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Festival TransAmériques - 30 et 31 mai 2014, 20h
D'après une histoire vraieD'après une histoire vraie
Danse
Un spectacle de l'association fragile
Conception, chorégraphie, scénographie et costumes Christian Rizzo
Avec Fabien Almakiewicz, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Kerem Gelebek, Filipe Lourenço, Roberto Martínez

Il est des sensations à l’empreinte si forte qu’elles dessinent un présent à l’aune du souvenir. Bouleversé par une bande de danseurs folkloriques à Istanbul, le chorégraphe français Christian Rizzo teinte son écriture précise et angulaire des gestes universels de danses qui, depuis des siècles, soudent les communautés. Ici, huit danseurs de la Méditerranée et deux batteurs règlent la cadence d’un rituel au son d’un rock tribal qui saisit par le ventre et conduit à l’extase. Pieds martelant le sol, bras tendus vers le ciel, le bassin ondulant et le corps tournoyant, ils croquent le portrait jubilatoire d’une masculinité vibrante faite de virilité, de fragilité et de solidarité.

Toute première œuvre du réputé Christian Rizzo à être présentée à Montréal, d’après une histoire vraie convainc de l’urgence de retrouver le goût de l’Autre dans un monde où l’individualisme tend à favoriser l’immobilisme. Une explosion brute d’énergie et de plaisir absolument irrésistible.

Artiste multidisciplinaire né à Cannes en 1965, Christian Rizzo a chanté dans un groupe rock et créé une ligne de vêtements avant d’étudier les arts plastiques et de collaborer avec des chorégraphes comme Mathilde Monnier, Mark Tompkins, Vera Mantero et Rachid Ouramdane à titre d’interprète, de créateur de costumes ou de concepteur sonore. En parallèle aux performances et œuvres chorégraphiques qu’il présente au sein de sa compagnie, l’association fragile, créée en 1996, il œuvre dans les milieux de la mode, des arts visuels et de l’opéra, toujours avide de diversité dans les rencontres et territoires à explorer. Ses origines (une famille italo-espagnole née au Maroc) ouvrent grand son regard sur le monde et le mènent à chercher dans la danse un espace où s’interroger sur la genèse des choses et affirmer la singularité d’une identité faite de métissages et de destins croisés.

Créée dans l’enthousiasme général en 2013, d’après une histoire vraie confirme le virage amorcé un an plus tôt avec le bénéfice du doute et le solo sakinan göze çöp batar (c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé). Le corps dansant que Rizzo cherchait en 1999 dans les deux robes mues par le vent de sa pièce culte 100 % polyester, objet dansant (no à définir), ce corps s’incarne désormais pleinement sur scène. Marqué par la chute et le toucher, le mouvement qu’il retenait dans un minimalisme baroque se déploie tout en se colorant de folklore. Et les scénographies qu’il crée lui-même se dépouillent de leurs nombreux objets pour une rencontre plus directe avec l’Autre, la fragilité de l’être restant un élément central de son travail.


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Musique originale et interprétation Didier Ambact et King Q4
Lumières Caty Olive
Photo Marc Domage
Rédaction Fabienne Cabado

Résidences de création Opéra de Lille + Centre chorégraphique national de Rillieux-La-Pape + Centre chorégraphique national Roubaix Nord-Pas-de-Calais

Création au Festival d'Avignon, le 7 juillet 2013

Durée : 1h10

Tarif régulier : 58 $ / 48 $
30 ans et moins / 65 ans et plus : 48 $ / 43 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 30 mai

Coproduction Théâtre de la Ville (Paris) + Festival d’Avignon + Opéra de Lille + Centre de développement chorégraphique de Toulouse - Midi-Pyrénées + La Ménagerie de Verre (Paris) + La Filature, Scène nationale - Mulhouse + L’apostrophe, Scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise + Centre chorégraphique national de Rillieux-La-Pape avec le soutien du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais + Convention Institut Français - Ville de Lille + Association Beaumarchais - SACD + Institut Français dans le cadre du Fonds de production Circles avec l’aide du Le Phénix, Scène nationale Valenciennes


FTAThéâtre Jean-Duceppe
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Geneviève Germain


Crédit photo : Matc Domage

Le public a chaudement applaudi la toute première création de Christian Rizzo à être présentée en sol montréalais. Grâce à une exploration réussie alliant folklore et modernité, l’artiste multidisciplinaire a su déconstruire la danse, la musique et la lumière pour les magnifier d’une manière surprenante et captivante. Il faut dire que Christian Rizzo a touché à plusieurs domaines artistiques avant de s’intéresser à la chorégraphie : il a monté un groupe rock à Toulouse, créé sa propre marque de vêtements et s’est également investi dans les arts plastiques. Cet alliage de talents est palpable dans sa création qu’il nous présente dans le cadre du FTA et on sent que D’après une histoire vraie est un projet qui a atteint son apogée.

Un homme entre seul sur scène et y dépose ses souliers  pour ensuite occuper le grand rectangle blanc qui occupe le sol, plongé dans une semi-obscurité. Deux ensembles de batteries sont visibles sur un piédestal derrière lui, mais personne n’y joue. C’est donc seul et sans musique qu’il donne le coup d’envoi, tranquillement joint par sept autres hommes. Ce début silencieux où chaque frôlement de pieds se fait entendre fascine. Vêtus de jeans et de simples t-shirts, les danseurs bougent à l’unisson pour ensuite se décaler. Ils évoluent parfois en groupe, parfois seuls. Alors que leurs corps se mettent à onduler et que les joueurs de batterie y ajoutent une trame sonore, le visuel qui est offert est tout en angle et en mouvements décrivant des lignes que l’on suit au fil des assemblages et des dissolutions. Quand enfin un rythme aux sonorités rock et tribales se fait entendre, les pieds suivent, mais les mouvements détonnent, car ils font appel à des gestuelles folkloriques. Des croisements de bras aux pliés des jambes, on reconnaît des sauts et des tournoiements bien typiques, résolument en contraste de la musique qui est offerte.

L’idée de cette rencontre entre le folklore et la modernité est venue à Christian Rizzo grâce à un souvenir d’une danse qu’il a vue en Turquie. Dans D’après une histoire vraie, il voulait également mettre en scène la complicité masculine. Il réussit son pari : les danseurs qui sont présentés transpirent de masculinité et leur complicité est palpable. Alors qu’ils se tiennent la main, s’épaulent et se portent dans leurs différents mouvements, on sent leur connivence.

Ce qui fascine surtout est cette déconstruction des à priori, soit en présentant de longs segments de danse sans musique, de musique sans danse, de danse folklorique alliée à une musique tribale rock. D’ailleurs, un des moments forts est ce long duo de batteries, sans danse, offert par Didier Ambact et King G4, dont le rythme des percussions a su soulever une vague d’applaudissements. La scénographie et l’interprétation ne sont pas en reste puisque l’univers ombragé ajoute un certain degré d’abstraction aux corps qui évoluent sur la scène. On apprécie les moments privilégiés qui sont accordés à chaque élément, notamment dans ces moments de danse silencieuse où tous nos sens se concentrent uniquement vers les mouvements du groupe.

L’ovation qu’a servie le public à la fin de la prestation témoigne de l’aboutissement de cette création. D’après une histoire vraie a su surprendre et gagner les spectateurs grâce à un bon dosage d’originalité facilitant une rencontre réussie entre des héritages folkloriques et la modernité.

31-05-2014