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Du 15 au 19 octobre 2013, 19h30
OrphelinsOrphelins
Texte : Dennis Kelly
Traduction : Fanny Britt
Mise en scène : Maxime Denommée
Avec Steve Laplante, Etienne Pilon et Évelyne Rompré

Liam, le jeune frère d'Helen, interrompt un souper d'amoureux entre sa soeur et Danny, son mari. Il entre dans l'appartement, visiblement perturbé, son chandail couvert de sang. Il raconte avoir tenté d'aider un adolescent blessé qui gisait sur l'asphalte à quelques coins de rue de là. Mais son histoire change constamment et le doute s'installe chez Helen et Danny, obligeant ces derniers à prendre position à mesure que le récit se transforme et que la vérité est dévoilée.

Présentée pour la première fois en français au Théâtre La Licorne à Montréal, le Théâtre de La Bordée propose cette production de La Manufacture qui avait fait salle comble lors de sa création à l'hiver 2012.


Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Décor Olivier Landreville
Costumes Stéphanie Cléroux
Éclairages André Rioux
Musique Éric Forget
Accessoires Patricia Ruel
Direction artistique Jean-Denis Leduc

Abonnés réguliers 28 $
Abonnés 30 ans et moins et aînés 23 $

Une codiffusion avec le Théâtre de la Manufacture


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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Dates antérieures (entre autres)

Du 10 janvier au 18 février 2012, La Licorne

 
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 Critique
Critique

par Francis Bernier

C'est une pièce qui se prête bien à l'actualité que nous sert le Théâtre de la Manufacture. Présenté au Théâtre de la Bordée, Orphelins de Dennis Kelly questionne notre rapport aux autres dans une société de plus en plus métissée et repliée sur elle-même. Quelles horreurs sommes-nous prêts à accepter afin de protéger les nôtres? Jusqu'où notre peur et notre lâcheté peuvent-elles influencer nos comportements et nous pousser à commettre des gestes immoraux ? C'est dans un huis clos psychologique de près d'une heure et demie que l'auteur pose ces questions, reflétant le miroir d'une société manipulable et sans cesse définie par la crainte de l'inconnu.

Helen et Danny font garder leur jeune fils et se préparent à passer une soirée tranquille en amoureux à la maison. Leur tête-à-tête prend alors une tournure inattendue lorsque le frère d'Helen, Liam, surgit subitement chez eux, confus, et le chandail couvert de sang. Liam apparaît comme quelqu'un de troublé, très impulsif et à la limite schizophrène. Il raconte avoir aidé un jeune homme d’origine ethnique qui était gravement blessé dans la rue. Danny propose alors d'appeler la police, mais sa femme s'y oppose, voulant ainsi protéger son frère qui est aussi sa seule et unique famille. Il faut dire qu'Helen et Liam sont orphelins et qu'Helen connait le passé tumultueux et teinté de violence de son frère. Craignant ainsi que la police lui cause des ennuis, elle tente de défendre son frère en lui inventant un alibi. Mais l'innocence de Liam est peu à peu remise en doute par Danny, qui, manipulé par sa femme, devient malgré lui le complice d'un présumé assassin.

Le trio d'acteurs brille par sa justesse tout au long du spectacle, malgré un départ quelque peu hésitant, première oblige. On joue ici la partition de mains de maître, et ce, presque sans fausse note. Le texte très rythmé est marqué de plusieurs ponctuations et de silences significatifs ; on sent l'effort de la direction d’acteurs du metteur en scène Maxime Denommée. Steve Laplante, Étienne Pilon et Évelyne Rompré ont tous su apporter les nuances nécessaires afin d'exploiter toute la complexité de leur personnage respectif. La mise en scène de Denommée se veut sobre et sans éclat, mais apporte une couleur particulière à l'univers des mots de Kelly. On nage dans une atmosphère inquiétante et glauque du début à la fin de la pièce et le crescendo dramatique parfaitement maîtrisé par la production parvient à créer de véritables petits bijoux scéniques. On ne peut taire la traduction de Fanny Britt qui réussit brillamment à nous faire oublier que le texte n'est pas français à l'origine.

