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CanadaL'histoire révélée du Canada français, 1608-1998
En français
Texte Alexis Martin
Mise en scène Daniel Brière
Avec Gary Boudreault, Benoît Drouin-Germain, Steve Laplante, Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, François Papineau, Dominique Pétin, Carl Poliquin, Danielle Proulx, Marie-Ève Trudel

I – Invention du chauffage central en Nouvelle-France
II – Les chemins qui marchent
III – Le pain et le vin

Avec force, enthousiasme, et « un brin de mégalomanie », avouent-ils, les acolytes du Nouveau Théâtre Expérimental présentent L’Histoire révélée du Canada français. Périple courant sur quatre siècles, le projet prend la forme d’une trilogie qui, de la fondation de Québec en 1608 à la crise du verglas en 1998, raconte le Canada français.

Voyage échevelé – et décoiffant! – dans le passé, truffé d’anachronismes et de rencontres improbables, de fantaisie et d’ironie, le spectacle rend hommage au pays, à ceux qui l’ont construit, retraçant l’histoire à travers le quotidien, chaque partie abordant la même période, selon un angle différent. Après le retentissant succès des deux premières étapes à Montréal,créées en février 2012 et 2013, L’histoire révélée… est enfin présentée dans son intégralité.

Premier volet, Invention du chauffage central en Nouvelle-France se mesure à ce qui définit ce pays : le froid. Rigueurs du climat autant que sécheresse des cœurs, innovations pour s’adapter à l’hiver, fortes images qu’il fait naître se succèdent et peignent le tableau du « Pays des mots gelés », comme le décrit la légende.

La seconde étape, Les chemins qui marchent, emprunte le tracé sinueux des cours d’eau et rappelle l’importance, pour le Québec, des rivières et du grand fleuve qui le nourrissent, leur impact sur la vie des habitants et sur l’exploration du territoire.

La saga, enfin, culmine avec Le pain et le vin. Créé ce printemps, cet opus se penche sur notre rapport à la nourriture. Et avec un tel titre, revisite évidemment l’aventure d’évangélisation des Français en Nouvelle-France.

Consciente de la grande histoire, préoccupée surtout de celle que dessine le peuple, L’Histoire révélée… convoque sur scène figures connues (dont Champlain, Frontenac, Papineau, Miron), petites gens et nombreux Amérindiens, très présents dans le récit : leurs rencontres avec les Français, leurs légendes magnifiques, leur langue musicale.

Suite de tableaux aussi fluide qu’imprévisible, jeu énergique où une dizaine de comédiens incarnent près de 50 personnages par volet, comédie, chant, danse, lyrisme, envolées patriotiques : L’Histoire révélée… nous emporte dans un univers foisonnant. S’y reconnaît la signature du NTE, qu’appose ici le tandem Alexis Martin, auteur du texte, et Daniel Brière, metteur en scène : intelligence, engagement, esprit un brin rebelle, aussi inventif que critique.

L’Histoire révélée du Canada français : un bain d’histoire peu orthodoxe, surprenant, stimulant; un rempart ludique, érudit, plein d’humour contre l’oubli; une invitation à plonger, le temps d’une journée, dans les aventures peu banales d’un pays. Difficile de résister.


Section vidéo


Scénographie Michel Ostaszewski
Costumes Judy Jonker
Musique originale et conception sonore Anthony Rozankovic
Lumière Nicolas Descôteaux
Vidéo Yves Labelle
Direction de production Judith Saint-Pierre
Direction technique Hugo Hamel
Régie Colette Drouin
Photo M Ostaszewski

Durée : 7h15 incluant 2 entractes de 20 minutes et 2 pauses d'une heure - restauration légère disponible sur place

Tarif régulier : du 72$ à 92$
Foubrac : 57,25$
Accro : 65,75$
Béguin : 70$

En parallèle

- Rencontre avec l'équipe, 4 juin 2014

- 10 mai - Table ronde
La transposition de l'histoire au théâtre
Musée des Ursulines, 12, rue Donnacona
Dans L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998, le tandem Alexis Martin – Daniel Brière réanime nos mythes et légendes avec panache et causticité. L’histoire devient le personnage principal d’une expérience théâtrale festive et instructive. Discussion autour de la pièce avec trois professeurs d’histoire et de théâtre.
Animation Éric Robitaille, président de la Troupe de théâtre Les Treize de l’Université Laval
Avec Martin Pâquet, professeur d’histoire, Université Laval
Jean-Nicolas Marquis, professeur, Conservatoire d’art dramatique de Québec
Denyse Noreau, professeure de théâtre, Université Laval
Places limitées. Information et réservation : 25ans@septentrion.qc.ca
418.688-3556 poste 228
En collaboration avec Les éditions du Septentrion et le Musée des Ursulines.

