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Du 17 janvier au 11 février 2012
Fin de partieFin de partie
Texte de Samuel Beckett.
Mise en scène Lorraine Côté (assistée de Caroline Martin)
Avec : Hugues Frenette, Jacques Leblanc, Roland Lepage et Paule Savard

Dans un monde où tout semble éteint, Hamm, aveugle et paralysé, tyrannise son domestique, Clov, et ses parents, Nagg et Nell, vieillards condamnés à finir leur vie dans deux poubelles. Dans cet étrange huis clos, on joue une partie dont la fin est plus qu’incertaine.

Comme ce fut le cas pour En attendant Godot, c’est en français que Samuel Beckett a écrit sa deuxième pièce : Fin de partie. Le processus d’écriture a été particulièrement ardu. Il aura fallu près de deux ans et trois versions différentes avant que l’auteur soit pleinement satisfait de sa nouvelle création, soit en 1956.

Au début, Beckett éprouve des difficultés à faire représenter Fin de partie en France, de nombreux théâtres parisiens se montrant réticents. C’est donc à Londres, le 1er avril 1957, que la pièce est créée, en français, sur la scène du Royal Court Theatre, dans une mise en scène de Roger Blin. Le même mois, on finit par trouver un théâtre à Paris où la production tiendra longtemps l’affiche, soit le Studio des Champs-Élysées. À partir de 1958, la version anglaise traduite par Beckett lui-même et intitulée Endgame remporte un franc succès en Angleterre comme aux Etats-Unis.


Assistance à la mise en scène : Caroline Martin
Décor : Christian Fontaine
Costumes : Virginie Leclerc
Éclairages : Lucie Bazzo
Musique : Marc Vallée


Théâtre de la Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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 Critique
Critique

par Chloé Legault


Crédit photo : Nicolas Tondreau

Le Théâtre de la Bordée entame l’année 2012 avec de l’absurde, en présentant la pièce Fin de partie de Samuel Beckett. Risqué? Peut-être. Si l’on s’attend à assister à une variation d’En attendant Godot, on sera déçu. Fin de partie est plus sombre que le chef-d’œuvre de Beckett, voire même plus difficile à saisir, parce que le sens profond semble parfois nous glisser entre les doigts. Toutefois, si l’on se rend à la Bordée dans un état d’esprit ouvert et vif, c’est-à-dire propice à la découverte, alors on passera un bon moment.

La force de ce spectacle réside sans aucun doute dans le jeu des comédiens. Jacques Leblanc propose un Hamm à la fois tyrannique et attachant. Même s’il bouge à peine, étant confiné dans son siège que seul Clov peut déplacer, il occupe l’espace avec sa voix ; sa présence est intense. Hugues Frenette, quant à lui, offre une interprétation éclatante de Clov, certainement une de ses meilleures. Sa démarche boiteuse, son crâne rasé et recouvert de gales et son ton de voix tantôt naïf, tantôt rieur, et plus tard blasé, sont autant d’éléments qui contribuent à le changer ; la métamorphose est des plus efficaces. Nagg et Nell, les parents d’Hamm, sont incarnés par Roland Lepage et Paule Savard. Tous deux enfermés dans des barils, desquels émane une lumière verdâtre, presque radioactive, ils jouent avec sensibilité et intelligence des personnages désolés qui n’attendent plus rien de la vie, sauf peut-être la mort. Tous ces protagonistes sont touchants, parce que tellement vrais, malgré l’absurdité et l’étrangeté du monde dans lequel ils vivent.

La mise en scène de Lorraine Côté se marie tout à fait au texte du dramaturge irlandais, une attention a été portée à chaque détail, aussi petit soit-il. Les mouvements et les déplacements des acteurs ont certes fait l’objet de moult réflexions, car ils contribuent grandement au déchiffrement de certaines répliques, en plus de déclencher les rires. Rien n’est laissé au hasard et cela fonctionne à merveille. Tout ce petit monde évolue dans un décor glauque et vert-de-grisé, imaginé par Christian Fontaine. Il s’agit en fait d’une maison, ou plutôt de ce qu’il en reste, envahie par la moisissure. Le climat est lugubre, on peut presque sentir l’odeur de l’humidité et des champignons qui, forcément, grugent cette demeure. Il ne faut pas omettre la part importante que jouent les éclairages de Lucie Bazzo et l’environnement sonore de Marc Vallée dans la création de cette atmosphère. Il va sans dire que Fin de partie jouit d’une belle scénographie.

Tout compte fait, cette pièce teintée d’humour et d’ironie montre bien l’absurdité de nos vies, car, en fin de partie, que reste-t-il?

19-01-2012