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Du 22 janvier au 9 février 2008

Le Boxeur

Texte, mise en scène et interprétation: Patric Saucier

Je suis né d'une souche d'hommes forts, sur un bout de branche, mêlé par les racines. Un bourgeon anonyme, un pareil au même que des centaines de boutures de la même lignée mais j'ai donné une feuille qui faisait plus d'ombrage. 

Un homme marche dans le Paris By-Night. Un Gros cherche son chemin sous la pluie grisaille d’hiver. Égaré, sa seule erreur aura été de demander sa route à cette Parisienne. Perdu, il se rue sur ce regard de mépris qu’on lui a si souvent servi.

J'ai fessé plus fort que j'imaginais parce que je m'étais jamais imaginé en train de fesser, en pleine gueule, en pleine rue, une inconnue. L’oiseau touche son bec cassé, le rouge de son sang se mêle à son rouge à lèvres, à celui de ses ongles. Des larmes de « par pitié, Monsieur, arrêtez !» lui beurrent la face de mascara mais, l’ours enragé se lance sur sa proie pour dévorer ce qui lui reste de beauté. La police arrive sur le lieu du carnage, beaucoup trop tard. L’ours pleure en tenant la tête de sa victime collée contre sa poitrine ; il s’en était fallu de peu pour qu’il tue l’oiseau. Une dernière parcelle d’humanité avait resurgi à temps pour éteindre les feux de la rage qui, en quelques secondes, avaient ravagé deux vies.

« Faut croire que mes racines se sont finalement montrées plus fortes que mon désir de leur échapper : je suis devenu boxeur. »

Pièce en dix rounds qui retrace le parcours d’un gros, de son enfance à son emprisonnement. Un monologue dur sur les victoires et défaites de sa différence. Rencontres avec ses fantômes : De Mohammed Ali à son père Alzheimer, de sa mère inondante à son frère noyé en passant par une pléthore d’autres détenus.

Assistante à la mise en scène: Anne-Marie Jean
Scénographie : Vanessa Cadrin et Philippe Séguy

Une production du Théâtre du Transport en Commun

Premier Acte
870, rue Salaberry
Billetech : 418-643-8131 - 418-691-7211

 

 

par Yohan Marcotte

La nouvelle compagnie Le Théâtre du Transport en Commun, qui s’est donné le mandat de jouer les textes d’auteurs de la ville de Québec, présente sa première production à Premier Acte. Patric Saucier signe Le Boxeur ou La fin d’un gros câlisse qu’il présente comme un monologue théâtral. Il prend également en charge la mise en scène et l’interprétation de la pièce et il en résulte un spectacle dont les transports sont efficaces et sans prétention. Un spectacle touchant et intime qui laisse bonne place à la réminiscence. On y sent un vécu éprouvé, mais surtout on y retrouve une belle part d’imagination et de transposition permise par le talent de l’auteur qui a su éviter l’anecdotique et  les pièges de l’autofiction.

Le boxeur c’est avant tout un homme qui, bien que paré par sa carrure à recevoir les coups, il n’est pas moins sensible à ceux qu’on lui a donnés au cours de sa vie afin de le jauger. Malgré son apparence inébranlable et massive, les attaques qu’on lui réserve savent fissurer sa corpulence pour atteindre son cœur. Les violences, comme toutes choses qu’on répète, créent à l’usure des marques bien plus pernicieuses que les cicatrices qui peuvent laisser croire à une rémission des blessures…

Patric Saucier invite le public à une rencontre avec un personnage singulier. Le boxeur n’est pas un marginal, mais un homme qui, sous l’insistance des coups qu’on lui a donnés toute sa vie, s’est trouvé propulsé en marge de la société. Et c’est en prison que le personnage se trouve lorsqu’il nous conte son histoire en une sorte de monologue apparentant davantage aux contes urbains. C’est avec intérêt et parfois même enthousiasme que nous suivons les péripéties du personnage au parcours tortueux qui crée sa légende comme il peut. Évidemment, la vie d’un bouc émissaire est toujours semée d’embûches, ainsi le fond de l’histoire n’est pas réjouissant et malgré tout le personnage sait tirer le filon comique des événements qu’il relate. À ce sujet, il faut souligner le travail de Patric Saucier qui a su faire décoller du plancher des vaches une histoire grave qui aurait pu s’avérer bien lourde  si aucun égard n’avait été porté à la façon de transmettre ceci au public. C’est l’histoire d’un mal-aimé, personnage que l’interprète parvient à nous faire prendre en affection dans une économie de moyens. Cette parcimonie s’affirme à la fois de façon authentique, brutale et désarmante. C’est cet esprit que Patric Saucier à su enchevêtrer dans le texte et la mise en scène, qu’il parvient à communiquer avec vitalité et qui a une pleine force d’impact.

Mis à part l’histoire que le boxeur nous raconte, il y a toutes sortes de trouvailles de mise en scène qui n’ont rien de renversant, mais qui sont efficaces. Par le concours d’une même simplicité que celle avec laquelle la parole est communiquée, elles créent un ton cohérent à l’ensemble de la production et enrichissent et diversifient les possibilités du texte monologué. Par exemple, un personnage est suggéré en manipulant des objets entourant le boxeur dans sa cellule, soit un gant de boxe une serviette. Le but n’est pas tant d’impressionner le spectateur, mais de faire surgir, avec les moyens du bord, ce que le personnage éprouve comme des présences intangibles qui viennent hanter ses souvenirs.

Patric Saucier a su relever le défi de porter tous les masques de ce spectacle de création, ce qui n’est pas sans risque. Ce n’est pas pour ce tour de force qu’il faut voir Le Boxeur, mais pour faire la rencontre in extremis d’un personnage qui sombre et qui prend les mots au poing, se les faire sortir de la bouche pour ne pas finir étouffé par eux.

28-01-2008