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20 mars 2016, 15h (rencontre avec les artistes)
Matinées scolaires : Du 15 au 18 mars
Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu
Dès 10 ans
Texte Philippe Dorin
Mise en scène Éric Jean
Avec Marie-Pier Labrecque, Louise Laprade et Michel-Maxime Legault

Une petite fille nous fait visiter sa maison imaginaire ; quand la lumière s’éteint et se rallume, voilà qu’elle est devenue une vieille dame dans une maison qui lui semble soudainement bien petite. C’est alors qu’un promeneur mystérieux se présente à la porte de la maison et annonce à la vieille dame qu’elle va mourir. Comment est-ce possible? Hier encore, elle était une enfant.

Philippe Dorin est un auteur français incontournable. Ses textes sont des bijoux empreints de clins d’oeil à la vie, à la mort, à l’amour. Présenté aux Gros Becs en 2004 dans la mise en scène de Sylvianne Fortuny, c’est un privilège de présenter à nouveau ce texte fort et lumineux, mis en scène cette fois-ci par Éric Jean, directeur artistique du Théâtre de Quat’Sous. Finalement, les spectateurs sont envoûtés par ce balai de « Allume » « Éteint » qui nous amène dans un espace hors du temps. Envoûtant !


Assistance à la mise en scène : Chloé Ekker
Scénographie et costumes : Geneviève Lizotte
Maquillages et coiffures : Sylvie Rolland Provost
Musique : Laurier Rajotte
Environnement sonore : Olivier Gaudet-Savard
Éclairages : Martin Sirois
Direction technique : Louis Héon
Direction de production : Caroline Ferland
Photos : Yanick Macdonald

Durée environ 55 minutes

Production Les Deux Mondes (Montréal) en coproduction avec le Festival Les Coups de Théâtre et la Salle Jean-Marc-Dion de Sept-Îles


Section vidéo


Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1

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Dates antérieures (entre autres)

Coups de théâtre 2014

 
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Critique

Crédit photo : Yanick Macdonald

Devant une grande porte se tient une blondinette aux souliers et veston rouge. Elle nous fait visiter sa maison imaginaire, qui vient remplacer petit à petit celle bien réelle, puis décrit le paysage fantasmé qu’elle peut apercevoir par la fenêtre : la mer, non. La montagne, non. Le désert... Un pré, avec un berger et des moutons. Le temps de fermer les yeux, elle se retrouve au crépuscule de sa vie. Ses cheveux blancs ne la trompent pas, pourtant elle ne comprend pas comment elle a pu vieillir si vite. Un passant lui annonce alors qu’elle doit mourir. Quand, demande-t-elle. Quand je le dirai. Et tu le diras quand ? Maintenant.

Largement inspiré du conte La petite fille aux allumettes, Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu est un texte profond et fort qui aborde avec doigté et une intelligente légèreté la vie, l'amour, l’insécurité, le vieillissement, la mort. Sommes-nous à l’intérieur d’une petite fille qui se transpose dans le corps d’une vieille femme, réagissant pour la première fois à l’idée de la mort, ou rencontrons-nous une dame d’âge mûr, qui, devant l’inévitable, revisite cet enfant en elle, qui ne l’a jamais quitté, pour la rassurer une dernière fois ? Chaque spectateur aura assurément une réponse différente à cette question, et elles seront aussi valables les unes que les autres.

« Tous les enfants sont à l’intérieur d’une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore » est une phrase du Français Philippe Dorin, l’auteur de la pièce, qui revient à deux reprises lors de la représentation. Éric Jean, qui dirige cette version québécoise signée Les Deux Mondes – Les Gros Becs a déjà accueilli dans le passé la création originale française de la compagnie Pour ainsi dire, dont en 2005 – transpose cette pensée à la mise en scène, jouant avec ses multiples possibilités. Il dynamise aussi les nombreuses scènes qui étaient, à l’origine, très lentes et cérébrales, notamment grâce à un dispositif scénique tournant sur lui-même, comportant un toit, une porte, un plancher surélevé faisant office de corridor et une fenêtre, qui vient fermer ce dernier. Fragmenté, sans linéarité, ni dans le temps, ni dans l’espace, le récit évoque davantage qu’il ne raconte : ce sont des pensées fugaces, enfantines, débutant par Allume! et se terminant toutes par Éteint!, se balançant entre le jeu et la crainte de constater la disparition de l’autre ou d’être oublié. Les personnages – jeune, vieille, passant – se juxtaposent, échangent parfois leur place et leurs paroles.

Que ce soit dans le nom des deux femmes, Emma et Aimée (« le même mot, c’est le temps qui change »), lors d'une histoire sur la création de la lune et des étoiles ou encore au coeur de quelques dialogues entre les deux personnages, une certaine poésie émane de ce spectacle beau, mais absolument étrange et atypique, assez éloigné des propositions jeunesse habituelles. Marie-Pier Labrecque et Louise Laprade jouent superbement les deux facettes de cette femme-enfant. Michel-Maxime Legault, en passant anonyme, est tout aussi distant qu’omniprésent. Son interprétation de la Faucheuse (ou du moins son messager) intrigue. La trop grande rapidité du débit de sa voix, à plusieurs moments, transmet une curieuse jovialité qui, d’un côté, fait légèrement décrocher, de l’autre, vient annihiler l’angoisse qui pourrait se dégager du spectacle alors qu’elle aborde directement la mort. D’ailleurs, la vieille femme, tout au long du spectacle, semble sereine devant cette annonce qui lui est faite, concluant même la représentation avec « j’aurai tout vu » : une piste de réflexion fort intéressante qui occasionnera, espérons-le, de nombreuses discussions entre enfants et parents (ou même, encore mieux, grands-parents).

20-03-2016