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Du 1er au 26 novembre 2016
Les bons débarras
D'après le scénorio original de Réjean Ducharme
Adaptation et mise en scène Frédéric Dubois
Avec Lise Castonguay, Érika Gagnon, Nicolas Létourneau, Steven Lee Potvin, Vincent Roy, Nicola-Frank Vachon et Léa Deschamps et Clara-Ève Desmeules en alternance

Manon, 13 ans, vit dans une maison isolée avec sa mère célibataire, Michelle, et son oncle Guy, simple d'esprit. Ils survivent en coupant du bois de chauffage qu'ils vendent. Manon est une enfant précoce, sensible et diaboliquement intelligente. L'école ne l'intéresse pas et son obsession est d'obtenir l'amour exclusif de sa mère.

Guy vit dans son propre univers, attiré physiquement par la riche madame Viau-Vachon. Comme une source apparemment intarissable,  Michelle est entourée de personnes qui demandent son affection : Manon, Guy, son amant, le policier Maurice et Gaétan, mécanicien et ami de Manon. Lorsque Michelle découvre qu'elle est enceinte, elle tente de partager sa joie avec sa fille, mais la nouvelle de sa grossesse bouleverse Manon.

Un des films les plus marquants de la cinématographie québécoise, Les bons débarras, de l'énigmatique et mythique écrivain québécois Réjean Ducharme, est présenté pour la  première fois sur scène dans une adaptation et une mise en scène de Frédéric Dubois.

Des anti héros écorchés, un humour craquant, une histoire à faire fondre le coeur.


Scénographie Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes Virginie Leclerc
Éclairages Denis Guérette
Musique Pascal Robitaille
Assistance à la mise en scène Émile Beauchemin
Photo Stéphane Bourgeois & Hélène Bouffard

Mardi et mercredi 19h30
Jeudi et vendredi 20 h
Les samedis de la première et deuxième semaines : 20h.
Les samedis de la troisième et quatrième semaines : 16h.
Le dimanche entre la deuxième et la troisième semaine : 15h ;
À noter qu'il n'y a pas de représentation le mardi de la quatrième semaine.

Coût : entre 25$ et 60$ selon les jours, la pièce et les forfaits

Une coproduction Le Trident et Théâtre des Fonds de Tiroirs


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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Critique

Le Théâtre du Trident présente ce mois-ci, en coproduction avec le Théâtre des Fonds de Tiroirs, Les Bons Débarras, d’après le scénario original de Réjean Ducharme.


Crédit photo : Stéphane Bourgeois et Hélène Bouffard

Cette œuvre marquante du cinéma québécois, présentée pour la  première fois sur scène, raconte l’histoire de la jeune Manon et de sa famille, soit sa mère Michelle et son oncle Guy, qui démontre une déficience mentale légère causée par une méningite. À 13 ans, Manon est une jeune fille précoce : elle teste toujours les limites, est en constante opposition avec le monde entier, utilise un langage vulgaire et agressif, boit de l’alcool et fume des joints. Bien qu’elle soit vive d’esprit et avide de littérature, elle n’en a que faire de passer ses journées à l’école. Tout ce qu’elle veut, c’est avoir toute l’attention de sa mère pour elle et être la seule bénéficiaire de son amour. On assiste donc, tout au long de la pièce, au combat de Michelle pour arriver à joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de sa famille, partagée entre le travail très physique lié à l’exploitation de sa terre à bois, puis ses rôles de mère, de tutrice pour son frère et de femme.

Frédéric Dubois, qui nous a habitué avec sa compagnie le Théâtre des Fonds de Tiroirs à de belles trouvailles scénaristiques et scénographiques, présente ici une adaptation et une mise en scène très sobre et bien peu imaginative du classique cinématographique ducharmien.

Bien qu’indéniablement inspirés de l’esthétique du film, ni les costumes modestes ni le décor minimaliste se limitant à quelques planches, d’innombrables cordes de bois et une niche à chien, ne semblent vouloir indiquer l’époque à laquelle l’action prend place. Le metteur en scène aurait-il décidé de conserver le contexte initial et placer les événements dans un Québec des années 80, ou alors les situe-t-il dans un Québec moderne? La question restera malheureusement sans réponse, ce qui aura pour conséquence de laisser un flou omniprésent tout au long de la représentation.

