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Carrefour international de théâtre - 28 et 30 mai 2016, 20h, 29 mai 19h
Ils étaient quatre
Montréal
Texte Mani Soleymanlou et Mathieu Gosselin
Mise en scène Mani Soleymanlou
Conception avec la collaboration des interprètes
Interprétation Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Jean-Moïse Martin et Mani Soleymanlou  

Ils étaient quatre gars dans la trentaine, quatre acteurs, quatre grands amis, réunis ce soir-là pour faire la fête. Mani, bête de théâtre et « party animal » obsédé par le sexe; Éric, le beau gosse, vedette de la télé, en manque de tendresse; Guillaume, le sentimental récemment devenu papa et banlieusard; Jean-Moïse, solitaire désabusé aux prises avec un sentiment d’échec. Et puis, il y avait Elle, superbe rousse aux yeux de feu, qui semblait les avoir ensorcelés, tous… L’alcool, la dope et la musique surexcitent les corps et les esprits; cocktail explosif qui délie les langues, abat les inhibitions, déchaîne la libido. Évidemment, ça dérape.

Après Trois, trilogie sur la quête identitaire culturelle menée par Mani Soleymanlou, voici le premier volet de la Trilogie Cocktail, qui explore la condition masculine chez les trentenaires d’aujourd’hui. L’amour, le couple, la famille, la réussite, l’argent, la pression de la performance, en une heure, tout y passe. Dans une ambiance survoltée, rythmée par la lumière, la bande sonore et le feu des répliques, le spectacle, à l’humour dévastateur et à la finale renversante, révèle une autocritique, une sensibilité et une profondeur insoupçonnées.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Scénographie Max-Otto Fauteux
Lumières Erwann Bernard
Musique Philippe Brault
Scripte Béatrice Gingras
Photo Jérémie Battaglia

Durée 1h15

En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, samedi 28 mai

Achat à l'unité : 48$
* Taxes et frais de service inclus

Production Orange Noyée
Coproduction Théâtre français du Centre national des Arts


CarrefourThéâtre Les Gros Becs
1143, rue St-Jean
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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Critique

critique de 2015


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Après Un, Deux et Trois, Mani Soleymanlou remet la table avec Ils étaient quatre, qu’il cosigne avec Mathieu Gosselin. Toujours intéressé par la notion d’identité, l’auteur et comédien se penche cette fois plus précisément sur l’identité masculine québécoise. Gosselin et Soleymanlou donnent la parole à quatre trentenaires, comédiens et grands amis depuis l’École nationale de théâtre. Quatre gars ordinaires, amateurs de party, mais parvenus à des points bien différents de leur vie. Ils racontent à un public devenu confident comment une fête a dérapé au point de sombrer dans l’excès et de révéler leurs pulsions animales. Une soirée qui a mené à un événement qui les a à la fois rapprochés et irréversiblement éloignés.

Il flotte sur cette production de la compagnie Orange noyée un parfum outrancier guidé par la MDMA, avalée par les quatre amis au début de la fête. Plus qu’un trip sous les influences de l’ecstasy, la soirée sera le théâtre de bien des révélations sur eux-mêmes et se fera le miroir d’une certaine trentaine au masculin en perte de repères (pour une vie professionnelle réussie, pour des relations de couple épanouies, pour un modèle de père idéal, pour une opinion politique tranchée, etc.).

De plus en plus intoxiqués, par la fête, par la drogue, par la fille, les trentenaires se font en effet moins lucides. Une dynamique s’installe entre les quatre hommes et la fête, monstrueuse, excessive, charnelle, bref gargantuesque. Et quand ils s’y abandonnent complètement, au mépris des conséquences, la musique submerge tout, les amis y perdent toute clarté de pensée, deviennent pulsions et corps en mouvements. C’est là où tout dérape.

Soleymanlou et Gosselin jouent sur l’aspect documentaire de la pièce, mêlant allègrement exagérations et inventions à de vrais éléments tirés de la vie de leurs acteurs. Ils le font si habilement qu’on en oublie vite de tenter de départager le vrai du faux. De fait, la construction temporelle du spectacle rend le récit hautement captivant. Avec une plume aiguisée et pleine d’autodérision, les auteurs abordent tous les sujets, des inévitables babyboomers aux impôts pour les riches en passant par le rapport à l’argent, à la politique, aux femmes, sans verser dans le cliché, même si on le frôle parfois. Entre confidences sur les peurs personnelles et opinions tranchées sur la société, la fête menace chaque fois de tout emporter dans une musique rave, dance ou techno.

Dans la peau des quatre amis, Mani Soleymanlou, Guillaume Cyr, Éric Bruneau et Jean-Moïse Martin sont solides et démontrent une réelle écoute dans la portion chorale, où le public n’entend que des portions de dialogues au milieu des confidences. Leurs personnages, en dépit de leurs défauts et de leurs actions, sont profondément attachants. Et on rit beaucoup avec eux, de leurs travers ou parce qu’on se reconnaît dans leurs interrogations, dans leurs doutes, dans leurs réactions. Les auteurs ont beau s’être penchés sur les réflexions d’hommes dans la trentaine, certaines réactions sont tout simplement humaines.

Plus que le récit d’une veillée où quatre amis ont perdu tout contrôle sur eux-mêmes, Ils étaient quatre offre une vision « éclairante » sur la trentaine au masculin et surtout sur la force des liens d’amitié qui les unissent. On n’en est que plus impatient de découvrir ce que l’auteur nous prépare pour la suite de sa Trilogie cocktail.

13-03-2015