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Festival TransAmériques - 31 mai, 1er juin, 21h, 2 juin 2012, 16h
IrakeseMaudit soit le traître à sa patrie !
Théâtre
En slovène, croate et serbe avec surtitres français et anglais
Un spectacle de Mladinsko Theatre
Texte et mise en scène Oliver Frljić
Avec Primož Bezjak, Olga Grad, Uroš Kaurin, Boris Kos, Uroš Maček, Draga Potočnjak, Matej Recer, Romana Šalehar, Dario Varga, Matija Vastl

Mouvement de résistance
La Yougoslavie, avalée par les guerres civiles, hachée menue en une poignée de nations blessées. Le Croate Oliver Frljić signe une charge explicitement engagée, un manifeste où drames intimes et faits historiques s'enchevêtrent. Voici un théâtre de combat, où l’on multiplie les mises à mort dans un rituel qui rappelle que cette terre est encore moite du sang de milliers de victimes.

Questionnement puissant sur la responsabilité individuelle, le spectacle est porté par une distribution criante de vérité, du Mladinsko Theatre de Slovénie, formée de comédiens issus des Balkans. Douleur extrême, joie démesurée, haine incontrôlable, pleurs excessifs, tout y est exacerbé. Mais l'esprit n'est pas tant à l'illusion théâtrale qu'à la lucidité crue.

De ce brutal morcellement, le jeune metteur en scène en colère exhibe les plaies encore vives dans cette œuvre coup de poing. Spectacle choc, accusateur, dérangeant, Maudit soit le traître à sa patrie !, dernière strophe de l'hymne national yougoslave, se révèle un cri tonique pour les libertés civiles et artistiques.

Oliver Frljić

Agitateur
Auteur, metteur en scène, théoricien, chorégraphe, comédien, Oliver Frljić est véritablement l'enfant terrible du théâtre d'ex-Yougoslavie. Il navigue entre théâtre de rue et institutions, entre lieux de création intime et grandes salles de répertoire. Ses pièces provoquent la discussion, suscitent des sentiments contrastés. Il joue avec les limites, entre réel et fiction, entre sphère publique et privée.

Issu de la performance, Oliver Frljić, à moins de 40 ans, propose un théâtre pamphlétaire et enflammé, qui trouve de plus en plus d'adeptes dans les Balkans. Doublement lauréat du 17e Festival international de Rijeka (Croatie) en 2010 avec Turbo Falk et Bacchantes, il obtient en 2011 la « Couronne de laurier dorée », principale récompense de la 51e édition du Festival international de théâtre MESS de Sarajevo pour Papa est en voyage d’affaires adapté du texte d’Abdulah Sidran. En novembre dernier, lors des Rencontres théâtrales de Brčko, en Bosnie, il remporte le Prix du meilleur metteur en scène pour la pièce La lettre 1920, qui traite de la Bosnie-Herzégovine d'aujourd'hui.

Le Théâtre Mladinsko (qui signifie « jeunesse » en slovène) existe depuis 1955. On y a présenté des spectacles pour enfants et jeunes jusque dans les années 1980, où il s'est peu à peu transformé pour s'intéresser aux spectacles interdisciplinaires et au théâtre de recherche aux contenus politiques. En 2008, il devient le premier théâtre slovène à recevoir le titre d'Ambassadeur culturel européen par la Commission européenne de la Culture.


Section vidéo
une vidéo disponible


Scénographie et costumes Oliver Frljić
Son Silvo Zupančič
Dramaturgie Borut Šeparović, Tomaž Toporišič
Lumières Oliver Frljić, Tomaž Štrucl
Photo Žiga Koritnik

Création au International Festival of Small Scene, Rijeka, en mai 2010

Durée : 1 h 15

Tarif régulier : 40 $
30 ans et moins, 65 ans et plus : 35 $

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 1er juin

Production Mladinsko Theatre


FTAThéâtre Rouge - Conservatoire d'art dramatique de Montréal
4750 av. Henri-Julien
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

Des corps au sol, immobiles, dans la position même où ils sont tombés, instruments de musique à la main. Une parodie de défilé de mode en drapeaux, de longs couteaux à la main… Ces séquences donnent le ton à la production, qui oscille constamment entre beauté et inimitié. Maudit soit le traître à sa patrie! est en effet une charge brute de haine et d’intolérance, tant entre comédiens à l’intérieur de la pièce qu’envers la salle et le public.

Le spectacle commence pourtant tout doucement, alors que les corps reviennent à la vie, d’abord par le souffle ténu d’un instrument à vent, puis par l’ensemble de l’orchestre. Un à un, les comédiens se relèvent, puis égrènent avec émotion la litanie des camarades disparus. Ils font face au public avec toute leur tristesse avant de se mettre littéralement à nu. Cette nudité crue, mais pas vulgaire, s’impose au public. Impossible de se défiler; il lui faut regarder.  

Puis c’est la vérité toute nue qui explose sur scène : tandis que les comédiens se rhabillent, ils questionnent, de manière de plus en plus incisive, l’un de leurs collègues. Ils le questionnent sur ses origines, sur son allégeance, sur sa langue… Est-il vraiment serbe? Comment peut-il l’être si sa mère est croate? Et pourquoi sa mère n’a-t-elle pas appris la langue du pays? Si un nouveau conflit survenait, choisirait-il la Serbie ou la Croatie? La tension est à son comble… quand les comédiens éclatent soudain de rire.

Pendant toute la production, on navigue entre l’humour acerbe, la légèreté toute musicale et le rythme brutal des accusations, des insinuations et des coups de feu. Le langage de Maudit soit le traître à sa patrie! est tout aussi brutal : les comédiens n’hésitent pas à s’insulter ni à insulter le public. « Qu’est-ce que vous regardez, femmelettes de Québécois? » explosent-ils. Et le public de regarder comment le patriotisme, celui que l’on chante en chœur en entonnant l’hymne national ou qui fait vibrer un chant traditionnel, peut se transformer en arme pour déterminer qui est le frère, qui est le traître, qui mérite de mourir.

Ce qui frappe particulièrement dans ce spectacle coup-de-poing est l’intensité de la haine dont il se fait le porte-voix. Tant de haine et de mots empoisonnés dans un spectacle enrobé par une si belle musique. Tant de dialogues sèchement interrompus par l’éclat des balles et par les camarades abattus un à un… Les multiples coups de feu font chaque fois tressauter les spectateurs, de plus en plus sur le qui-vive, crispés dans l’attente de la mort qui ne tarde pas à surgir de nouveau. La mécanique théâtrale qui ramène chacun des acteurs à la vie après sa mise à mort n’en atténue pas pour autant la violence du propos et des images, qui restent longtemps en tête après la tombée du rideau.

01-06-2012