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Titus
Du 17 novembre au 2 décembre 2017 - public averti, 16 ans et +

En s’attaquant au texte le plus sanglant de Shakespeare, Les Écornifleuses restent fidèles à ce à quoi elles nous ont habitués: un théâtre de bouleversement des codes, des langages, des rôles, des intentions. En choisissant de monter TITUS avec des femmes dans les rôles réservés normalement à la «force masculine», Les Écornifleuses décident ici de faire face à l’oppression contre laquelle toutes et tous se battent encore, en quête d’un équilibre réel. Dans ce qui sera leur propre interprétation du classique de Shakespeare, les femmes joueront les hommes, les hommes joueront les femmes.

Avec TITUS, le public sera confronté à une tragédie, mais verra aussi une lueur d’espoir. Loin de vouloir ajouter à la tonne de haine que le monde entier reçoit chaque jour, Les Écornifleuses souhaitent plutôt la représenter pour, ensuite, y mettre un grand coup d’amour. Dans un spectacle où le jeu remplira l’espace, le sang coulera, oui, mais les chants s’élèveront.


Texte William Shakespeare
Traduction André Markowicz
Mise en scène et adaptation Édith Patenaude
Avec Mykalle Bielinski, Caroline Boucher-Boudreau, Véronique Côté, Marie-Hélène Gendreau, Marie-Hélène Lalande, Dominique Leclerc, Joanie Lehoux, Anglesh Major, Valérie Marquis, Guillaume Perreault


Crédits supplémentaires et autres informations

Appui dramaturgique Joanie Lehoux
Musique Mykalle Bielinski
Lumières Jean-François Labbé
Direction technique et régie Marylise Gagnon

Mardi et mercredi à 19 h
Jeudi et vendredi à 20 h
Samedi à 16 h

Date de la soirée rencontre : le vendredi 24 novembre

TARIFS
PRIX EN PRÉVENTE : 23 $ (jusqu'à la veille du jour de la première)
PRIX DÈS LA PREMIÈRE DU SPECTACLE: 36 $
Lors d'ajout de supplémentaire : billet à 36$ en tout temps

STUDIO MARC DORÉ : 23$ en tout temps

*Les taxes et les frais de services sont inclus dans nos tarifs

La pièce sera jouée au Théâtre Prospero (Montréal) du 13 au 24 février 2018

Une production Les Écornifleuses


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Critique disponible
            
Critique

Les Écornifleuses proposent, au LANTISS de l’Université Laval, une version téméraire, certes, mais affligeante de Titus Andronicus, de William Shakespeare. Sans tout résumer, cette pièce, selon Peter Brook, metteur en scène notoire qui en a monté une version marquante dans les années 50 avec Laurence Olivier, aborde « (l)es émotions les plus modernes – de la violence, la haine, la cruauté, la souffrance ». Elle parle aussi de l’horreur faite humaine, du pouvoir qui corrompt les élus, de la vengeance qui rend fou ; des thèmes inspirés directement du théâtre de Sénèque.








Crédit photos : Charles Fleury

Mais de quoi a réellement voulu parler Édith Patenaude (1984, Mes enfants n’ont pas peur du noir) avec cette version qui peut pousser à l’exaspération ? Le rejet du morbide ? De la tyrannie ? Du machisme (ajout au texte de Marius : « Si j’avais pu naître dans le corps d’une femme… ») ? Du viol « commandité » (Tamora : « …qu[e mes fils] la déflorent ») ? Du grotesque de notre société ? Ou simplement tomber tête première dans l’anti-Titus, dans le grand-guignolesque, et trouver plaisir, liberté et délivrance à foutre le bordel dans le texte shakespearien ?

On accepte ou non la proposition des Écornifleuses ; on apprécie ou on ne supporte pas. Malheureusement, bien que l’on salue le travail derrière l’œuvre proposée, notre critique balance vers cette seconde option. Explications.

L’idée de départ a déjà été tentée de nombreuses fois, mais peut s’avérer payante si elle signifie réellement quelque chose : faire jouer les rôles masculins à des femmes, les rôles de blancs à des noirs, et vice versa. La curiosité est piquée lorsqu’on apprend que les Titus, Saturninus, Lucius et compagnie seront interprétés par des femmes. Malgré le talent de la troupe, les personnages sont souvent près de la caricature, ou, alors, sombrent dans une ambiguïté qui ne sert aucun d’entre eux. Que voulait-on évoquer ? Que le mal est universel ? Les personnages se déploient plutôt à l’intérieur d’un troisième sexe : les femmes jouent des hommes au caractère féminin, et les hommes, des femmes aux manières masculines. Ainsi, les personnages se désincarnent, perdent leur aplomb, montrant ainsi une fragilité et une vulnérabilité très rarement exploitées, oui, mais qui créent une dilogie décalée, navrante, qui manque de cohérence.

