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Festival TransAmériques - 31 mai, 1er, 2, 3 juin 2012, 20h
Sur le concept du visage du fils de Dieu
Théâtre
Dialogue en italien avec traductions française et anglaise
Un spectacle de Socìetas Raffaello Sanzio
Conception et mise en scène de Romeo Castellucci
Avec Gianni Plazzi, Sergio Scarlatella et Dario Boldrini, Vito Matera, Silvano Voltolina

Le regard, le sens et le fantôme de Dieu
Jusqu’à quel point le théâtre peut-il nous confronter à ce qui est plus grand que nous ? Tout naît pourtant du quotidien : un homme, qui s’apprête à partir travailler, a installé son vieux père devant la télé, et soudainement, sous le vieillard, une tache s’étend sur le canapé blanc. Patiemment, le fils entreprend de laver son père. Mais, inexplicablement, cette scène se déroule devant l’immense et insondable visage d’un Christ de la Renaissance. Et si c’était lui qui vous regardait ?

Œuvre mystérieuse, obsédante et énigmatique, créée par l’un des plus grands artistes contemporains, Sur le concept du visage du fils de Dieu pose de façon foudroyante la question du sens de la vie en convoquant le fantôme de la foi. À la fois ode à la compassion, méditation sur la puissance sacrée de l’art, interrogation sur la souffrance et la dignité, ce spectacle bouleversant enjoint le spectateur à se repenser face aux grands vertiges de la condition humaine.

Romeo Castellucci

Les pèlerins de la matière
Fondée en 1981 à Cesena, en Émilie-Romagne, par le peintre et scénographe Romeo Castellucci, la musicienne Chiara Guidi et la théoricienne Claudia Castellucci, la Socìetas Raffaello Sanzio s’est imposée sur la scène internationale comme l’une des compagnies de théâtre les plus fascinantes d’aujourd’hui par sa radicalité esthétique et la profondeur humaine de ses spectacles. Même s’il est nourri par les œuvres fondatrices de la culture occidentale — dont celles d’Eschyle, de Dante et de Shakespeare —, le théâtre de Romeo Castellucci et de la Socìetas Raffaello Sanzio se situe dans le sillage de la pensée d’Antonin Artaud où, bien plus que le texte, les corps, souvent atypiques, concentrent et condensent le sens, mis en contexte par d’étonnants déploiements sonores et visuels. Mêlant la haute technologie et l’artisanat séculaire de l’art dramatique pour créer des univers scéniques qui transposent la réalité par une série de diffractions, le théâtre de Castellucci, tout spectaculaire qu’il soit, interroge le monde d’un point de vue essentiellement humaniste. Au FTA, on a déjà pu voir de lui Orestea (una commedia organica?) (1997), Genesi. From the Museum of Sleep (1999) et Hey Girl! (2007). Parmi ses œuvres majeures, mentionnons aussi Tragedia Endogonidia (2002-2004), un cycle tragique contemporain prenant le nom des 11 villes où l’œuvre a été créée, et sa trilogie Divina CommediaInferno, Purgatorio e Paradiso — d’après Dante, dont la première partie a été créée au Festival d’Avignon en 2008, alors qu’il était l’artiste associé de cette édition. Cette bouleversante trilogie a été élue par le quotidien Le Monde comme le meilleur spectacle de la décennie 2000-2010.


Section vidéo
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Musique Scott Gibbons
Collaboration à la mise en scène Giacomo Strada
Rédaction Paul Lefebvre

Durée : 1 h

Tarifs réguliers : 55 $ / 45 $
30 ans et -, 65 ans et + : 45 $ / 40 $
Sièges réservés

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

En parallèle
FILM - Purgatorio - Situé entre Inferno et Paradiso, Purgatorio est le second volet d’une trilogie librement inspirée de l’oeuvre de Dante. Le Purgatoire vu par Romeo Castellucci (Sur le concept du visage du fils de Dieu) questionne la perpétuation d’une existence humaine vouée à l’errance, en quête de pardon.
Captation du spectacle mis en scène par Romeo Castellucci suivie de deux entretiens
Avignon, 2008
93 min, v.o. fr . s.t. en .
Mercredi 23 mai 2012 - 18 h 00
Cinémathèque québécoise

