Carrefour - Du 26 mai au 13 juin 2009
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Le 10e Carrefour international de théâtre
Des airs de retrouvailles

CarrefourLe Carrefour international de théâtre produit à Québec chaque printemps un festival exaltant dans une ville unique. Le festival propose le meilleur de la création nationale et internationale et se veut un carrefour professionnel, un carrefour de découvertes, d’échanges et d’expression pour les artistes et le public.

* les textes et les images proviennent du site www.carrefourtheatre.qc.ca

Théâtre

La Tragédie Comique
26 mai [20 h] 28 mai [19 h] 29 mai [20 h] 30 mai [20 h]
Rencontre avec les artistes le samedi 30 mai à 17h, au Café-Bar Le Zinc
Durée : 1h40
Grand Théâtre de Québec, Salle Octave-Crémazie

...la suite + critique (Isabelle Girouard)

Un personnage baroque sorti de l’imaginaire théâtral a attendu, pendant des siècles, le comédien qui saurait l’incarner. Lorsqu’il le découvre enfin, s’engage un duel tragi-comique où la hardiesse du bouffon se mesure à l’angoisse de l’artiste. Avec seulement quelques accessoires et un faux nez de bois en guise de masque, Yves Hunstad joue à la fois le personnage intemporel et son interprète fragile et tourmenté. C’est à une véritable leçon sur le théâtre et sur la vie qu’il convie le spectateur. Funambule de la scène, il nous entraîne dans un fabuleux voyage à mi-chemin entre réalité et fiction. Avec candeur, humour et poésie, il jongle avec les codes théâtraux, il interroge la dualité personnage-acteur, mais aussi les rêves, l’amour et la vie qui passe. Intelligente et émouvante, cette tragédie comique a de quoi séduire l’esprit autant que le cœur.

Texte et conception : Eve Bonfanti et Yves Hunstad
Mise en scène : Eve Bonfanti
 
Interprètes : Yves Hunstad

Lumières : Gaetan van den Berg
Scénographie, masque et costume : Erhard Stiefel, Françoise Colpé

Production : La Fabrique Imaginaire

Compte rendu

par Isabelle Girouard

Présentée pour la première fois au Carrefour International de Théâtre de 1992, La Tragédie Comique nous revient à Québec, pour le plus grand plaisir de tous. Véritable petit bijou théâtral, cette production signée Eve Bonfanti et Yves Hunstad, nous livre sur scène l’art du clown dans toute sa naïveté et sa profondeur. Le spectacle, créé à Bruxelles en 1988, a été joué en tournée plus de 500 fois et fut traduit en plusieurs langues. Cette longue tournée témoigne de l’accueil chaleureux du public dans de nombreux pays européens.

Il faut dire que la simplicité du spectacle est désarmante. Une estrade, un rideau de velours rouge et un balai, voilà tout ce qu’il faut. Il n’y a qu’un seul homme sur scène, et pourtant deux entités s’y côtoient: le personnage imaginaire et son acteur, distingués uniquement par un petit nez de bois. Le point de départ c’est la rencontre entre ces deux êtres, c’est le souffle inspiré du comédien…c’est la représentation elle-même. Ce personnage qui s’incarne est donc au cœur de l’acte théâtral, mais il est aussi indissociable du comédien : sans personne pour le porter, il n’existe pas. Dans La Tragédie Comique, c’est cette relation de dépendance qui est exploitée, relation qui oscille constamment entre un combat rigolo et une touchante fraternité. Cette scission entre personnage et acteur renvoie à la quête de Pirandello, poursuivant la réflexion sur la notion de personnage… avis aux intéressés.

La Tragédie Comique est drôle et profonde, arrivant comme un vent frais sur la scène du Grand Théâtre. La performance de Yves Hunstad est tout simplement magnifique. Seul sur scène, il offre une présence d’une étonnante générosité, maintenant le spectateur dans une écoute active et constamment renouvelée. La mise en scène, assurée par Eve Bonfanti, vient appuyer le texte avec exactitude, valorisant particulièrement l’expression corporelle. Naïveté, maladresse et bouffonnerie, ces sympathiques traits de caractère sont incarnés sur scène avec candeur. Par le rire, La Tragédie Comique permet merveilleusement ce moment privilégié de retour à soi, à l’enfance.

