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Oblivion
CARREFOUR 2018
Gent
Performance
31 mai et 1er juin 2018, 19h
En anglais surtitré en français

Pendant une année entière, Sarah Vanhee a gardé et accumulé toutes les ordures non périssables qu’elle a produites ; en suivant une méthode rigoureuse, elle les a archivées, les datant et les classant méthodiquement dans des boîtes.

Sous les yeux des spectateurs, elle ouvre tous ses cartons et déploie lentement son étonnante collection. Pots de yogourt, sacs de plastique, sachets de thé, bouteilles de verre, bouchons de liège, papiers, emballages de carton de toutes sortes… elle restitue méticuleusement tous ses détritus en ponctuant ses gestes d’anecdotes, d’idées et de sons qu’elle a récoltés au cours de l’année. Par ce rituel écologique presque cérémoniel, la performeuse réinvestit la moindre pacotille inutile et banale d’un sens inattendu et déballe la mémoire de tout un pan de sa vie.

Au fil des minutes qui passent, un vaste paysage multicolore se dessine sur scène, à la fois beau et monstrueux !

Jamais moralisatrice, la performance fascine et déstabilise avec le point de vue oblique qu’elle offre sur nos habitudes, sur nos existences. Oblivion fait surgir une critique radicale de la société occidentale et de son obsession de la propreté et de l’hygiène ; une réflexion poétique sur l’obsolescence
programmée, la surconsommation, l’abondance superflue, le gaspillage, le jetable, le recyclable même. Mais l’artiste y compose aussi une tendre et profonde litanie à la gloire des choses rejetées, abandonnées ou condamnées à l’oubli, des moments du quotidien passés sous le radar. Dans un même élan, c’est notre aveuglement qu’elle interroge ; les traces que l’on laisse machinalement derrière et que l’on refuse de voir puis la course effrénée qui nous pousse toujours vers l’avant, en une quête incessante de nouveautés.


Conception et interprétation Sarah Vanhee


Crédits supplémentaires et autres informations

Création sonore Alma Söderberg et Hendrick Willekens
Regard extérieur Berno Odo Plozer et Mette Edvardsen
Coaching vocal Jakob AMpe
Technique Maarten van Trigt
Assistance à la production Linda Sepp
Crédit photo Bernhard Muller

Durée 2h15

Spectacle présenté en collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA) (Du 26 au 28 mai 2018, 19h).

ACTIVITÉS SATTELITAIRES
(voir page d'accueil pour les détails)

REGARDS CROISÉS
Bilan critique
8 juin - formule 5 à 7

Coroduction CAMPO (Gent) ; HAU (Berlin) ; Göteborgs Dans & Teater Festival (Göteborg), Noorderzon (Groningen) et Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) dans le cadre de NXTSTP, avec le soutien du Programme Culture de l'Union européenne. Avec le soutien de la Communauté Flamande.


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Critique disponible
            
Critique

critique publiée dans le cadre du FTA 2018

Après avoir assisté à une représentation d’Oblivion de l’artiste belge Sarah Vanhee, émane le sentiment d’une expérience prétentieuse et peu palpitante. Dommage, car la proposition annonçait des préoccupations environnementales contemporaines sur la société de (sur)consommation.


Crédit photo : Bernhard Muller


Crédit photo : Phile Deprez

Cette production créée en 2015 continue de tourner partout à travers le monde. Son interprète atterrit pour la toute première fois au FTA, tout comme ses nombreuses boîtes en carton qu’elle vide lentement durant les deux heures et des poussières de sa prestation, comme une forme de travail à la chaîne. Les déchets constituent le sujet à une longue dissertation (et combien de digressions) où de nombreux sujets « philosophiques » ou anecdotiques surgissent. Un thème revient souvent dans ce monologue : la merde dans toutes ses déclinaisons, ses surnoms et ses expressions plus loufoques ou triviales les unes que les autres. 

Lorsque le public pénètre dans la Cinquième salle de la Place des Arts, ou la moitié des sièges est recouverte de draps noirs, la comédienne s’active déjà dans son activité répétitive, soit de déverser sur la scène le contenu d’un an de déchets, tout aussi physiques que virtuels. Les premières minutes se déroulent en écoutant de vieux enregistrements musicaux populaires ou encore des ritournelles plus récentes. Nous voyons d’abord de nombreuses bouteilles d’alcool vides parmi les objets ; sans projection ou autre artifice visuel, la comédienne, aux pieds nus et aux vêtements foncés et amples, s’exprime en anglais et parfois aussi en français. Vanhee ne cherche pas à créer ou recréer une matière harmonieuse sur scène avec l’amoncellement de déchets ménagers. Elle dépose le tout, semble-t-il, sans un ordre précis. Les mêmes actions sont répétées sans variation de rythme, Nous aurions aimé sentir que le propos dépasse la simple démonstration technique de collage ou de superposition. Rien ne semble dépasser le fait d'accumuler sur une scène des objets ramassés, si ce n’est peut-être de reproduire certains de nos comportements.

Des créatrices ont exécuté de brillantes œuvres avec ou autour des déchets, dont Jovette Marchessault (aussi une grande dramaturge déjà montée par le directeur artistique du FTA, Martin Faucher) qui concevait des sculptures telluriques avec de la matière trouvée dans des poubelles, afin de se réapproprier une matière qui n’avait plus d’utilité. Ici, le sujet de la récupération n’est jamais amené de manière transgressive ou imaginative. La démarche laisse poindre quelques réflexions sur la société, mais reste surtout derrière la démonstration. Il permet par contre de nombreuses confidences sur des proches de l’actrice et la présence de nombreuses citations de penseurs (surtout masculins) célèbres. La surabondance d’extraits audio empêche la pièce d’approfondir une écriture théâtrale plus intuitive et plus incarnée.

Le mot merde (ou ses synonymes) revient à d’innombrables reprises : « chier requiert d’être en position assise », « il ne faut pas ajouter du vomi sur de la merde »… L’interprète s’est amusée à inclure des références ou citations en lien avec la matière fécale, avec, notamment, les noms de Michel Foucault (un texte intitulé Comment vivre ensemble), de Louis-Ferdinand Céline et de Tristan Garcia. Car comme l’un de ces autres messieurs a l’affirmé, le mot de cinq lettres démontre une certaine égalité entre les êtres humains, mieux que toutes les promesses des régimes communistes ou socialistes. 

Le spectacle se permet des interrogations en surface, plus cocasses, dont celle à savoir laquelle, de Cher ou de Barbra Streisand, représente la meilleure « icône gaie », ou effleurer brièvement certaines préoccupations plus graves comme l’embourgeoisement de certaines villes (San Francisco à partir des années 1980). Certains réalisateurs sont nommés dont Luis Buñuel et Rainer Werner Fassbinder, plus près du « name dropping » que d’ajouts pertinents à la narration de l’histoire.  Ces confidences plus personnelles ne s’arriment pas toujours au propos plus social et politique, ne suscitant pas de conciliations fortes entre l’individu et le collectif.

La scénographie aurait gagné à un traitement plus créatif dans la lignée de certaines réalisations en arts visuels, comme la créatrice québécoise Sophie Castonguay qui s’engage à produire une œuvre d’art avec les déchets accumulés d’une année. En fin de compte, rien ne paraît dépasser l'exercice de style. Oblivion nous interpelle trop rarement pour éveiller les consciences et les passions.

27-05-2018


 

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