Coproduction Theater der Welt 2010, deSingel international arts campus (Anvers), Théâtre National de Bretagne (Rennes), The National Theatre (Oslo), Barbican London and SPILL Festival of Performance, Chekhov International Theatre Festival (Moscou), Holland Festival (Amsterdam), Athens Festival, GREC Festival de Barcelona, Festival d’Avignon, International Theatre Festival DIALOG Wroclav, Belgrade International Theatre Festival, spielzeit europa I Berliner Festspiele, Théâtre de la Ville (Paris), Romaeuropa Festival, Theatre festival SPIELART München, Le-Maillon (Strasbourg / Scène Européenne), Théâtre Auditorium de Poitiers, Peak Performances @ Montclair State
Présentation en collaboration avec Place des Arts


FTAThéâtre Jean-Duceppe
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

Le spectacle de Romeo Castellucci nous a été présenté majoritairement par l'entremise du scandale religieux qui le précède désormais. Plusieurs ont posé la question : comment réagira le public montréalais? Ceux qui ont dénoncé le spectacle l'ont fait pour défendre l'image du Christ, supposément profanée durant le spectacle. Or, suite à la représentation attendue de Sur le concept du visage du fils de Dieu, ce qui ressort de la représentation est tout autre.

Tout commence par une scène hyperréaliste, dans un décor trop blanc et trop propre. Un fils, avec toute la patience du monde, nettoie son père, âgé et incontinent. Plusieurs fois, toujours avec cette même tendresse immense. Le père est pris d'une tristesse infinie, conscient de son état et persuadé d'avoir perdu toute dignité. Le tout se déroule presque sans mots, sous le regard inerte du Christ, peint par Antonello de Messine et qui occupe la majorité du mur arrière de la scène. Difficile à dire si ce regard nous apaise ou incommode, mais il est fidèle durant toute cette heure de représentation. Alors que l'odeur désagréable de cette merde nous monte au nez, littéralement, il nous apparaît toute la beauté du geste généreux du fils envers son père. Le tout provoque une sensation paradoxale, mais ce qui émane de cette scène d'ouverture est finalement profondément humain. Le parent est redevenu enfant pendant que le fils se tourne vers le fils de Dieu, comme pour chercher une certaine compréhension, un appui. Le dialogue est ouvert, mais que peut répondre l'église ou la religion à cet appel?

Par la suite, dans un esthétisme qu'on reconnaît à Castellucci, une dizaine d'enfants entrent et lancent, on le comprend rapidement, des grenades sur ce visage toujours présent. Jusqu'au dernier moment, le visage sobre demeure intact pendant que le malaise éternel qu'impliquent des enfants sur scène se fait sentir. Les sens se multiplient : est-ce un rejet de la religion par la jeunesse? Ces enfants sur scène réalisent-ils l'ampleur de leur acte scénique? Quel est le réel impact d'une attaque à une icône simplement plastique, à une représentation picturale de celle-ci? Les grenades sonnent d'abord, lors de l'impact au mur, comme de simples ballons dans un gymnase. La scène rappelle immédiatement le spectacle Inferno, lorsqu'un enfant lance au mur du Palais des Papes d'Avignon un ballon. Au niveau sonore, notre mémoire nous ramène à ce spectacle aussi. Cette fois, Castellucci pousse l'image plus loin, à l'aide des grenades qui sont lancées comme on jetterait des pierres, et au son qui devient insoutenable. Le mystère demeure complet au départ des enfants, on ne nous donne aucune réponse.

À travers ce spectacle et ses personnages, c'est la représentation d'une population entière qui se questionne sur le sacré, sur la représentation iconique de celui-ci. La religion est ramenée à l'homme et l'homme est ramené à l'enfant. Les rôles des parents et des enfants sont inversés, la responsabilité de l'adulte repensée.

Il échappera probablement à tout spectateur un nombre considérable de symboles, de clins d'oeil à la religion et aux icônes sacrées dans le spectacle, mais peu importe. Les sensations presque inexplicables qu'il provoque demeurent après coup, et c'est ce qui habite notre réflexion à la sortie de la salle.

Le résultat est bouleversant, physiquement difficile pour le spectateur. Lorsque le corps abandonne l'homme, vers quoi ce dernier peut-il se tourner? Que lui reste-t-il? L'humain est fragile et nos croyances sont pleines de notre propre humanité. Le dialogue qu'ouvre Castellucci, les questionnements qu'il provoque sont délicats à aborder. Il n'y a pourtant aucun outrage sur cette scène, mais seulement toute l'ampleur du débat de la redéfinition de la foi aujourd'hui. D'une beauté infinie, mais presque insupportable.

31-05-2012