Aucune faiblesse? Disons seulement que le dénouement un peu trop exécutif vient violenter le rythme de l’action, laissant pour un instant le spectateur dans l’incompréhension. Mais ce moment est vite passé, rassurons-nous.

Finalement, si La Tragédie Comique nous ouvre la porte sur l’univers du théâtre et la notion du personnage, elle nous invite d’abord à revisiter notre propre imaginaire.
Magnifique.


The Sound of Silence
27, 28, 29 mai 19h30
30 mai à 14h00
Durée : 3h15 incluant un entracte
Rencontre avec les artistes le mercredi 27 mai après la représentation
Méduse, salle Multi

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En 1968, en République socialiste soviétique de Lettonie, on rêve de paix et de liberté, mais c’est en contrebande que l’on capte la musique venue d’ailleurs. Dans ce spectacle musical sans paroles, le metteur en scène Alvis Hermanis imagine l’impact provoqué par l’annulation d’un concert de Simon and Garfunkel en sol letton. Objet théâtral ébouriffant, œuvre chorale pétulante et colorée, The Sound of Silence enfile performances et images scéniques au son des « Mrs. Robinson » et autres succès du célèbre duo. Dans un appartement désencombré de ses murs, ces mélodies immortelles rythment les émois d’une communauté d’hommes et de femmes éperdus de liberté. Espiègles et poétiques, les tableaux se suivent et recréent avec tendresse et drôlerie l’époque du Flower Power, redonnent un sens à ces années de combat sans verser dans la revendication ou le lyrisme. Nourri de Brecht et de théâtre russe, rejeton spirituel de Charlie Chaplin, l’artiste lucide qu’est Alvis Hermanis croit en un théâtre ancré dans l’histoire et la société, et fait la preuve éblouissante, avec ce spectacle, qu’humour et dérision valent bien mieux que belles paroles.

Mise en scène : Alvis Hermanis
 
Interprètes : Guna Zarina, Sandra Zvigule, Inga Alsina, Liena Smukste, Iveta Pole, Regina Razuma, Jana Čivzele, Gatis Gaga, Kaspars Znotins, Edgars Samitis, Ivars Krasts, Varis Pinkis, Girts Krumins, Andris Keiss

Musique: Simon and Garfunkel
Scénographie et costumes : Monika Pormale

Production : Nouveau Théâtre de Riga (Riga)
Coproduction : Spielzeit’Europa / Berliner Festpiele (Allemange)


Où vas-tu quand tu dors en marchant...?
28, 29 et 30 mai, 21 h à 23 h en continu 
Gratuit
Visionnez le plan du parcours (site du Carrefour)
Rencontre avec les artistes le samedi 30 mai à 17h, au Café-Bar Le Zinc

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Où tu vas quand tu dors en marchant…?, c’est un trajet nocturne ponctué de stations animées par des performances alliant le spectaculaire et l’intime, depuis le parc Lucien-Borne jusqu’au parvis de l’église Saint-Roch. Où tu vas quand tu dors en marchant…?, c’est six lieux, six concepteurs-créateurs, six sphères d’activité artistique, près de 200 artistes, artisans et figurants. Où tu vas quand tu dors en marchant…?, c’est un spectacle sur mesure où les festivaliers, à la fois spectateurs et participants, pourront voir les tableaux dans l’ordre qu’ils désirent et à leur rythme.

Sous le thème du secret, inspiré de confidences du public recueillies au cours des semaines précédant l’événement, le parcours débutera au parc Lucien-Borne avec l’ambiance poétique d’une nuit d’été telle qu’imaginée par la comédienne Véronique Côté. Il se poursuivra au parc Notre-Dame-de-Grâce avec les apparitions surprenantes de l’artiste visuelle Claudie Gagnon. Puis, les promeneurs découvriront, sur l’allée centrale du boulevard Langelier, les « machines à bruit » du concepteur sonore Pascal Robitaille. Ensuite, ils monteront à bord d’un autobus pour la visite guidée incongrue du metteur en scène Frédéric Dubois et ils se feront déposer sur la rue Saint-Joseph pour voir le « quartier bleu » inventé par le scénographe Sébastien Dionne. Finalement, un grand bal orchestré par le chorégraphe Harold Rhéaume attendra le public sur le parvis de l’église Saint-Roch.

