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Festival TransAmériques - 29, 30 et 31 mai 2014, 19h
Hate RadioHate Radio
Théâtre
En français et en kinyarwanda avec surtitres français et anglais
Un spectacle de IIPM - International Institute of Political Murder
Texte et mise en scène Milo Rau
Avec Afazali Dewaele, Sébastien Foucault, Diogène Ntarindwa, Bwanga Pilipili
En vidéo Estelle Marion et Nancy Nkusi

Le banal est parfois le commencement du terrible. Au Rwanda, en 1994, sur les ondes de la Radio-Télévision Libre des Mille Collines, se mettent en place, avec une glaçante désinvolture, les rouages d’une féroce mécanique génocidaire. Insidieusement, entre une blague, l’annonce de résultats sportifs et une chanson de Nirvana, le discours haineux se répand, viral. Enflent alors la peur, le racisme, puis, implacable, la négation de l’autre, le paria, le « cancrelat ». Alors que, sur les collines, on massacre à coups de machettes, sur les ondes de la radio, on tue avec des mots.

Dans un cube de verre qui reproduit à l’identique le studio de la RTLM, l’impétueux metteur en scène suisse Milo Rau reconstitue la genèse de la haine. Crépitent à nouveau les mots corrosifs de la déshumanisation qui se déversent, brûlants, dans le creux de l’oreille du spectateur. Nul ne peut leur échapper. Une œuvre-choc qui ne laisse personne indemne.

Souvent nimbées d’une aura de controverse, les œuvres scéniques de l’auteur et metteur en scène Milo Rau ébranlent le spectateur en faisant crûment advenir le réel ou des fragments de réel dans la représentation. Né en Suisse en 1977, cet infatigable explorateur des versants sombres de la réalité a d’abord fait des études de sociologie et de littérature allemande et romane à Paris, Zurich et Berlin. Après quelques expérimentations filmiques, il se tourne vers le théâtre et frappe un grand coup avec la création des Derniers jours des Ceausescu. Sidérante reconstitution du procès des dictateurs roumains, la pièce intègre quelques-uns des vrais protagonistes de l’Histoire. Cette œuvre inclassable, qui brouille les frontières entre la réalité et la fiction, est la première production de la compagnie fondée par l’artiste : l’International Institute of Political Murder. Sous sa bannière, suivront d’autres créations incandescentes, attachées à faire revivre de l’intérieur de perturbants événements historiques, telles Breivik’s Statement, une lecture par une actrice d’origine turque du sinueux manifeste signé par le célèbre meurtrier norvégien, et The Moscow Trials, une œuvre où les membres du groupe punk-rock Pussy Riot subissent, et remportent, un nouveau procès. Plusieurs de ces pièces ont été à l’affiche de prestigieux festivals nationaux et internationaux, notamment le Berliner Theatertreffen, le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles et le Festival d’Avignon.

Avec Hate Radio, une plongée en vrille au cœur de l’implacable mécanique de déshumanisation ayant mené au génocide rwandais, l’artiste, invité pour la première fois au FTA, poursuit son inlassable traque du réel.


Section vidéo
une vidéo disponible


Dramaturgie et production Jens Dietrich
Scénographie et costumes Anton Lukas
Vidéo Marcel Bächtiger
Son Jens Baudisch 
Photo Daniel Seiffert
Rédaction Catherine Cyr

Création au Hebbel am Ufer, Berlin, le 1 décembre 2011

Durée : 1h50

Tarif régulier : 43 $
30 ans et moins / 65 ans et plus : 38 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 30 mai

Coproduction Hauptstadtkulturfonds (Berlin) + Pour-Cent culturel Migros (Suisse) + Pro Helvetia - Schweizer Kulturstiftung (Suisse) + Kulturamt St. Gallen + Kunsthaus Bregenz + Fondation Ernst Göhner (Zoug) + HAU (Berlin) + Schlachthaus Theater (Berne) + Beursschouwburg (Bruxelles) + Migros museum für gegenwartskunst (Zurich) + Kaserne (Bâle) + Südpol (Lucerne) + Verbrecher Verlag (Berlin) + Kigali Genocide Memorial Centre

Avec le soutien de Kulturelles.bl (Bâle) + Amt für Kultur Luzern + Goethe-Institut Bruxelles + Goethe-Institut Johannesbourg + Brussels Airlines + Spacial Solutions (Munich) + Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (Kigali) + Deutschen Entwicklungsdienst (Bonn) + Contact FM Kigali et IBUKA Rwanda + Hochschule der Künste Berne + Fondation Friede Springer (Berlin)

Présentation avec le soutien de Goethe-Institut Montréal et le Ministère des affaires étrangères d’Allemagne


FTAThéâtre Prospero
1371, rue Ontario Est
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Gabrielle Brassard

Les mots qui tuent


Crédit photo : Daniel Seiffertc

Milo Rau, de l’International Institute of Political Murder, s’est toujours attaqué, et c’est le cas de le dire, à des faits réels pour créer ses pièces artistiques. Après des œuvres sur le tueur norvégien Breivik (Brievik’s Statement) et les Derniers jours des Ceausescu, Rau a choisi, pour sa première présence au FTA, de se baser sur le génocide du Rwanda… à travers une émission de radio. Genèse de la haine.

Dès l’entrée en salle, on comprend qu’on veut nous replonger dans ce qui a pu être le climat haineux de 1994 au Rwanda. Nous sommes séparés en deux parties qui se font face, telles deux races ennemies. Dans le milieu, un grand cube de verre ; un studio de radio. Nous assistons, pendant près de deux heures, à l’émission quotidienne de la Radio-Télévision libre des mille collines (RTML), qui a vraiment existé, et qui a été jugée par le Tribunal international sur le génocide du Rwanda pour ses propos haineux. Cette émission, basée sur divers témoignages et textes récoltés par Rau, est un très long malaise. Les quatre animateurs, interprétés par Afazali Dewaele , Sébastien Foucault, Diogène Ntarindwa et Bwanga Pilipili incitent chaque jour la population de Kigali à tuer les «cafards». Crachant sur les «ennemis», sur les journalistes internationaux et les militaires, notamment Roméo Dallaire, les animateurs, dans la joie et la bonne humeur, se font les maîtres de la désinformation et de l’appel à la haine. Entrecoupés de chansons de zouk, de Nirvana et de Joe Dassin, il semble totalement surréel qu’une telle émission ait existé. On comprend que dans la montée génocidaire de ce drame qui teinte encore aujourd’hui, 20 ans après, le Rwanda, il ne s’agissait pas juste de tuer avec des machettes et des fusils, mais aussi avec les mots, parfois bien plus incitatifs et pénétrants que toute autre forme de violence, et c’est la grande force de cette pièce. Nous dire et nous montrer, en mots, toute la violence et la haine qui sévissaient, dans la rue comme sur les ondes de cette radio, aujourd’hui inexistante et sévèrement jugée. Ses animateurs ont été condamnés à la prison à vie, se sont exilés ou se sont enfuis sans laisser de traces.

Hate radio nous rend forcément inconfortable, face à la contradiction de cet environnement radiophonique dans lequel ces criminels dansent, boivent et rient tout en incitant à la tuerie. Absurde, intolérable, insupportable. Mais nécessaire. Au début comme à la fin de la pièce, des témoignages réels de gens sur place. Les dernières phrases sont marquantes : «Je ne crois pas à la fin du génocide. S’il y en a eu un, d’autres peuvent survenir». Triste réalité.

30-05-2014