- 4 juin 2014, 12h30 - table ronde
Quand l'histoire et le théâtre se rencontrent
Café-bar Le Zinc, 336 rue du Roi
Confrontation amicale entre Alexis Martin, comédien et auteur de L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998 et Denis Vaugeois, historien et éditeur. Les deux hommes comparent leurs visions et questionnent notre rapport à l’histoire et au théâtre.
Animation Marie Gignac

Production Nouveau Théâtre Expérimental

Coproduction Festival TransAmériques


CarrefourGrand Théâtre de Québec, Salle Octave-Crémazie
269 boul René-Lévesque Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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 Critique
Critique

lire la critique de Daphné Bathalon lors du passage de la trilogie au FTA 2014

par Odré Simard


Crédit photo : Michel Ostaszewski

Il s'agit toujours d'un moment hors du temps et de l'espace que d'assister à un événement théâtral qui se déroule sur une demi-journée. L'expérience proposée par le NTE, cette trilogie de l'histoire révélée du Canada français, nous emmène en voyage plus de 7 heures durant - pauses comprises, mais on demeure dans l'ambiance tout de même. On se sent un peu chez soi et on développe un agréable sentiment envers les comédiens, comme si on les connaissait personnellement. Bien que l'oeuvre n'ait pas la force d'autres épopées, tel que l'intégral de Vie et mort du roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard (TFT, Périscope, 2005) ou encore la trilogie Le Sang des promesses de Wajdi Mouawad (Carrefour international de théâtre, 2012), cette déjantée fresque historique réussit à faire vivre de très bons moments, malgré quelques faiblesses.

Difficile de dresser un court portrait avec autant de contenu, mais tentons tout de même de donner un aperçu. Les trois pièces sont orientées vers un thème précis, bien annoncé par chaque titre. Invention du chauffage central en Nouvelle-France nous parle du froid et de la neige qui bercent nos hivers depuis Champlain. D'une époque à l'autre, on y voit des touristes français décontenancés, des croyances amérindiennes qui parlent du « pays des mots gelés », des nombreuses pannes d'électricité lors des tempêtes de neige urbaines, d'un riche homme d'affaires québécois qui fait fabriquer ses manteaux d'hiver bien au chaud au Mexique... On y voit même une scène délicieuse entre un jeune Pierre Lebeau et Gaston Miron alors professeur à l'école nationale de théâtre, discutant sur l'urgence de retrouver « l'instinct du verbe ». À travers tout cela, des notions d'histoire, bien sûr, des confrontations entre la religion catholique et les coutumes amérindiennes, l'appel des States, le combat contre le capitalisme, et bien d'autres choses qui se trament dans la construction du Québec à travers les années.

Les chemins qui marchent nous parle des nombreuses rivières et du grand fleuve qui ont façonné notre rapport à l'histoire. La peur de l'eau et de ses naufrages, une usine de traitement des eaux usées avec une mystérieuse bactérie qui causerait l'oubli chez les Québécois, des voyages en canot avec des autochtones, un draveur romantique et des acteurs qui ont comme mandat de vendre la beauté du St-Maurice et qui vont trop loin dans leur interprétation de l'histoire selon une mairesse coincée. Puis, dernier mouvement, Le pain et le vin traite des habitudes alimentaires des habitants, toujours sur plus de 400 ans. Sur fond d'institut psychiatrique où les résidents jouent tour à tour les personnages, on rencontre ici à nouveau des religieux et nobles de la Nouvelle-France en contact avec les Autochtones, un conférencier narrateur, une certaine Jehanne Benoit, cette encyclopédie vivante de la cuisine québécoise qui nous fait un assaisonnement plus politique de ses recettes, une famille québécoise à la veille de la crise d'octobre, et certainement un des moments les plus forts des trois volets, un monologue d'un « pilier de taverne » (Gary Boudreault) qui nous dégoûte d'abord par ses préjugés et sa méconnaissance de la réalité, pour finalement nous arracher le cœur par sa détresse latente et son expression de la misère humaine, se traduisant par les graves dangers de la gentrification urbaine.

On sursaute de prime abord devant ces enjambées temporelles quelque peu aléatoires qui surgissent tout au long des trois pièces, mais qui, au final, confirment la liberté et la folie des artistes du NTE. On demeure parfois dubitatif devant certains choix qui sont davantage anecdotiques alors qu'on applaudit certaines parties au cynisme implacable ou à la force redoutable. La mise en scène remarquable des deux premières pièces permet de se laisser immerger complètement dans chaque élément. Dans la première, de la neige tombe régulièrement et nous assistons même à une impressionnante tempête de neige. Dans la deuxième, de la pluie tombe du dispositif scénique et on nous présente un tout aussi impressionnant naufrage. Dans le troisième volet, qui devrait être le point culminant... que du faux gazon et pas de jeu particulier avec un élément scénographique, ce qui nous laisse sur notre faim. Les trois pièces ayant été pensées dès le départ, il est dommage que cet aspect esthétique se soit évanoui pour la finale.

Au sein de chaque opus, le fil conducteur est somme toute assez faible, mais le résultat assez divertissant pour qu'on se laisse aller aisément. On passe sans cesse de la réflexion sociologique, voire philosophique, au cabotinage puis aux éléments historiques plus didactiques, mais on arrive à retrouver l'enjeu de l'identité et de la mémoire qui tente de s'immiscer un peu partout. La crise du verglas, surtout présente dans le premier opus, vient clore les trois mouvements qui se terminent tous dans la panne électrique. Cette crise vient alors se positionner comme apothéose de la stagnation, du fossé gelé, craquant entre nous et notre passé trop facilement oublié. Saluons l'audace du NTE de s'être jeté à pieds joints dans esquisse historique tout simplement nécessaire dans une société pour laquelle il ne s'agit pas d'un luxe de lui rappeler certaines choses du passé.

08-06-2014