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Du 31 janvier au 11 février 2012
En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen
Texte et mise en scène : Sébastien David
Avec : Frédéric Côté, Sébastien David et Marie-Hélène Gosselin

Deux courtes pièces, un seul univers : un flot de paroles sans ponctuation à cheval entre poésie et spoken-word, des personnages égarés, les années 1990, le bruit de la ville, la solitude…

EN ATTENDANT GAUDREAULT – William, le junkie, Monique, l’amoureuse enfermée, et Dédé, le petit de la construction, attendent Gaudreault. Mais Gaudreault n’arrivera jamais… Continuer ou arrêter d’attendre? Espérer ou tout laisser tomber? Là se trouve le dilemme de ces trois personnages qui n’ont pas de moyens, qui n’ont pas « les mots, sacrament »  pour se défendre, s’aimer ou se raisonner, mais qui pourtant vivent à plein, dans la douleur certes, mais dans l’espoir naïf, l’espoir des âmes esseulées.

TA YEULE, KATHLEEN – Kathleen, le bébé, pleure sans cesse et c’est insupportable. N’en pouvant déjà plus d’être mère à la maison, Lynn, la mère célibataire, fera tout ce qu’elle peut pour sortir de son deux pièces et demie, le temps d’une soirée, qu'elle ait une gardienne ou pas. Déchirée entre son rôle de mère et son désir d’être femme, Lynn trouvera davantage de raisons de désespérer. 


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Scénographie et costume : Anne-Marie Bérubé
Éclairages, direction technique et régie : Catherine Comeau
Son : Thierry Gauthier

Carte Premières
Cartes Prem1ères
Date Premières : 3, 4, 10 et 11 février
Régulier : 26$
Carte premières : 13$

Une production Collectif en Attendant


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656

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Dates antérieures (entre autres)

Créée au Théâtre d'Aujourd'hui du 11 au 29 janvier 2011

 
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 Critique
Critique

par Chloé Legault


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Récipiendaire de trois prix (deux pour le texte, dont le Prix auteur dramatique de la Banque Laurentienne, et un pour l’interprétation de Marie-Hélène Gosselin, lors des Cochons d’or 2011), le Collectif En attendant s’amène à Québec pour nous présenter leur création En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen. Deux courtes pièces, écrites sans ponctuation par Sébastien David, dans lesquelles la langue est crue, vivante, vraie, typiquement québécoise et prend toute la place. Très contemporain par sa forme narrée, ce spectacle plonge le public dans la cacophonie des années 1990 via la parole de quatre personnages.

Ta yeule Katlheen propose une incursion dans le quotidien de Lynn, jouée avec intensité par Marie-Hélène Gosselin, et de son bébé de deux mois, Kathleen, qui pleure, hurle et braille sans cesse. C’est dans un monologue chargé d’émotions que Lynn raconte, en s’adressant à sa fille, son désespoir et sa détresse face à une situation qu’elle a plus ou moins choisie, celle d’avoir un enfant seule.

En attendant Gaudreault c’est le carrefour de trois voix, celles de Monique « l’amoureuse enfermée » (Gosselin), William « le junkie » (Sébastien David) et Dédé « le petit de la construction » (Frédéric Côté), qui se mélangent et se croisent dans l’attente de Gaudreault qui, bien sûr, ne viendra pas. Le titre à tôt fait de nous rappeler la pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot, mais l’histoire quant à elle s’en distingue. Le texte de David est original ; il ne s’agit pas du tout d’un pastiche du chef-d’œuvre absurde, bien qu’il s’en inspire. Ici, la vie pèse lourd et c’est dans l’espoir de s’alléger que les antihéros de cette pièce tentent de retrouver Gaudreault. Seulement, ils finissent par se rendre compte que leur sauveur n’en est pas un, loin de là.

Le jeu des trois comédiens est vif et tranchant. Gosselin, David et Côté incarnent la détresse de leur personnage et l’urgence qu’ils ont de dire avec véracité, sans tomber dans le piège d’un réalisme plat et feint. Tout en étant simple et épurée, la mise en scène de Sébastien David a quelque chose de très chorégraphié et parfois même de robotique, ce qui contribue à mettre l’accent sur la parole. Quelques jeux d’éclairages ici et là, des effets sonores et de la musique viennent donner de l’ampleur aux pièces ; sans trop en mettre, les doses sont bien calculées.

En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen c’est avant tout un déferlement de mots, une prise de parole au pluriel, un hymne au pouvoir libérateur de la verve.

02-02-2012

par Sara Fauteux


Crédit photo : Jérémie Battaglia

La toute première version de la pièce En attendant Gaudreault a vu le jour en 2008, au Théâtre Prospero, dans le cadre de l’événement Rallye Midi-Minuit. Elle est reprise par le même événement en 2009 et présentée lors du festival OFFTA en 2010. Le spectacle qui est à l’affiche à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui ce mois-ci est le fruit d’un long travail de création et d’une pensée qui s’articule sur plusieurs années. En attendant Gaudreault est maintenant présenté en programme double, précédé d’un court monologue, Ta Yeule Kathleen. La combinaison des deux pièces est d’ailleurs fort pertinente et permet d’approfondir le propos de l’auteur.

Dans un Montréal de misère des années 90, William le junkie, Dédé le petit de la construction, Monique l’amoureuse enfermée, Kathleen le bébé et Lynn la monoparentale se débattent avec leur solitude, leur ignorance et leur ennui. Ils trouvent refuge dans la culture populaire qui, dans leur univers, est signe d’espoir. Désemparés devant la vie et le monde qui s’active autour d’eux, les personnages de Sébastien David manquent de moyens pour s’exprimer et pour s’extraire de cette détresse qui les avale. Comme les personnages du grand dramaturge irlandais auquel le titre d'une des pièces de David rend hommage, Samuel Beckett, l’absurdité du monde les empêche d’y prendre part.

S’ils sont le reflet de l’univers très personnel du jeune auteur, ils nous sont aussi extrêmement familiers. En effet, la dramaturgie québécoise est bourrée de ces êtres désespérés et misérables qui baignent dans l’ignorance. Partageant le sort de beaucoup de figures de notre héritage culturel, les personnages d’En attendant Gaudreault et Ta yeule Kathleen ont leur poésie singulière et moderne pour les distinguer du lot. Les mots bruts de David font résonner une langue enivrante qui nous pousse à nous plonger encore au cœur de cette blessure qui semble fondatrice au Québec.

La mise en scène sert bien l’écriture et les images créées, en toute simplicité, sont assez précises pour habiter l’espace de la scène qui reste abstrait et dénudé. L’interprétation des comédiens est juste et la sobriété du jeu et de la mise en scène laisse toute la place à la puissance du texte. La détresse des personnages est inscrite dans leur voix et dans les mots qu’ils enfilent en un flot intense et continu. Cette cohérence entre le fond et la forme témoigne de la solidité et de la profondeur de la démarche entreprise par l’équipe de création.

En attendant Gaudreault et Ta yeule Kathleen donne à voir un spectacle maîtrisé et troublant. Sébastien David a bien raison de continuer de croire que le simple fait de prendre la parole sur une scène est un acte poétique, surtout avec une parole comme la sienne. Mais, dans le souffle obsédant de ses textes, on pressent une force autrement plus puissante qui semble contenue. Malgré les propos très crus des personnages et le trouble qu’ils suscitent, le tout reste encore trop soutenable. Parce qu’on sait qu’il ne s’agira pas de violence gratuite, on a envie de suivre Sébastien David dans l’explosion de cette brutalité des mots et de la représentation.

18-01-2011