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Festival TransAmériques - 24-25-26 mai 2015, 19h
Archive
Danse + Performance
Avec surtitres en français et en anglais
Un spectacle de Arkadi Zaides (Tel Aviv)
Création, chorégraphie et interprétation Arkadi Zaides

La danse d’Arkadi Zaides avance en zones de conflit. Son pays : Israël. Dans un solo impétueux et radical, son corps se laisse entraîner aux racines d’une incessante violence. Sa force de frappe : redonner aux images quotidiennes une puissance tonitruante.

Défilent à l’écran des images collectées par B’Tselem, centre d’information israélien pour les droits de l’homme dans les territoires occupés. Filmées par des volontaires palestiniens, ces images crues témoignent des outrages assénés dans les colonies. Grondement sournois, corps aux aguets. Arkadi Zaides décompose les postures observées longuement, les assimile, les incarne littéralement. Il traque la violence à sa source viscérale, dans sa présence continue au sein de sa propre communauté. Apparaissent les corps façonnés par une guerre permanente. Zaides est le médiateur, le filtre. Ses mouvements obsédés rivalisent avec les images, au point où elles le dépassent et le dominent jusqu’à la transe. Sous nos yeux, il devient une saisissante archive vivante. Un acte d’humilité et de courage qui nous transperce. 


Section vidéo


Consultat vidéo Amir Borenstein et Effi Weiss
Dramaturgie vocale et art sonore TOm Tlalim
Assistance chorégraphie Ofir Yudilevitch
Lumières Thalie Lurault
Rédaction Jessie Mill
Crédit photo Ian Douglas

Création à Tinel de la Chartreuse, Festival d'Avignon, 8 juillet 2014

Durée : 1h05

Tarif régulier : 39$
30 ans et moins : 33$
65 ans et plus : 36$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 25 mai

Coproduction Festival d’Avignon, CDC Toulouse, Théâtre National de Chaillot (Paris), CNDC Angers
Résidences de création CDC Toulouse, CNDC Angers, STUK Leuven, Théâtre National de Chaillot (Paris), WP Zimmer (Anvers)
Présenté avec le support du Consulat général d’Israël à Montréal
Présenté en association avec la Cinquième Salle


FTACinquième salle
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Gadi Dagon

André Gide a écrit dans son journal cette phrase devenue célèbre: «Ce n’est pas avec de bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature». Malheureusement, une impression similaire surgit à la sortie de l’installation-performance Archive qui ne prend que très peu son véritable envol sur la scène de la Cinquième salle de la Place des Arts.

Pourtant, les intentions du danseur et chorégraphe Arkadi Zaides ne demandent qu’à nous faire voir, vivre et ressentir le quotidien laborieux de ses femmes, hommes et enfants confinés sur les territoires palestiniens, toujours sur le qui-vive d’une attaque de l’adversaire.

«Les images ont été filmées par des citoyens ordinaires. Toutes les personnes que nous allons voir sont Israéliennes», nous lance Zaides avec une voix tout en douceur. L’antithèse n’en devient que plus violente avec les images, gestes chorégraphiques, spasmes et thèmes traités dans cette production conçue et interprétée par lui-même et qui voyage depuis sa création au Festival d’Avignon à l’été 2014.

Les représentations filmées, souvent brutales, ne laissent aucune place à l’imagination. Elles sont recueillies par le centre d’information israélienne pour les Droits de l’Homme dans les territoires occupés B’Tselem. La sélection de séquences très courtes accentue sur l’écran la tension avec des visages souvent volontairement floutés des participantes et participants. Dans un univers où la crainte de mourir à tout instant devient une préoccupation récurrente, le traitement visuel sans artifice avec ses plans approximatifs et ses bruits discordants ajoute une touche de proximité. Pour les passionnés du septième art, la dimension documentaire assumée dans son militantisme et ses prises de position se rapproche du cinéma-vérité des années 1960-1970 au Québec et en France avec entre autres les groupes Medvedkine.

Pendant toute la durée de la représentation, soit une heure et cinq minutes, nous regardons ces tranches de vie sur un écran, tandis que nous lisons la description des actions sur un autre juste à côté. Il faut attendre au moins un bon quart d’heure avant que le danseur s’exécute véritablement sur le plateau. Celui-ci reproduit simultanément, dans un premier temps, les gestes des individus présents sur la pellicule, souvent les mêmes, comme celui de lancer une pierre ou une grenade à l’ennemi. Seules quelques petites séquences transcendant l’acte de mimétisme donnent des pulsions pertinentes et intéressantes au spectacle. Par exemple, durant le moment où un soldat lance des gaz fumigènes à une population innocente, l’interprète se jette sur le sol et incarne brièvement dans tout son corps la souffrance et l’injustice, la rage et la révolte. Une force palpable s’en dégage et confère à la démarche un souffle qui dépasse le simple accompagnement. Vers la fin, les cris lancés comme des tirs d’une mitraillette, alors que cessent momentanément les projections, nous laissent croire à ce qu’aurait pu être une totale réappropriation théâtrale d’un sujet aussi épineux, toujours brûlant d’actualité et de discussion.

Par ses projections vidéo frontales et son désir d’enchevêtrement entre l’art et les conflits politiques qui sévissent sur la planète, la production peut évoquer par certains aspects pour les festivaliers du FTA Alexis, Une tragedia greca de la compagnie italienne Motus en 2012 donnée dans le même lieu. Pourtant, là où cette grande expérience sulfureuse conciliait son message avec une proposition engagée et engageante, Archive peine à transgresser une matière première aussi riche, polémique que féconde.

Éviter la tentation des discours moralistes ou pétris de valeurs faussement vertueuses constitue une autre des qualités de la production Archive. Mais une vision aussi imprégnée de l’intérieur des événements nécessite d’ouvrir les horizons et de mieux accompagner en chair et en os la dimension cinématographique. Une certaine intimité et un témoignage personnel gagnent à tendre vers l’extérieur et à se dégager de la technique pour mieux atteindre autrui en plein cœur. 

25-05-2015