À cause d’une mise en scène brouillonne, qui s’évertue à expliquer, en aparté, les intrigues pour que ce soit d’une clarté limpide, en plus de mentionner qui joue qui (au lieu d’un simple changement de costume), on tombe, au mieux, dans un mode expérimental, ou, au pire, dans un essai scolaire, effet accentué par le lieu de la représentation. Plusieurs choix sont discutables : d’abord, l’utilisation d’un (seul) microphone, alors que l’on comprend parfaitement tous les comédiens dans ce petit espace. Puis, le langage anachronique, dont plusieurs jurons placés ici et là dans la prose shakespearienne classique : les « tabarnak », « fuck you », « cool », « fine », « mange de la marde » et autres « je m’en câlisse », détonnent, malgré le choix de réciter le texte avec l’accent québécois. Peut-être voulait-on insuffler une violence toute québécoise dans ce récit parfois figé, littéraire ; peut-être voulait-on créer des moments un peu plus comiques, de manière délibérée ou non. Peu importe, un goût amer d’absurde et de stupéfaction surgit chaque fois qu’ils sont prononcés. Ce texte, qui se veut l’un sinon le plus sanglant de ce cher Will, voit ici sa violence être davantage évoquée que démontrée (un rare point positif) par des coups d’épées et de poignards retenus dans leurs élans. Une seule fois, le sang coulera, mais à un moment étrangement choisi. Le sens de la scène s’en voit alors affectée, puisque tout à coup graphiquement explicite pour peu de choses, en rapport au reste de la proposition ; on ne peut que se demander pourquoi. Et l’épongeage, par la suite, sous la scansion de la plèbe (« justice, justice ») apparaît banal, alors qu’elle aurait pu être si significative, choquante. La troupe ira jusqu’à proposer une fin alternative, qui prône l’amour, la paix, l’espoir ; elle aurait pu être douce, voire touchante, si elle n’avait pas eu ce côté kitsch qui tue la tragédie, pour le meilleur ou pour le pire – ce sera à chaque spectateur et spectatrice, à ce moment, d’en décider. Un peu et on entonnait la chanson de Raymond Lévesque.

Côté lumières et costumes, on a jeté à la poubelle le concept de subtilité. Les éclairages de Jean-François Labbé exploitent des couleurs qui tranchent : rouge contre vert, jaune contre bleu. Noémie O'Farrell, nommée comme styliste sur le spectacle, a ressorti les plus «beaux habits» des années 70 et 80 de certains garde-robes, donnant l'impression que la troupe avait fouillé dans un coffre et se serait partagé les pantalons argent, les chemises et autres robes disponibles.

Mais il n’y a pas que du mauvais dans cette version. Joanie Lehoux, sous les traits de Titus, rappelle vaguement, à son arrivée, de par sa chevelure noire et son aplomb, une Valérie Plante, maintenant mairesse de Montréal – un clin d’œil au pouvoir féminin sûrement dû au hasard, mais notable. Dominique Leclerc joue généralement un Aaron plutôt intéressant ; Guillaume Perreault, en Tamora, exploite plutôt bien les zones plus féminines de sa personnalité pour incarner cette reine des Goths. Les deux interprètes auront un face à face amoureux plutôt réussi, tout en retenue, durant l’acte 2. Le retour de Lavinia (Anglesh Major), violée et muette, puis la réaction de son père Titus, ébranlé, est possiblement la scène la plus mémorable de la représentation, durant laquelle on touche du bout des doigts à une réelle émotion. Malheureusement, dès l’arrivée du messager Aaron, la sauce se gâte. Notons la conception musicale de Mykalle Bielinski, tout en percussion (des tambours à cour et à jardin), rappelant le côté militaire de la grande Rome. En plus d’accompagner le jeu des interprètes, elle imprègne aux scènes un sentiment d’urgence.

L’aveu est sincère : il se peut que le critique que je suis n’ait pas compris cette proposition des Écornifleuses. La troupe prétend, dans le mot de la metteure en scène publié dans le programme, vouloir « jouer comme des enfants ». Mais pour jouer, il faut insuffler une certaine dose de ludisme, éprouver du plaisir et, surtout, le communiquer - d’autres pièces ont réussi ce pari, dont Gloucester, présentée à la Bordée l’an dernier -, ce qui n’est, ici, absolument pas le cas.

20-11-2017


 

Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

Présenté au Laboratoire des Nouvelles Technologies de l'image, du son et de la scène (LANTISS) de l’Université Laval (Local 3655 du pavillon Louis-Jacques-Casault - 1055, avenue du Séminaire)

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