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Festival TransAmériques - 5, 6 et 7 juin 2014, 21h
RoomRoom with Sticks
Danse
Un spectacle de 10 Gates Dancing Inc. en collaboration avec Public Recordings
Concept, création et interprétation Ame Henderson, Charles Quevillon et Tedd Robinson

Tout a commencé dans une grange. Deux chorégraphes et un compositeur y ont fait l’expérience d’habiter le présent. Faire corps avec l’espace et subir l’influence des bois environnants sans volonté de fabriquer de la matière à spectacle. Leur mystérieuse performance en témoigne aujourd’hui. Fondus dans un décor immaculé, Tedd Robinson et Ame Henderson se livrent à des jeux d’équilibres avec des branches, des rondins de bouleau et de petits Bouddhas. Rien ne peut les troubler. Pas même la danse sonore de Charles Quevillon qui pourfend l’espace et le silence armé de feuillages et de branchages imposants. Et, contre toute attente, leurs méditations en mouvement construisent progressivement un paysage où fleurissent à l’envi images et sensations.

Proposition hors normes, Room with Sticks fait del’art l’instrument d’un rituel qui libère artistes et spectateurs des exigences de performance physique ou intellectuelle. Un long poème zen qui, avec presque rien, ouvre grand le champ des possibles. 

La nature de la création collective Room with Sticks est certainement influencée par les études de Tedd Robinson dans un monastère zen d’Ottawa, ville natale où il est revenu après avoir signé des œuvres théâtrales pour Winnipeg’s Contemporary Dancers. Connu pour ses talents de pédagogue et son travail solo orienté par les images, il a créé pour moult danseurs dont Louise Lecavalier. Fondateur de 10 Gates Dancings, il se retire à la campagne en 2005. Il y installe dans une grange le studio-théâtre La B.A.R.N., lieu de résidence, d’expérimentation et de spectacle où il collabore notamment avec Ame Henderson et Charles Quevillon. En 2013, il fonde avec ce dernier Centre Q : A Centre for Questioning, espace de recherche en danse et en musique. 

Originaire de l’Île de Vancouver et établie à Toronto, la chorégraphe-performeuse Ame Henderson base son mode de création sur la recherche fondamentale et l’improvisation spontanée. Fondatrice de Public Recordings, elle s’intéresse à l’intimité et aux limites du corps dans des processus de cocréation. Dans chacune de ses œuvres, elle engage public et interprètes sur des territoires inconnus où chacun trouve son propre sens. Elle revient une troisième fois au Festival après /Dance/Songs/ (2009) et what we are saying (2013).

Spécialisé dans le travail instrumental et électroacoustique depuis 2005, le Montréalais Charles Quevillon s’inspire du travail de prise de son d’objets en studio pour inventer des instruments à partir d’instruments traditionnels ou de divers objets comme les branches dans Room with Sticks. Depuis 2010, il a collaboré 10 fois avec Tedd Robinson, poussant l’exploration chorégraphique du geste musicien. Il décline sa passion pour le mouvement en multipliant les œuvres solos, allant jusqu’à se suspendre au cœur d’un gigantesque instrument à corde.


Photo Rod MacIvor
Rédaction Fabienne Cabado

Création au Rideau Curling Club, Festival Danse Canada, Ottawa, le 14 juin 2013

Durée : 1h

Tarif régulier : 28 $
30 ans et moins / 65 ans et plus : 23 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 6 juin

Production 10 Gates Dancing Inc. en collaboration avec Public Recordings


FTAEspace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Rod MacIvor

Beaucoup plus près de l’œuvre formelle et de l’installation que de la danse ou même de l’art scénique, Room with sticks ne ressemble à rien d’autres qu’on ait pu voir à Montréal ces dernières années. Inclassable est bien le mot qui définit le mieux ce spectacle, et déroutant l’adjectif qui le complèterait à merveille.

Le spectateur est désorienté d’emblée lorsqu’il entre dans la salle d’Espace libre, où les gradins et la scène se font face, mais sur une ligne diagonale inédite, si bien que le public est constamment appelé à réaligner son corps, même légèrement, pour observer ce qui se passe en périphérie de son champ de vision. Il doit faire le choix de l’action qu’il suit.

Dans l’espace de jeu, le fond de scène — à présent côté jardin, ou presque —, les anciennes portes de la caserne d’Espace libre sont recouverts de papier blanc. Deux silhouettes sans visages et toutes de blanc vêtues s’y meuvent sans bruit. Le silence est si parfait que l’impact du premier bloc de bois sur le sol claque comme un coup de tonnerre, en faisant sursauter le public.

Room with sticks, qui réunit en fait deux projets de recherche parallèles, explore la difficulté de trouver le point d’équilibre en chaque chose tout en expérimentant les différents sons produits par les branches. Tantôt celles-ci claquent comme le fouet, tantôt elles rappellent le souffle du vent, tantôt encore elles fendent l’air, produisant un son tranchant. Et toujours ces rumeurs fragmentaires de conversation qui, par moments, se confondent avec le pépiement des oiseaux dans les bois. Entre les deux, seul à se projeter sur un axe diagonal, Charles Quevillon traverse la scène, son énergie brute perturbant l’espace zen construit par les deux autres créateurs.

D’un côté, la forêt naturelle reprend peu à peu ses droits tandis qu’Ame Henderson la reconstruit à partir de branches et de billots de bois encore recouverts d’écorce, et de l’autre, la forêt « civilisée » faite de poutres usinées, carrées, se colore tandis que Tedd Robinson l’habille lentement de bâtons rouges et d’objets liés à une spiritualité (statues de Bouddha, coquillages…). D’un côté, la forêt s’élève vers le ciel, de l’autre, elle s’étale à l’horizontale.

Laissé seul avec ses pensées dans ce silence habité de sons, le spectateur sent constamment son attention lui échapper et s’envoler vers toutes sortes de pensées, mais quelque chose dans ce qui se produit sous ses yeux le ramène toujours dans l’instant présent, dans ce petit moment fragile où la branche trouve son point d’équilibre sur le dos du coquillage ou contre un tronc d’arbre reconstruit. Si bien qu’en quittant la salle, la pensée rationnelle en déroute mais le corps étrangement apaisé, le spectateur se demande un long moment ce qu’il devrait penser ou retenir de l’œuvre, avant de se rendre compte qu’elle a tout naturellement et sans question trouvé sa niche au fond de son esprit.

L’œuvre se termine avec un chant cathartique qui nous conduit doucement à une ouverture vers l’extérieur, alors que les portes de la caserne s’ouvrent largement pour laisser entrer la rue.

06-06-2014