Coordination artistique Frédéric Dubois
Adjointe à la coordination artistique Caroline Martin
Conception Frédéric Dubois, Véronique Côté, Sébastien Dionne, Claudie Gagnon, Pascal Robitaille, et Harold Rhéaume
Interprétation : Près de 200 comédiens, musiciens, acrobates, danseurs et autres artistes
Production Carrefour international de théâtre


Rearview
2 [20h], 3 [21h], 4 juin [19h]
Durée : 1h
En français
Rencontre avec les artistes le mardi 2 juin après la représentation
Méduse, salle Multi

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Perdu dans le nord de l’Ontario, sur une route qu’il ne connaît pas, Guy, 25 ans, conduit depuis des heures. Il fonce droit devant, sans destination. Le compteur de sa voiture bloqué à 15 km/h, il n’a aucune idée de sa vitesse. Au fil de sa dérive, il revisite les événements troubles qui l’ont mené à quitter précipitamment Ville Mont-Royal un soir de party. Les réflexions qu’il livre à Manu – c’est ainsi qu’il nomme sa voiture – le ramènent au fin fond de lui-même. Dans une véritable quête existentielle, il porte un regard sur sa jeunesse, sa violence, sa vulnérabilité, sa naïveté.

Texte Gilles Poulin-Denis
Mise en scène Philippe Lambert
Interprétation Gilles Poulin-Denis
Régie, scénographie et éclairage David Granger
Assistance à la scénographie Renée Marchildon
Conception sonore Jacques Poulin-Denis
Production La Troupe du Jour


Voyage, premier épisode
3 [19h], 5 [21h], 6 juin [15h]
En français
Durée : 1h30
Rencontre avec les artistes le mercredi 3 juin après la représentation
Théâtre de la Bordée

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Aux confins de la métaphysique, de l’imaginaire et de la science, Voyage, premier épisode raconte l’histoire singulière de six personnages bien typés : une actrice qui a eu un accident de voiture et dont on ne sait si elle est morte ou vivante; un généticien qui donne une conférence sur l’ADN; une sexologue qui s’interroge sur l’amour; un pilote d’avion qui assume la régie du spectacle; une violoniste de vingt ans qui est la mère de l’actrice; un musicien québécois qui débarque à Bruxelles. Ces personnages évoluent dans des zones différentes du temps. Des rencontres imprévues se créent alors que passé et présent s’entremêlent, se fusionnent et se séparent. Ces multiples télescopages de l’espace-temps déstabilisent nos repères, questionnent nos certitudes et apparaissent comme autant de façons de percevoir la vie.

Conception, mise en scène, scénographie Eve Bonfanti et Yves Hunstad
Interprétation Eve Bonfanti, Katia Ponomareva, Lola Bonfanti, Yves Hunstad, Etienne Van der Belen, Valère Le Dourner
Musique originale Lola Bonfanti
Régie son Valère Le Dourner
Régie générale, régie lumière et vidéo François Ridard
Direction de production Sylviane Evrard
Production La Fabrique Imaginaire
Coproduction Théâtre de la Balsamine de Bruxelles, Groupe des 20 Théâtres en Ile de France
Partenaires de création Espace Jules Verne de Brétigny-sur-Orge, Théâtre Paul Éluard de Choisy-le-Roi, Hexagone de Meylan, Centre culturel de Dinant, les Théâtrales Charles Dullin, Théâtre Jean Vilar de Suresnes, Théâtre du Pays de Morlaix.
Avec l’aide du Ministère de la Communauté française de Belgique, service du théâtre, et du Service de la Promotion des Lettres.


