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Festival TransAmériques - 22-23 mai 2015, 20h, 24 mai 2015, 15h
Tartuffe
Théâtre
En allemand avec surtitres en français et anglais
Un spectacle de Schaubühne 
Texte original Molière
Traduction allemande Wolfgang Wiens
Mise en scène Michael Thalheimer
Interprétation LLars Eidinger, Cathlen Gawlich, Franz Hartwig, Ingo Hülsmann, Urs Jucker, Felix Römer, Kay Bartholomäus Schulze, Tilman Strauß, Luise Wolfram, Eva Meckbach 

Invité par la célèbre Schaubühne de Berlin, l’implacable metteur en scène allemand Michael Thalheimer orchestre une sombre mascarade théâtrale où se débattent frénétiquement des pantins soumis au fanatisme religieux. Une farce noire et grinçante plus d’actualité que jamais. Nous assistons, impuissants, au triomphe d’un système idéologique régi par un intégrisme affolant. Molière sous amphétamines. Incontournable.

Tatoué des versets de la Bible, diablement sexy, Tartuffe ravage sans vergogne une famille bourgeoise dominée par un bon père aveuglé par sa dévotion. Prisonnière d’une scénographie infernale à la mécanique littéralement renversante, cette famille à l’agonie s’accroche aux derniers vestiges de son pouvoir. Réinterprétation radicale de ce classique du XVIIe siècle, ce Tartuffe fédère autour de lui quelques-uns des interprètes les plus puissants d’Allemagne, dont l’acteur Lars Eidinger dans le rôle-titre : figure christique, attitude rock, il confère à ce faux dévot un magnétisme inquiétant. Grotesque, désespéré, visionnaire, Molière, passé à l’acide par Michael Thalheimer, n’a pas dit son dernier mot. 

Homme d’exception
D’abord comédien, Michael Thalheimer signe sa première mise en scène en 1997. Ses choix s’arrêtent principalement sur les pièces du répertoire qu’il adapte toutefois de manière radicale, concevant des scénographies épurées et abstraites et plaçant l’acteur au centre de ses propositions. Choisissant soigneusement ses comédiens, il les plonge dans une vision du monde sombre, désillusionnée, où les rapports de force et de pouvoir prédominent. S’il puise abondamment dans les auteurs classiques allemands tels que Büchner, Schiller et Wedekind, il donne également un nouveau souffle àTchekhov, Eugene O’Neill, Eschyle ou Ibsen. En 2001, il obtient le Prix de l’innovation 3sat du Berliner Theatertreffen et, en 2002, le prix Nestroy à Vienne et le prix Friedrich-Luft à Berlin. Il met en scène des opéras de Janácek, Verdi et Mozart. En 2010, sa première mise en scène en sol français, Combat de nègre et de chiens de Koltès, éblouit la critique et le public parisiens. Considéré aujourd’hui comme un metteur en scène majeur en Allemagne, célébré dans de nombreux festivals internationaux, il est artiste invité au Théâtre de La Colline à Paris en 2014-2015 et y présente des pièces de Heiner Muller et Ödön von Horváth.


Section vidéo


Scénographie Olaf Altmann
Costumes Nehle Balkhausen
Dramaturgie Bernd Stegemann
Éclairages Erich Schneider
Musique Bert Wrede 
Crédit photo Katrin Ribbe
Rédaction Diane Jean

Création à la Schaubuhne, Berlin, le 20 décembre 2013

Durée : 1h50

Tarif régulier : 65 $ / 55$
30 ans et moins : 55 $ / 45$
65 ans et plus : 59$ / 49$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Berlin à Montréal / DJ Tartuffe (voir site FTA)
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 23 mai

FILMS
- Alle Anderen (Tous les autres)
Vendredi 8 mai 2015, 18h30
Goethe-Institut Montréal
1626, boul. Saint-Laurent
Allemagne, Maren Ade, 2009, 119 min, V. O. ALL. S.-T. FR.
Gitti et Chris (Lars Eidinger) filent le bonheur parfait lors de vacances en Sardaigne, jusqu’à ce que la rencontre d’un autre couple renverse leur équilibre. Le changement radical des rôles donne lieu à cette exploration complexe et subtile, déchirante et amusante d’une relation sur la corde raide.

