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Du 17 janvier au 11 février 2012
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges
Texte Michel Tremblay
Adaptation théâtrale : Serge Denoncourt
Mise en scène : Gill Champagne
Avec Marie-Josée Bastien, Jean-Pierre Cloutier, Anne-Marie Côté, Eva Daigle, Chantal Dupuis, Maryse Lapierre, Linda Laplante, Patrick Ouellet, Édith Patenaude, André Robillard, Claudiane Ruelland, Andrée Samson, Denise Verville

Thérèse, Pierrette et leur amie Simone forment un trio inséparable. Alors qu'à l'école des Saints-Anges se préparent les célébrations de la Fête-Dieu, chacune s'éveille à la vie et découvre les exaltations et les tourments du passage à l'adolescence sous le regard parfois autoritaire des religieuses qui dirigent l'établissement. Dans ce quartier ouvrier du Québec des années 40, où les rapports de classes sont marqués, l'élite religieuse fait peser son emprise sur les élèves, leurs mères et les enseignantes. Progressivement, une révolte commence à sourdre dans tous les coins de l'école, annonciatrice du désir d'affranchissement qui secouera la province lors de la Révolution tranquille.


Musique : René Champigny
Costumes : Sébastien Dionne
Éclairage : Louis-Xavier Gagnon-Lebrun
Scénographie : Jean Hazel
Crédit photo : Portraits inspirés des photographies de Chantal Dupuis, Maryse Lapierre et Claudianne Ruelland (crédits: Louise Leblanc), Illustration: Gill Champagne, Reproduction photo: Stéphane Bourgeois - Design: diese.ca

Une production du Trident


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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Dates antérieures (entre autres)

Créée au Théâtre Denise-Pelletier du 5 au 20 novembre 2010 + suppl. 26 novembre 2010

 
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 Critique
Critique

par Odré Simard

À travers l'adaptation théâtrale de Serge Denoncourt, Michel Tremblay nous offre un billet aller-retour pour un pan de l'histoire du Québec avec tout ce qu'il faut d'humour, de sensibilité et de grandes vérités. La pièce se situe dans un quartier pauvre de Montréal, en pleine deuxième guerre mondiale. Nous  y retrouvons trois jeunes amies de 6e année, soit Thérèse, Pierrette et Simone, ainsi que les religieuses de l'école à quelques jours de la procession de la Fête-Dieu à laquelle tout le quartier est invité. Davantage qu'une simple et générale fresque historique, l'oeuvre de Tremblay nous plonge dans les rebondissements du quotidien de petits personnages plus grands que nature.

Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges met en scène essentiellement des femmes, à une époque où la voix de celles-ci était complètement étouffée par une société ankylosée sous la gouverne d'une Église forte. Des femmes que nous voyons ici pleines de sincérité, de rêves... et de colère. Les mots sont souvent la seule chose qu'elles possèdent et elles se les balancent par la tête comme un grand cri du cœur. Les mères sont éméchées sous trop de travail et de pauvreté, ne sachant trop comment aimer leurs enfants autrement que par les cris. Les religieuses sont aux prises avec un système hiérarchique vacillant, l'école des Saints-Anges étant dirigée par une femme abominable qui ne semble aimer rien ni personne et qui voit son autorité défiée par ses subalternes. Les petites filles sont à l'aube de leur vie de femme, particulièrement Thérèse qui exerce pour la première fois ses charmes sur un homme de 9 ans son aîné. Les seuls hommes de la pièce sont ici le petit frère de Thérèse, Marcel, préférant son chat imaginaire à tout ce qui peut y avoir de réel autour de lui et Gérard Bleau, cet homme effrayé par son propre désir envers la petite Thérèse,  qui se tournera vers l'alcool et l'enrôlement dans l'armée afin de s'éloigner le plus possible du quartier. Finalement, nous voyons rapidement le curé pervers qui espère entendre des histoires lubriques à la confession des petites, signe d'une Église défaillante. Les figures fortes et capables d'affronter leur destin sont ici des femmes, les hommes préférant la fuite vers un ailleurs.

Gill Champagne a concocté une mise en scène qui fait honneur au texte. Il a choisi une distribution riche et talentueuse : André Robillard et Patrick Ouellet font de Marcel accompagné de son chat invisible un duo empreint de sensibilité. Claudine Ruelland, Maryse Lapierre et Chantal Dupuis forment un trio touchant de jeunes filles espiègles, accompagnées de la rouquine maladroite, jouée par Édith Patenaude. Eva Daigle propose une poignante Albertine, mère de Thérèse, avalée par une colère qui la ronge tout entière. Pour les mentions, terminons avec Linda Laplante dans le rôle de la mère de Simone qui, n'en pouvant plus du bras de fer de Mère Benoîte des Anges, ira l’asséner d'un monologue d'une colère sans nom envers ce qu'elle représente en tant que religieuse aigre et pernicieuse qui enlève  aux  petites filles toute possibilité de se forger une confiance en elles.  Mme Laplante s'est vu applaudir par deux fois dans ce moment magique plein d'une énergie flamboyante. Tout ce beau monde évolue dans un décor imagé et impressionnant, signé par un Jean Hazel fidèle à ses habitudes.

Une pièce qui constitue un détour obligé, pour les plus grands afin de se remémorer ces bribes d'un passé pas si lointain, et pour les plus jeunes afin de mieux comprendre d'où le Québec vient et où il peut aller maintenant.

22-01-2012