Vu d'ici
4 juin [21 h] 5 juin [19 h], 6 juin [20 h], 7 juin [15 h]
Durée : 1h30
En français
Rencontre avec les artistes le jeudi 4 juin, après la représentation
Théâtre Périscope

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Avec Vu d’ici, le public du Carrefour pourra à nouveau applaudir l’audace théâtrale de Christian Lapointe. Après CHS (2006) et Anky ou la fuite / Opéra du désordre (2008), le directeur artistique du Théâtre Péril porte cette fois sur scène la parole de Mathieu Arsenault. Vu d’ici se présente comme un pamphlet contre la télévision et l’abrutissement social qu’elle génère. C’est une charge contre la médiatisation outrancière qui banalise, désensibilise, asservit, aplanit. C’est aussi une virulente critique de la société québécoise contemporaine, la production télévisuelle en étant le reflet.

Mais bien au-delà de la simple dénonciation, Vu d’ici se veut un appel à la dissidence, pour combattre la futilité et l’immobilisme, pour réveiller une génération endormie. Christian Lapointe met ici en scène le cri de révolte de la jeunesse, une parole forte et surtout pas politiquement correcte. Une parole trop rare au Québec, une note discordante dans une société consensuelle.

D’après le roman Vu d’ici de Mathieu Arsenault
Adaptation Mathieu Arsenault, Christian Lapointe et Jocelyn Pelletier
Mise en scène Christian Lapointe
Assistance à la mise en scène et régie Adèle Saint-Amand
Interprétation Jocelyn Pelletier
Musique et environnement sonore Mathieu Campagna
Scénographie Jean-François Labbé
Lumières Martin Sirois
Production Le théâtre Péril


Éonnagata
7 juin à 19h30
Durée : 1h30
En français et en anglais
Grand Théâtre de Québec, salle Louis-Fréchette

...la suite + critique (Odré Simard)

Une création impure et puissante, qui sacre la rencontre de trois artistes majeurs et magiques : Sylvie Guillem, étoile rebelle du ballet classique convertie à la danse contemporaine, Robert Lepage, infatigable défricheur de scènes, et Russell Maliphant, la star des chorégraphes britanniques, aux élans énergiques et martiaux. Dans ce spectacle qui oscille entre le Japon ancestral et l’Europe de la Révolution française, ce trio de choc, habillé par le designer délinquant Alexander McQueen, redonne vie à Charles de Beaumont, dit le Chevalier d’Éon. Diplomate de carrière, militaire d’occasion et espion travesti, ce personnage anticonformiste a su malicieusement jongler avec les identités masculine et féminine. À travers le prisme de l’onnagata, cette technique du théâtre kabuki qui permet aux acteurs masculins d’incarner des femmes de manière hautement stylisée, Éonnagata ne cherche pas tant à percer l’énigme d’Éon qu’à nous entraîner au cœur des mystères et des enchantements de nos âmes duelles. Entre l’Orient et l’Occident, l’éventail et l’épée, ces trois créateurs mixent le yin et le yang au rythme des tambours japonais, et transgressent les frontières avec allégresse.

Sadler’s Wells Londres
 
présente en association avec Ex Machina et Sylvie Guillem
ÉONNAGATA

conçu et interprété par : Sylvie Guillem, Robert Lepage, Russell Maliphant
Présenté avec le soutien de Rolex

Lumières : Michael Hulls
Costumes : Alexander McQueen
Conception sonore : Jean-Sébastien Côté

Compte rendu

par Odré Simard

Éonnagata nous présente un hybride de genre sur deux niveaux. D’un côté, celui de l’homme et de la femme, et d’un autre, celui de l’époque de la France du 18e siècle et du Japon antique. À travers le personnage mythique et fascinant qu’est le chevalier d’Éon, trois créateurs, dont la renommée n’est plus à faire, ont expérimentés la dualité de l’être humain pour le plaisir de nos sens. Femme ou homme? Et pourquoi pas les deux à la fois!

Robert Lepage, Sylvie Guillem et Russel Maliphant se sont attaqués au parallèle qui peut lier un homme tel que le chevalier d’Éon, diplomate-espion qui se déguisait en femme pour arriver à ses fins, et l’Onnagata, connu dans le théâtre japonais kabuki afin de permettre aux hommes de se travestir de façon très codifiée pour endosser des rôles féminins.

