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Festival TransAmériques - 2, 3 et 4 juin 2014, 19h
AinsiTrois
Théâtre
En français
Un spectacle de Orange noyée
Texte et mise en scène Mani Soleymanlou
Avec Marcelo Arroyo, Sounia Balha, Rachel Bessette, Adrien Bletton, Jean-Robert Bonneau, Jérémie Brassard, Alexia Bürger, Lucie M. Constantineau, Andréanne Daigle, Ève-Chems de Brouwer, Mohsen El Gharbi, Gabriel Favreau, Jonathan Fortin, Geoffrey Gaquère, Matthieu Girard, Karine Gonthier-Hyndman, Mathieu Gosselin, Joanie Guérin, Talia Hallmona, Charles-Aubey Houde, Maxime Isabelle, Audrey Lachapelle Larivée, Justin Laramée, Denis Lavalou, Dominique Leclerc, Alexis Lefebvre, Simon-Xavier Lefebvre, Leyli Machouf, Jean-Moïse Martin, Mireille Metellus, Marie-Laurence Moreau, Iannicko N'Doua-Légaré, Rodley Philogene-Pitt, Bruno Piccolo, Gabrielle Poulin, Christophe Rapin, Emmanuel Schwartz, Mazyar Shahcheraghi, Mani Soleymanlou, Elkahna Talbi, Ines Talbi, Leïla Thibeault Louchem, Cynthia Wu-Maheux et un interprète

Un : en juin 2009, alors que la police réprime dans le sang le désir de démocratie de la nation iranienne, Mani, un Montréalais, se demande ce qui fait encore de lui un Iranien. Deux : Mani et son ami Manu, un autre Montréalais, lui d’origine juive et canadienne-française, n’arrivent pas à trouver l’un à travers l’autre ce qui fonde leur identité respective. Trois : ils sont maintenant 44 en scène, venus de partout se déposer sur l’île de Montréal, souveraine mosaïque humaine et urbaine ; 44 qui dépossèdent Mani de sa parole pour se l’approprier, la contester et la démanteler en autant d’éclats pour comprendre leur propre éparpillement identitaire.

En deux spectacles à peine, Mani Soleymanlou s’est imposé comme un artiste aussi singulier que nécessaire, inventant un espace-temps étonnamment libre entre le théâtre et la performance. Face à la quête identitaire de l’artiste, chaque spectateur, complice, ne peut faire autrement qu’entreprendre la sienne. La création de la troisième partie de son triptyque promet d’encore une fois nous allumer. 

Né à Téhéran, Mani Soleymanlou quitte son pays natal encore enfant pour vivre successivement à Paris, Toronto et Ottawa, puis à Montréal où il reçoit un diplôme en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada en 2008. En qualité de comédien, il a participé à plusieurs des spectacles de théâtre majeurs à Montréal au cours des dernières années, travaillant avec des metteurs en scène exigeants, parmi lesquels Alice Ronfard et Claude Poissant, et participant à des créations telles que Furieux et désespérés d’Olivier Kemeid et L'affiche de Philippe Ducros.

En 2011, Mani Soleymanlou fonde Orange noyée, sa compagnie de création théâtrale, avec laquelle il produit le solo Un, qui sera présenté notamment au festival Magnetic North à Calgary, avant d’être livré au public du Palais de Chaillot à Paris ainsi qu’ailleurs au Canada et à l’étranger. Plus d’une centaine de représentations auront été données en deux ans seulement. De cette première création naissent Deux, créé au Théâtre La Chapelle en septembre 2013 en complicité avec le comédien Emmanuel Schwartz, puis aujourd’hui Trois, à l’occasion du Festival TransAmériques.

La compagnie tient son nom d’une tradition perse : au cours des célébrations du Nouvel An iranien, parmi les différents objets qui décorent alors la maison, une orange flotte dans un bol d’eau, symbolisant la terre suspendue dans l’univers. Pour Mani Soleymanlou, ce nom évoque donc la noyade de la terre dans l’espace et le temps.


