Section théâtres Archives des pièces Les coulisses - reportages, entrevues... Liens utiles À propos de MonTheatre.qc.ca.. Contactez-nous Section Montréal

Retour à l'accueil Imprimer cette page Archives Accueil

Du 6 novembre au 1er décembre 2007

Électre ou la Chute des masques

Texte de Marguerite Yourcenar
Mise en scène de Denise Guilbault
Avec Maxime Allen, Guillaume Champoux, Vincent Champoux, Linda Laplante, Jean-Sébastien Ouellette, Denis Roy, Klervi Thienpont

«Plusieurs auteurs ont écrit autour de la légende des Atrides: Sophocle, Euripide et, plus près de nous, O’Neill, Giraudoux et Sartre. Mais, durant l’été 1943, Marguerite Yourcenar a fait sa propre version de l’histoire d’Électre, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre. Le personnage mythique s’est transformé et a évolué comme il se doit, mais la douleur d’avoir perdu son père, assassiné par la mère et son amant Égisthe, reste la même: toujours inconsolable. Pendant dix ans, Électre cultivera sa haine et son désir de vengeance. Au moment où la pièce commence, elle n’attend plus que le retour de son frère Oreste pour mettre enfin son projet à exécution.

Ces personnages qui s’imposent comme des furies, comme des êtres absolus qui vont au bout de leur quête, me fascinent. Électre trouve une force immense, malgré l’amertume de son sort, dans l’obsession du crime à commettre. Seule la loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, arrivera peut-être à calmer son tourment. Mais je me demande: quand l’objet de sa haine aura disparu, qu’adviendra-t-il d’Électre? Quand le geste sera accompli, que restera-t-il de cette femme désertée de sa raison de vivre? Où le meurtre, ayant remplacé l’enfant chéri qu’elle aurait dû avoir, la mènera-t-il?

Marguerite Yourcenar a su garder, dans Électre ou la Chute des masques, le personnage plus grand que nature tout en nous laissant, par le style direct de l’écriture, le privilège de nous approcher de cette héroïne déchaînée.»

Denise Guilbault
Metteure en scène

Scénographie Louise Campeau
Costumes Maude Audet
Éclairages Sonoyo Nishikawa
Musique Yves Dubois
Assistance Hélène Rhéault

Une production du Trident

Le Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

 

 

par Magali Paquin

Avec «Électre ou la Chute des masques», l’écrivaine belge Marguerite Yourcenar s’est appropriée, d’un trait de plume contemporain, des personnages de la tragédie grecque classique. Son interprétation met en exergue la fureur parricide de la jeune Électre (Klervi Thienpont), qui se consume de rage depuis le meurtre de son père, le roi Agamemnon, par sa mère Clytemnestre (Linda Laplante) et son amant Égisthe (Denis Roy). La jeune femme, mariée malgré elle à un jardinier (Vincent Champoux) au tréfonds de la campagne grecque, s’apprête à assouvir sa soif de vengeance.

La metteure en scène Denise Guilbault a troqué les références classiques pour une traduction plus moderne du mythe, accentuant le pendant rebelle de la jeune femme. Les personnages arborent des vêtements d’inspiration punk et gothique, habilement conçus par Maude Audet. La musique d’Yves Dubois, tout comme les éclairages de Sonoyo Nishikawa, s’ajustent à ce ton sombre et lourd de fureur. L’impétueuse Électre fomente un plan à l’aide de son ami Pylade (Guillaume Champoux) et de son frère Oreste (Maxime Allen), héritier légitime du trône paternel. Prétextant une grossesse, c’est avec un poignard affilé dissimulé au creux de son faux ventre qu’elle attend les assassins de son père. La confrontation sera cependant moins aisée que prévu pour la jeune femme. Ses victimes ressassent le passé et mettent au jour des éléments inattendus, ébranlant ainsi ses certitudes et celles de ses acolytes. Le sang coule, non sans que ne soit semé le doute en leur esprit. Si la violence des actes est évidente, elle reste toujours évoquée avec subtilité, que ce soit par des tissus écarlates ou des eaux rubescentes, ruisselant sur la cloison.

Cette Chute des masques constitue l’originalité de la version du mythe d’Électre imaginée par Marguerite Yourcenar, laquelle s’éloigne ainsi du dénouement envisagé chez Euripide. Bien que l’Électre de Yourcenar soit de facture contemporaine, le langage n’en est pas moins châtié et les scènes s’étirent sur des enjeux familiaux complexes. L’interprétation des protagonistes ne coule cependant pas de source; continuellement dans l’urgence, surjouant parfois leurs personnages, ceux-ci ont une fâcheuse tendance à ajuster leur attitude en fonction des répliques à venir, ce qui altère considérablement la sincérité du jeu. Les exclamations de surprise sonnent faux, les échanges semblent préfabriqués. Malheureusement trop tardive, l'apparition de Linda Laplante et de Denis Roy rompt positivement la dynamique de faux-semblant dans laquelle se campe le trio assassin, donnant ainsi un nouveau souffle à un jeu quelque peu factice. Il faut cependant noter l’originalité de la prestation de Klervi Thienpont, qui rend une Électre aux inflexions félines, dont toute l’attitude corporelle tend à exprimer la rageuse impatience d’un animal en cage. Véritable panthère noire, sa hâte de planter ses crocs acérés et ses griffes aiguisées dans la chair de ses proies est manifeste. Le décor élaboré par Louise Campeau qu’arpentent les personnages, soit l’habitation rustique d’Électre, s’apparente d’ailleurs à une sombre tanière avec ses parois de pierre grisâtres et son sol en pente, enchâssé de larges pavés.

Bien qu’il s’agisse d’une version modernisée du mythe à la fois dans le fond et la forme, «Électre ou la Chute des masques» ne consiste pas en une réviviscence du style tragique. Les quelques images scéniques particulièrement étonnantes et le texte à la fois soutenu et accessible ne suffisent pas à occulter les défaillances du jeu. À ce titre, les quelques soupirs d’agacement perçus chez les spectateurs de mon entourage étaient significatifs…

11-11-2007