- Le Tartuffe
Dimanche 17 mai 2015, 17h
Vendredi 22 mai 2015, 16h
Cinémathèque québécoise
335, Boulevard de Maisonneuve Est
France, Gérard Depardieu, 1984, 140 min, V. O. FR.
Le Tartuffe est le premier film réalisé par l’acteur français Gérard Depardieu, adaptation cinématographique de la célèbre comédie de Molière, mise en scène par Jacques Lassalle au Théâtre National de Strasbourg, et dans laquelle il tient le rôle-titre.

Un spectacle de Schaubühne 
Présentation avec le soutien de Goethe-Institut Montréal, Ministère des affaires étrangères d'Allemagne
En collaboration avec TP1


FTASalle Ludger-Duvernay, Monument National
1182, boul. Saint-Laurent
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Katrinribbe Ingohuelsmann Larseidinger

La célèbre compagnie berlinoise Schaubühne est à nouveau de passage au FTA pour le plus grand plaisir du public du festival. Après le spectacle mémorable Un ennemi du peuple, mis en scène par Ostermeier etprésenté chez nous en 2013, nous retrouvons cette fois la compagnie sous la direction de Michael Thalheimer. Le metteur en scène ne s’intéresse habituellement pas à la comédie ; il donne ici, avec cette relecture décapante, une tout autre allure au classique Tartuffe de Molière.

Orgon accueille en sa maison Tartuffe, homme charismatique et habile avec les mots, qui utilise la religion comme outil d’autorité indiscutable. Explorant le pouvoir de manipulation du fanatisme religieux (et toute autre forme de fanatisme également), l’adaptation de l’œuvre par Thalheimer se permet bien des libertés. Ici, nul besoin de conserver les codes de la comédie, la famille bourgeoise d’Orgon se fait véritablement piéger et déposséder de tous ses biens ; Tartuffe ne sera pas puni.

C’est dans une esthétique sombre et macabre que l’histoire désormais tragique de la famille d’Orgon se déploie. Tartuffe, brillamment interprété par Lars Eidinger, emprunte ses traits à des figures mythiques, à mi-chemin entre un Jésus tourmenté et une star de rock déchue, imposant ici un charme sexuel indéniable et un mystère magnétique. Nous sommes loin de l’habituelle figure grotesque du faux dévot : rien dans le jeu de l’acteur ne se rapproche de la caricature qu’avait d’abord créée Molière au 17e siècle. Tous les autres personnages, véritables pantins manipulés par Tartuffe à un moment ou un autre de la pièce, ont un visage morbide, une démarche inquiétante et tentent de sauver leur peau dans cette déchéance annoncée. Les comédiens sont dirigés à la perfection dans un style qui fait la distinction de la pièce. Empruntant certains aspects au clownesque, Taulheimer signe une direction d’acteurs qui fait jaillir le monstre caché dans chacun des personnages, les rendant hideux et ridicules à la fois. Les acteurs sont si doués dans cette proposition que le public est ravi de voir toute cette famille bourgeoise sombrer dans la pauvreté en raison de leur aveuglement.

Impossible de ne pas dénoter la scénographie de cette pièce, véritable point d’ancrage de toute la mise en scène. En hauteur, un cube doré qui n’a comme mobilier qu’un fauteuil ancré dans le sol et un crucifix au mur qui tourne comme une horloge et tient au piège tous les personnages qui tentent de garder leur équilibre ou simplement une posture confortable et décontractée.

C’est une proposition qui ne fait pas de compromis, mais il n’aurait pu en être autrement. Thalheimer réussit à faire valoir sa vision noire et désillusionnée du monde tout en ne reniant pas les forces comiques du matériau original qu’il utilise. Les scènes de certains personnages, comme l’huissier ou le fils Damis, provoquent ainsi de réels esclaffements dans la salle, mais ne nous éloignent guère du propos du metteur en scène : nul n’est à l’abri du fanatisme ou de la manipulation sous toutes ses formes. Le metteur en scène utilise les procédés comiques déjà présents dans la pièce pour souligner l’hypocrisie du monde et la violence cachée sous le pouvoir de la rhétorique. Il n’a jamais été faux de dire que Molière écrivait de réels portraits de société ; comme quoi l’humain n’a pas vraiment changé. Un spectacle comme on attend d’en voir au FTA, on peut déjà prédire qu’il s’agira de l’un des grands moments de cette première édition signée par Martin Faucher.

23-05-2015