En posant les bonnes questions, Orphelins fait réfléchir sans toutefois imposer une morale. Le Théâtre de la Manufacture présente avec Orphelins un thriller percutant qu'il faut voir absolument.

16-10-2013


par Gabrielle Brassard


Crédit photo : Suzanne O'Neil

Jusqu’où irions-nous pour protéger un membre de notre famille, surtout quand il est le seul qui nous reste? Mais quand on a soi-même une famille, où trace-t-on la limite? C’est la question que pose Orphelins, de Dennis Kelly, dans une traduction de Fanny Britt et une production du Théâtre de la Manufacture.

Liam, un jeune homme malchanceux qui s’attire souvent des ennuis, arrive en catastrophe, maculé de sang, dans l’appartement de sa sœur Helen, qui s’apprête à souper en tête-à-tête avec son copain Danny. S’engage alors un huis clos confus, lourd et cachotier. L’intrigue monte en crescendo tout au long de la pièce, qui dure une bonne heure et demie. La nature des agissements louches de Liam évolue au même titre que les difficultés que vivent Danny et Helen. Une tension qui remet en question à la fois la nature réelle de Danny et celle du couple.

Le trio est campé dans un décor d’appartement simple ; une table, une cuisine qu’on devine plus que l’on ne voit réellement, un salon où trainent quelques jouets d’enfants, une chambre dont on entrevoit que la porte. Mais surtout, de grandes fenêtres donnant sur un nouveau développement, de maison et de condos cossus, aux frontières desquelles s’érigent d’immenses tours d'habitation, qu’on suppose être des HLM. Cette vue est non négligeable dans la trame narrative : le couple habite dans un quartier mal famé, début de tous leurs ennuis, l’arrivée du frère incluse.

Teintée de pointes d’humour noir sur fond de propos graves remettant en question notre rapport à la société et entre individus, la dynamique des trois acteurs ne réussit toutefois pas à convaincre complètement.

Est-ce la mise en scène, sobre et épurée de Maxime Denommée, qui attaque pourtant pour la deuxième fois un texte de Dennis Kelly (Après la fin, 2008, reprise en tournée en 2010)? Ou la traduction du texte, saccadé, ou encore le jeu des acteurs, qui manque lui aussi de fluidité? Étienne Pilon, en personnage perturbé, porte la majeure partie de la trame dramatique du récit. C’est lui qui fait évoluer la pièce, en nous révélant peu à peu la «vraie» histoire. Steve Laplante, en antihéros, fait également changer la nature de son personnage et réussit bien à le faire. À cause de ses répliques particulièrement saccadées et courtes, Évelyne Rompré ne semble pas tout à fait à l'aise dans son personnage, surtout au début de la pièce. Elle reprend par contre le dessus dans les moments plus dramatiques, où l'émotion se fait sentir plus intensément.

Un malaise se fait ressentir dans Orphelins, mais il est difficile de dire s’il vient du texte, de l’interprétation des acteurs, des propos, ou de l’ensemble de ces facteurs. Peut-être est-ce aussi le tract du soir de première, malgré des acteurs solides.

Le malaise est certainement l’un des effets recherché de ce texte de Dennis Kelly, créé au Traverse Theatre d’Édimbourg en août 2009. Il a par la suite remporté les prix First Fringe et le Herald Angel Award. On peut facilement comprendre l’attrait de ce texte, écrit comme un véritable thriller, dont les dialogues courts et intenses tiennent en haleine le spectateur, et dont les thèmes sont d’actualité (le couple, le racisme, l’urbanité de la ville). Dommage, tous ses aspects ne sont pas tout à fait bien rendus par les Orphelins de Denommée.

14-01-2012