Section vidéo
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Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Lumières Erwann Bernard
Conception Sonore Larsen Lupin
Mouvement Francis Ducharme
Photo Ulysse Del Drago
Rédaction Paul Lefebvre

Création mondiale au Festival TransAmériques, le 2 juin 2014

Durée : 3h40 avec entracte

Tarif régulier : 43 $
30 ans et moins / 65 ans et plus : 38 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 3 juin

Coproduction Festival TransAmériques + Centre du Théâtre d’Aujourd’hui


FTAThéâtre d'Aujourd'hui
3900, rue Saint-Denis
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Nadine Gomez

Cynique, voilà bien le mot pour décrire Ainsi parlait, une collaboration de l’auteur Étienne Lepage et du chorégraphe Frédérik Gravel. Le spectacle nous colle à notre siège, nous sommes ainsi déroutés ou fascinés, tandis que nous essayons de comprendre le sens de ce qu’on nous raconte, de rattacher les textes entre eux, avant de nous laisser plutôt porter d’un texte à l’autre.

Difficile de décrire ce spectacle à qui ne l’a pas vu. Les pensées s’éparpillent au fil de la proposition tandis que les personnages s’interrogent, accusent, questionnent... L’un s’impressionne du nombre d’exemplaires d’objets et d’êtres humains dans le monde (70 milliards de doigts!) et qu’on ait pris le temps de les compter, un autre s’exaspère de la vacuité du salaire et du travail qu’on abat pour se payer les choses nécessaires pour vivre. Un autre encore revendique son statut de trou de cul et invite le public à faire de même... Les monologues des interprètes papillonnent ainsi dans tous les sens, aucun des personnages n’écoutant parler l’autre.

Spectacle polymorphe, à cheval entre théâtre et danse, des appellations auxquelles les créateurs substituent ceux de texte et de mouvements, la production décontenance plus qu’elle ne provoque – contrairement au texte coup de poing Rouge gueule, de Lepage, monté en 2009. Ainsi parlait... est l’étrange résultat de la rencontre entre les corps des interprètes et les mots de Lepage. Il ne s’agit pas ici de choquer, pas plus que de provoquer, mais plutôt de créer des malaises parmi le public tout en l’amenant à accepter le débordement de mots et de mouvements, puisque les personnages de cette pièce n’en finissent plus de déborder.

Et le pari est réussi. On sent le malaise dans les rires dispersés de la salle tandis que se déroule sur scène une agression sexuelle où l’agresseur est femme et la victime est homme. Ou dans ces éclats de rire quand une interprète crache sur tous ces « spectacles de marde » qu’on aimerait bien qualifier de la sorte en toute impunité, sans gêne et sans honte. « Je fais tout ce que je peux pour me dire wow, mais des fois, c’est juste de la marde », s’exclame-t-elle. Et des rires encore pour accompagner les projets meurtriers d’un homme qui se demande combien coûterait l’assassinat de Stephen Harper, mais qui en vient finalement à la conclusion que le gouvernement n’est plus « culbutable », le système politique étant devenu une hydre étatique.

Ironiquement, alors que les créateurs affirment ne pas vouloir faire la morale aux spectateurs ni leur dire quoi penser de l’œuvre, c’est exactement ce que leurs personnages font pendant toute la représentation. Ils viennent ainsi nous dire quels gestes poser pour prendre conscience de notre espace arrière ou nous dire quoi penser du spectacle (On est privilégié d’être ici ce soir, d’avoir fait un effort, d’avoir souffert pour s’élever, d’avoir du temps et de l’argent à dépenser pour être ici...). En même temps, il nous est impossible d’adhérer totalement à leurs discours, car trop radicaux ; impossible d’obéir à ce qu’on nous demande, car nous sommes restreints à notre rôle de spectateurs.

Si l’idée de ne rien vouloir imposer au public, de mettre en scène textes et gestes en laissant le public décider de ce qu’il en retiendra, de ce qu’il voudra en comprendre, est intéressante, elle crée néanmoins une distanciation entre les acteurs et les spectateurs, qui les isolent de part et d’autre. Au final, ni public ni artistes ne prennent position dans cette production. On reste donc dans un confortable milieu où il n’y a plus qu’à écouter. Et c’est dommage qu’avec une telle proposition, une distribution si douée et incarnée, et des textes livrés avec émotion, on en soit réduit à n’être qu’un public attentif.

07-06-2013