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Du 5 au 30 mars 2013, du mardi au samedi 20h*
RhinocérosRhinocéros
Texte Eugène Ionesco
Mise en scène Alexandre Fecteau
Avec Marie-Josée Bastien, Normand Bissonnette, Frédérique Bradet, Anne-Marie Côté, Jean-Michel Dery, Jonathan Gagnon, Isarël Gamache, Noémie O'Farrell

Alors que la ville est prise en otage par des hommes qui se transforment en rhinocéros, Bérenger, comme chacun de ses concitoyens, se voit dans l’obligation de prendre position par rapport à l’envahisseur : lui résister ou succomber à son charme féroce. Envers et contre tous, Béranger résiste. À travers son histoire, Ionesco pose la question de la volonté, tant comme intention que comme force de caractère, deux qualités qui expriment leur quintessence dans un contexte de dictature. Il dénonce la montée du totalitarisme et la réaction de la foule qui suit sans poser de question et sans résister. Ce texte suggère qu’un système, quel qu’il soit, peut conduire à la justification de l’inacceptable : devenir un rhinocéros et rentrer dans le troupeau ou refuser de céder.


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Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes : Élène Pearson
Éclairages : Hubert Gagnon
Musique : Yves Dubois
Crédit photo : Hélène Bouffard et Stéphane Bourgeois, design diese.ca

* Mardi au samedi – 20 h
Dimanche 17 mars – 15 h
Samedis 23 et 30 mars – 16 h

-8 MARS-après le spectacle: Vendredi-causerie: discussion animée avec les artistes de Rhinocéros
-12 MARS-19h15-Mardi Avant-Scène: rencontre intimiste avec Alexandre Fecteau, metteur en scène

Coût : entre 29$ et 46$ (taxes et frais inclus)

Le texte original de Rhinocéros, d'Eugène Ionesco, est publié chez Gallimard

Production Le Trident


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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 Critique
Critique

par Geneviève Décarie


Crédit photo : Vincent Champoux

Au cœur d’une salle de gym et d’un centre commercial, Jean et Béranger discutent tranquillement. Toutefois, on sait que quelque chose cloche lorsque Jean, avant l’arrivée de Béranger, s’injecte une substance illicite dans le cou. Dès la fin de ce premier tableau, on voit le rhinocéros laissant les visiteurs pantois. Dès lors, on cherche à connaître la provenance de cet animal. Est-ce un rhinocéros d’Afrique ou d’Asie? A-t-il une corne ou deux? Très vite la nouvelle se propage et les rhinocéros envahissent la ville. La rhinocérite devient une véritable pandémie.

Voilà ce que nous propose d’entrée de jeu cette pièce reine du théâtre de l’absurde. Au départ écrite dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale pour faire une critique de la montée du totalitarisme, la pièce est ici transposée dans la société de consommation où le culte de la perfection et le matérialisme prime. La métaphore de l’animal et les thèmes que sont la résistance et le conformisme sont bien exploités. Après tout, ce sont des thèmes universels qui peuvent très bien être mis de l’avant dans notre société moderne. Beaucoup de gens se conforment à un certain idéal véhiculé par la société alors que d’autres tentent d’y résister et continuent de suivre leur ligne de pensée. La mise en scène d’Alexandre Fecteau nous fait oublier la période originale ; on pourrait croire que la pièce a été écrite pour notre époque. Les coupures dans le texte déjà très long permettent de mieux rythmer les répliques et le 2h10 semble passer en quelques minutes.

Les acteurs font preuve de justesse et surtout d’une intelligence du personnage remarquable. Dans l’absurde, il est aisé de tomber dans la caricature et aucun comédien ne transgresse cette frontière, jouant plutôt entre le réalisme et le fantastique. Évidemment, certains personnages tels que Daisy (Noémie O’Farrell), Madame Bœuf (Marie-Josée Bastien), la Ménagère (Frédérique Bradet) ou le Vieux (Normand Bissonnette), pour ne nommer que ceux-là, sont stéréotypés, mais les interprètes ont su leur amener une saveur comique sans trop déborder. On ne veut pas faire rire à tout prix.


Crédit photo : Vincent Champoux

Ionesco insistait sur le fait que certaines logiques, paraissant bien intelligentes, ne sont que fumisterie. Le personnage du logicien nous fait, de prime abord, bien rire avec ses faux syllogismes tels que « tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc, Socrate est un chat », mais ce passage est stimulant et intelligent. L’interprétation réussie nous amène à voir qu’il est facile de croire n’importe quoi tant que cela est bien dit.  Le syndrome du « survivant » et la résistance de Béranger (Israël Gamache) sont également bien travaillés. Un seul homme contre des bêtes. Le comédien rend à la perfection ce personnage à la fois attachant et anticonformisme.

C’est cependant la scénographie qui est le point colossal de cette production. Le décor impressionnant se découpe sur deux étages. Un centre commercial où l’on voit un fast-food à une extrémité, une pharmacie à l’autre, une salle de gym et des bureaux à l’étage. Principalement composé de blanc et de couleur acier, le décor nous met dans l’ambiance dès le commencement. On sait que la pièce se déroulera au sein d’une société où la consommation et la rapidité doivent primer. Cependant, ce qui marquera certainement l’imaginaire des spectateurs est la cage de verre avec une grosse corne métallique à l’intérieur, représentant le rhinocéros. Une idée ingénieuse qui ajoute au merveilleux et à l’absurdité de la pièce.  Sur le plan des costumes, on ne peut que saluer l’originalité de ceux-ci. D'abord assez simples et conservateurs, ils deviennent déments lors des transformations en rhinocéros. Les habits d’or rappellent la texture de la peau du rhinocéros ; on retrouve aussi beaucoup d’éléments noirs très tape-à-l'œil dans les accessoires et les masques, incluant la corne. Une seule composante revient du début à la fin : le rose. Plusieurs personnages ont un élément de costume de cette couleur en tant qu’humain et en tant que rhinocéros. Une idée bien pensée qui ajoute une continuité visuelle intéressante tout au long de la représentation.

On peut dire sans se tromper que cette pièce emblématique du célèbre Ionesco amène un vrai vent de fraicheur en cette fin d’hiver dans la Vieille Capitale.

09-03-2013