à la maison d’été appartenant à sa famille. Tout heureux de cette nouvelle expérience, Antoine s’anime, profite du moment, tente de se rapprocher de cet homme dont il est amoureux. Mais Nick semble se battre avec ses démons ; il accepte encore mal cet élan omniprésent en lui qui le pousse à désirer un autre homme. La première nuit sera un véritable combat entre eux, exposant les failles de ces deux êtres aussi forts que fragiles à l’intérieur de leur amour qu’ils vivent bien différemment.

Écrit en 1977, Dans le bois (The Woods) de David Mamet met à l'origine en scène un couple hétérosexuel, abordant les archétypes du masculin et du féminin dans une relation intime : de l’apprivoisement à l’implosion causée par la violence verbale et physique. Le texte, sous plusieurs métaphores de forêt, de nature et de cadeau, tente d’explorer les méandres de la relation amoureuse : douceur et engagement versus désir primitif. Parfois poétiques, les mots de Mamet s’avèrent houleux, elliptiques, creux, imitant de façon boiteuse le style d’Harold Pinter ; la trame se perd parfois en divagation, et les histoires de jeunesse et de contes de fées que se partagent les deux personnages n’ont jamais de conclusion. Dans sa construction initiale, Dans le bois s’avère assez banal.

En proposant l’idée d’un couple homosexuel, le collectif Bois franc et Langues fourchues octroie à ce texte un souffle différent, une autre dynamique qui n’est pas dénuée d’intérêt. La jeune et prometteuse metteure en scène Danielle Le Saux-Farmer désire faire ainsi la preuve (ou, du moins, démontrer) que l’hétéronormalité est un concept dépassé, et que le couple homosexuel répond aux mêmes principes et besoins fondamentaux que celui hétérosexuel : le besoin d’être accepté, compris, d’être désiré et aimé. Le personnage d’Anne (Ruth en anglais) devient Antoine, mais conserve plusieurs traits de caractère essentiellement féminins. Dans ses doutes, il se voit soumis à Nick, à qui il demande sans cesse d’approuver ou de répondre à ses questionnements. Si, pour l’histoire, cette situation dominant-dominé est névralgique, elle peut causer un certain détachement du côté du spectateur qui n’arrive pas à capter la réelle part masculine d’Antoine.

La mise en scène mise sur l’opposition des deux personnages : le plateau, placé au centre de la petite salle de la rue Salaberry, est l’amalgame d’un balcon sans attache – ou un quai – et d’un ring de boxe. Les protagonistes sont souvent chacun dans leur coin, s’affrontant d’abord subtilement sous le couvert de la parole, puis physiquement, de manière parfois brutale. Ces moments sont sans contredit les plus réussis et les plus intenses du spectacle, créant un contraste frappant avec la tendresse que se démontrent parfois les deux hommes. Par contre, certains choix de la mise en scène laissent perplexes, dont les nombreuses transitions, souvent au milieu d’un dialogue, qui montrent très rapidement le désir ou la douleur des hommes. Ces brefs arrêts n’apportent que peu de choses à l’histoire, dérangeant même le suspense qui peut s’installer lors de certains passages. L’expression corporelle de Nick, qui, dès le départ, ne laisse aucune place à d’autres émotions que l’irritation et la colère passive, plombe le personnage, alors que son sentiment d’impatience devrait évoluer au fil (et au profit) de la représentation.

Malgré une interprétation somme toute convaincante, le jeu des comédiens s’est avéré, lors de la première, très inégal. Certaines répliques arrivaient trop rapidement, créant cafouillages ou enchevêtrement de paroles, surtout en première partie. Avec quelques représentations sous la ceinture, et le respect des temps d’arrêt que le texte propose, voire impose, il est à parier que l’expérience théâtrale, comme l’a démontré la finale, beaucoup plus solide que le reste de la représentation, en sera grandement améliorée.

Cette relecture d’un texte plutôt underground du maître américain David Mamet offre un intéressant regard sur le couple homosexuel par l’entremise d’une histoire d’abord écrite pour un couple hétéro. La transposition, toute naturelle et d'une grande justesse, et la trempe des acteurs en scène font de Dans le bois une jolie réussite pour le collectif Bois franc et Langues fourchues.

18-09-2014