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Du 3 au 28 mars 2015, 19h30 (17 mars à 13h)
W;TW;T
Texte : Margaret Edson
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène : Michel Nadeau
Avec Marie-Josée Bastien, Maxime Beauregard-Martin, Lorraine Côté, Jacques Leblanc, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Laurence Moisan-Bédard, Paule Savard

Vivian Bearing est professeure de littérature émérite. À l’âge de cinquante ans, elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer des ovaires à un stade avancé. Sachant ses chances de guérison presque nulles, elle accepte de se soumettre à un traitement expérimental agressif. Pendant sa lente agonie, apprivoisant sa mort imminente, elle nous livre le bilan de sa vie avec lucidité et ironie.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène : Véronika Makdissi-Warren
Décor : Christian Fontaine
Costumes : Julie Morel
Lumières : Denis Guérette
Musique : Marc Vallée
Vidéo : Lionel Arnould

Tarif : régulier : 35 $ ; 60 ans et plus : 30 $ ; 30 ans et moins : 25 $

Coproduction La Bordée et Théâtre Niveau Parking


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Nicola-Franck Vachon

Wit (anglais) : ingéniosité, vivacité de l’esprit. Mais qu’en reste-t-il lorsque tout le reste lâche? Vivian, professeure érudite d’une cinquantaine d’années, spécialiste du poète métaphysique anglais John Donne, apprend qu’elle est atteinte du cancer des ovaires, à un stade très avancé. Son médecin lui impose, avec son accord, une chimiothérapie expérimentale de huit mois. Malgré son tempérament, sa force de caractère et l’ablation de l’utérus, Vivian perd peu à peu le combat contre le cancer qui multiplie ses ravages dans son corps de plus en plus frêle.
Death, be not proud, though some have called thee
Mighty and dreadful, for thou are not so… *
(ô Mort, ne sois pas si fière d’avoir été dite puissante et redoutable, car tu ne l’es pas…)
* extrait du Sonnet sacré 10 de John Donne

Récipiendaire du prix Pulitzer en 1999, la pièce W;t de l’auteure américaine Margaret Edson, qui s’est inspirée de son passé en milieu hospitalier, plonge avec une implacable lucidité au cœur d’une terrible maladie, de ses traitements, de ses traitants, ainsi que dans l’inévitable réflexion sur la vie, sur ses croyances, sa solitude et ses terrifiantes angoisses face à sa propre finalité. L’un des traits de génie de miss Edson est d’avoir pu placer en parallèle le monde de la littérature de Vivian et celui, plus clinique, de la médecine. Les liens entre l’étude d’un poème et les recherches en laboratoire, par exemple, se font, étrangement, de manière très naturelle. Plutôt cérébrale dans son approche, usant davantage des mots pour toucher l’âme, la pièce arrive pourtant à démontrer une immense humanité et piquer le cœur jusqu’aux larmes, à travers la souffrance de Vivian et la bonté de l’infirmière Susie. Loin d’être « mythique, héroïque et pastorale », comme l’aurait souhaité la protagoniste de l’histoire, la pièce, qui tangue entre l’hyperréalisme de certaines scènes et les apartés de Vivian, qui s’adresse ainsi directement au public – procédé qui empêche la pièce de sombrer dans un pathétisme désolant –, place le spectateur dans le siège du témoin privilégié des derniers moments de sa vie. De sa fascination un peu morbide à son incompréhension totale, on assiste à la prise de conscience de Vivian devant le fait qu’ultimement, ni la science ni sa grande intelligence ne pourront l’aider dans ce combat perdu d’avance.


Crédit photo : Nicola-Franck Vachon

On retrouve dans la mise en scène de Michel Nadeau tout l’isolement et la solitude de Vivian lors de son hospitalisation. Dans un espace de jeu au décor pratiquement inexistant, où les accessoires sont amenés puis retirés, les comédiens vont et viennent rapidement. Des images de décors et de tableaux des siècles derniers sont projetées sur deux grands panneaux, dont un en fond de scène et l’autre suspendu, aidant ainsi à mieux situer l’action ou, inversement, à la rendre plus onirique, poétique.  Si ces projections permettent une aire de jeu épurée, elles ne sont pas toujours heureuses ; on s’interroge à un moment sur la pertinence de voir le visage de Vivian, en gros plan, qui se décompose en formes abstraites. L’image de la dame dans son intégralité, pour démontrer la dislocation du corps de Vivian sous les ravages de la maladie, aurait été beaucoup plus éloquente. De plus, la finale souffre d’un certain manque d’inspiration : les spectateurs sont d’abord éclairés massivement durant quelques secondes, appuyant inutilement l’émotion qui étreint la salle, puis, ils assistent, sous la forme d’une projection animée, à la marche de Vivian vers un horizon indéfini, un au-delà. À la limite du kitsch, la projection effrite les parcelles d’émotions restantes au lieu de les renforcer.

Lorraine Côté, crâne rasé, s’investit totalement dans son personnage de Vivian. Tout aussi forte que fragile, elle crée doucement un lien avec l’auditoire qui s’attache fortement à cette enseignante rigoureuse. Les quelques mots d’esprit et les répliques à l’humour relativement simple viennent, comme un baume, alléger certaines scènes plus dramatiques. Marie-Josée Bastien en infirmière généreuse et attentionnée, Simon Lepage en jeune interne détaché, plus intéressé par la recherche que l’aspect plus humain de sa profession, Jacques Leblanc en médecin expérimenté et Paule Savard en mentore d’études littéraires complètent admirablement bien, par leur jeu franc, l’entourage immédiat de Vivian. S’ajoutent à eux, pour interpréter des étudiants ou de futurs médecins, Danielle Le Saux-Farmer, Maxime Beauregard-Martin et Laurence Moisan-Bédard.

W;t est une pièce sur une réalité affligeante, que certains spectateurs pourraient trouver difficile à encaisser. Malgré une finale légèrement décevante, cette coproduction de la compagnie Théâtre Niveau Parking et de la Bordée ébranle et touche profondément.

03-03-2015