Le texte original traite, bien sûr, de thématiques intemporelles, dont la relation mère-fille, la misère et la pauvreté. Toutefois, l’œuvre de Réjean Ducharme a une empreinte temporelle si forte qu’il est difficile, voire quasi impossible, de transposer à l’ère moderne le portrait que dressent Les bons débarras. Le niveau de langage n’étant plus le même que dans les années 80, certaines expressions deviennent presque impossibles à décoder pour les plus jeunes spectateurs, étant eux-mêmes très peu interpellés par les enjeux présentés, avec lesquels il est aujourd’hui plus difficile de s’identifier.

Par une absence presque totale d’accessoires et de décor ; par l’utilisation minimaliste du grand écran en arrière-plan, pour afficher quelques paysages sombres et des titres de scènes qui n'amènent rien à l'intrigue sauf une poésie passagère (ou un clin d’œil à l’auteur, par peur de l’oublier) ; par le fait de faire jouer aux comédiens les déplacements en automobile en prenant le passager sur son dos et en mimant le mouvement du véhicule, ou encore en changeant le lieu original de la pièce, soit un petit village des Laurentides pour Stoneham, la mise en scène de Frédéric Dubois manque de finesse et d’imagination, comme si l’appropriation du récit n’est pas ici totale. S’il peut être souvent payant au théâtre de laisser une partie du travail d’interprétation des événements aux spectateurs, ici, le vide prône.


Crédit photo : Stéphane Bourgeois et Hélène Bouffard

Et ce constat est vrai pour l’ensemble de l’œuvre, à l’exception de deux scènes très réussies, vers la fin du spectacle. L’apparition inattendue d’une patinoire dissimulée jusque-là sous le plancher entraîne les comédiens à revêtir des patins à glace et à se lancer tous ensemble sur la surface de plastique. L’effet visuel déjà réussi par le va-et-vient gracieux des personnages est magnifiquement amplifié par la projection sur grand écran de leurs mouvements, captés par une caméra accrochée au plafond. Peu après, Ti-Guy (Nicola Frank Vachon), perdu dans son propre univers et attiré physiquement par la riche madame Viau-Vachon (Lise Castonguay), nous entraîne dans son imaginaire pour faire place à une scène de toute beauté : la dame apparaît sous les projecteurs, vêtue d’une robe de bal rouge, et les deux amoureux imaginaires se mettent soudainement à danser sur la patinoire, sous les éclats lumineux d’une boule disco.

Les comédiennes Léa Deschamps (Manon le soir de la première, mais en alternance avec Clara-Ève Desmeules) et Érika Gagnon (Michelle) avaient de grands souliers à chausser en succédant aux comédiennes Charlotte Laurier et Marie Tifo qui ont tant marqué les Québécois. Malgré une prestation en dent de scie de la part des deux interprètes principales – par exemple, les sautes d’humeur et les moments plus tendres du personnage d’Erika Gagnon détonnent, allant frôler un registre plus comique sans que ce soit nécessairement voulu – , elles ne réussissent pas à nous faire oublier les performances marquantes de la distribution originale. Même chose du côté de Guy (Nicola Frank Vachon versus Germain Houde), qui joue son personnage (et son alcoolisme) de manière parfois plus caricaturale que réaliste.

Qu’a voulu faire exactement Frédéric Dubois avec cette adaptation dépouillée, rappelant davantage le collage de textes par sa précipitation des échanges, au détriment de réels enjeux émotionnels entre les personnages et le public ? Comment cette œuvre arrive-t-elle à se détacher de la création cinématographique adulée de Francis Mankiewicz, alors que notre seule envie est de revoir le film pour mieux comprendre et apprécier à sa pleine mesure l’histoire qui vient de se dérouler sous nos yeux ? L’adaptation est toujours une expérience risquée, qui, ici, ne paie pas.

09-11-2016