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Festival TransAmériques - 21-22 mai 2015, 20h
Dancing Grandmothers
Danse
Un spectacle de Doosan Art Center (Séoul), Eun-me Ahn Company
Chorégraphie, mise en scène, scénographie et costumes Eun-me Ahn
Avec Eun-me Ahn, Hyosub Bae, Jihye Ha, Youngmin Jung, Hyekyoung Kim, Hyungkyun Ko, Eisul Lee, Jesung Lee, Hyunwoo Nam, grands-mères

Star excentrique de la scène chorégraphique asiatique, Eun-me Ahn débarque enfin au Canada et fait souffler sur le Festival un irrésistible vent de gaité avec ses Dancing Grandmothers. Un rassemblement aussi exaltant qu’un pow-wow, un fabuleux pied de nez à l’âgisme. 

Elles sont paysannes, coiffeuses, marchandes, pharmaciennes... et vénérables grand-mères. Caméra au poing, la chorégraphe les a débusquées au fin fond de la Corée du Sud pour raviver les braises de la joie de danser. Et une douzaine d’entre elles passent de l’écran à la scène avec neuf jeunes interprètes d’une agilité et d’un dynamisme insolents. La musique techno orchestre la réconciliation des générations. Des chansons populaires réveillent la flamme des années 1960. Le kitsch asiatique explose en séquences bédéesques, couleurs acidulées et costumes voyants. À mesure que se partagent les souvenirs, le présent se réinvente tout en tendresse et en douceur. Un voyage dépaysant, réjouissant et terriblement touchant. À s’offrir en famille. 

Audace, folie, humanité
Souvent comparée à Pina Bausch, dont elle fut l’amie et l’invitée à plusieurs reprises, Eun-me Ahn ne partage réellement avec elle que la tendresse pour l’être humain et le désir de faire du théâtre un lieu de rencontre et de célébration. Chorégraphe la plus excentrique de la Corée du Sud, où elle est née en 1963, elle milite pour l’indifférenciation des genres par ses choix de costumes et le crâne rasé qu’elle arbore depuis 1992. Elle entreprend dès l’enfance sa formation en danse, passe par une université de Séoul et se perfectionne à la Tisch School of the Arts de New York alors qu’elle est déjà danseuse et chorégraphe professionnelle. Elle passe six ans aux États-Unis où son originalité est remarquée et encensée. De retour en Corée, elle dirige la Daegu City Modern Dance Troupe de 2001 à 2004 et signe la Cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football en 2002. Novatrice dans les thèmes et les formes qu’elle présente, elle remet en question la société coréenne tout en valorisant son patrimoine. Par exemple, elle collabore à la conception d’éclairages en s’appuyant sur la symbolique des couleurs dans le chamanisme ou mêle légende, traditions musicales, pop et nudité pour inviter au pardon et à l’audace. Créatrice intrépide, elle a déjà dansé avec un poulet, planté des coups de hache dans un piano ou déchiré sa robe pour en distribuer les lambeaux. Avec quelque 90 créations très diversifiées et marquées par les contrastes, elle a changé le visage traditionnellement zen de la danse asiatique.


Section vidéo


Musique Younggyu Jang
Conseil artistique Chun Wooyong
Lumières Jang Jinyoung
VJ Taeseok Lee
Crédit photo Youngmo Choe
Rédaction Fabienne Cabado

Durée : 1h30

Tarif régulier : 60 $ / 50$
30 ans et moins : 50 $ / 40$
65 ans et plus : 53$ / 43$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Séoul à Montréal (voir site FTA)
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 22 mai

Présentation avec le soutien d’Uniprix, Arts Council Korea

Création au Doosan Art Center, Séoul, le 18 février 2011

Production Eun-me Ahn Company


FTAThéâtre Jean-Duceppe
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Sara Thibault

Dancing Grandmothers : Quand les grands-mères s’éclatent !


Crédit photo : Youngmo Choe

Après avoir vu sa mère danser dans l’intimité de sa maison, la chorégraphe Eun-me Ahn s’est donné une mission : conserver des traces de cet héritage familial et social de toute une génération de femmes sud-coréennes qui ont vécu une bonne partie du XXe siècle. C’est ainsi qu’équipée d’une caméra, elle a traversé la Corée du Sud avec les neuf danseurs de sa compagnie pour aller à la rencontre de grands-mères partout sur le territoire. La vocation sociale de l’art est d’ailleurs au cœur de la démarche artistique de Ahn.

Avant même que le spectacle commence, des images défilent sur un écran au fond de la scène. Filmée alors que Eun-me Ahn cherchait des veilles dames qui accepteraient de danser pour elle, la vidéo montre la variété et la beauté des paysages sud-coréens alors que la voiture traverse le pays. Soudain, l’écran s’éteint et la chorégraphe traverse la scène lentement et silencieusement, comme si elle procédait à un rituel. Alors qu’elle quitte la scène, neuf danseurs prennent sa place, habillés avec des robes fleuries très colorées, des souliers de course et des chaussettes dépareillées. Exécutant des gestes simples, les interprètes se préparent à entrer dans la peau des grands-mères qu’ils incarnent. Fidèle à la démarche de Eun-me Ahn qui milite pour l’indifférenciation sexuelle, les danseurs et danseuses font des mouvements similaires, sans distinction. La longueur de ce premier acte permet de constater la rigueur de la démarche documentaire du spectacle et permet au spectateur d’identifier des comportements et des gestes récurrents.

L’écran se rallume ensuite pour présenter les danses des grands-mères originales, filmées partout au pays. Les femmes, souvent amusées ou un peu intimidées, sont montrées dans leur quotidien : au salon de coiffure, au dépanneur, à l’aéroport, au marché. La joie qu’ont ces femmes à retrouver le bonheur de danser est contagieux pour le public qui prend plaisir à les admirer. Mais plus que les grands-mères en elles-mêmes, c’est l’aisance avec laquelle elles s’exécutent et les réactions des gens qui les entourent qui sont les plus drôles à observer. Alors que certains n’ont pas conscience d’être filmés, d’autres expriment volontairement leur mécontentement. Dans la salle, des éclats de rire fusent de partout à chaque changement de plan.

Puis, certaines grands-mères présentées dans la vidéo entrent sur scène pour danser avec les plus jeunes interprètes. Les générations se confondent en un happening jouissif. Avec des projections de poissons qui nagent dans la mer, des éclairages multicolores, des boules disco qui descendent du plafond et une musique ultra lyrique, Eun-Me Ahn assume le kitch de son spectacle.

À peine les applaudissements commencés, la scène du théâtre Jean-Duceppe se transforme en discothèque où le public est amené à venir danser et fêter. Rarement un spectacle aussi festif aura ouvert le FTA !

22-05-2015