L’effervescence de ces créateurs réunis nous fournit un spectacle haut en couleur. Il est d’ailleurs aisé de constater avec quelle maîtrise chacun excelle dans son art… et inversement de les voir un peu moins à l’aise dans la spécialité des autres. Robert Lepage se défend très bien avec les mouvements corporels, sa présence est bien agréable dans les chorégraphies, mais outre le plaisir de voir Lepage sur scène, pourquoi avoir décidé de se confronter à deux étoiles de la danse alors que peut-être, trois danseurs professionnels auraient pu aller encore plus loin? Lepage est un créateur exceptionnel et il a une bonne présence scénique, mais le choix de sa présence dans le spectacle reste, pour ma part, en suspens.

Malgré cela, Éonnagata est d’une beauté à couper le souffle. Il n’y a pour ainsi dire aucun décor, simplement quelques éléments tels des tables et des chaises avec lesquels les acteurs-danseurs jouent allégrement. Dans ce spectacle, ce sont les éclairages époustouflants de Michael Hulls qui font office de décor. La lumière découpe l’espace avec une précision et un esthétisme impressionnant. La poésie et la suggestion nous accompagnent tout au long des tableaux de la vie du chevalier d’Éon, avec en fond la fascination avouée de Lepage pour l’Asie, emmenant quelques éléments tels que kimonos, taikos et art martiaux.

L’équilibre entre la danse et le théâtre est ici assez précaire, puisque l’histoire est hachurée en tableaux de danse biens distincts, séparés parfois par de petits monologues. Par contre, Sylvie Guillem est tout simplement exquise dans sa délicatesse et sa légèreté tout au long du spectacle et Russel Maliphant est empreint d’une force et d’une sensibilité étonnante qui nous font oublier le reste.

Il est difficile d’affirmer que Lepage saura convaincre tous ses adeptes les plus exigeants avec ce spectacle, mais nous ne pouvons nier qu’il sait oser et créer ainsi des spectacles hors du commun. Si Éonnagata n’amène pas nécessairement une profonde réflexion sur la quête d’identité comme il aurait pu le faire, cela demeure un bijou pour les yeux, si on se laisse porter par les corps et la lumière qui se fondent, ici, l’un en l’autre pour notre plus grand plaisir!


Douleur exquise
9, 10 juin à 20h, 11, 12 juin à 19h
Durée : 1h30
En français
Rencontre avec les artistes le mardi 9 juin, après la représentation
Théâtre Périscope

...la suite + critique (Odré Simard)

Une femme dresse 35 fois le récit d’une rupture. Redit la douleur de la séparation jusqu’à ce que les mots soient inutiles et les récits de plus en plus brefs. Elle ressasse les mêmes informations : la date du départ, la date des retrouvailles qui n’ont pas eu lieu, la chambre d’hôtel, le téléphone rouge, le prétexte utilisé par l’amant pour échapper au rendez-vous, lui qui est devenu un abonné absent. Elle signe un journal quotidien témoignant d’une guérison progressive et nous convie au périple intérieur qui mène de la déception amoureuse à la catharsis artistique. Avec Douleur exquise de l’artiste visuelle, cinéaste et écrivaine Sophie Calle, une œuvre de rédemption, caustique et indécente, Brigitte Haentjens poursuit sa réflexion scénique sur les blessures infligées au corps et retrouve Anne-Marie Cadieux, sa complice toujours incandescente. Ensemble, elles proposent une nouvelle création unique, vibrante, et s’aventurent plus profondément dans la pénombre des âmes, là où tout est sibyllin.

D'après un texte de Sophie Calle
 
Mise en scène : Brigitte Haentjens
 
Avec :Anne-Marie-Cadieux
Et : Paule Baillargeon, Pierre Antoine Lasnier, Gaétan Nadeau, Paul Savoie
 
Assistance à la mise en scène et régie : Colette Drouin
Scénographie : Anick La Bissonnière
Images : Angelo Barsetti, Simon Laroche
Musique : Alexander MacSween
Lumières : Etienne Boucher
Costumes : Yso
Maquillage et coiffure : Angelo Barsetti
Production : Sibyllines | Théâtre de Quat’Sous

Compte rendu

par Odré Simard

Anne-Marie Cadieux se lance sur scène avec une générosité désarmante. Elle incarne pour nous une femme qui revit une rupture amoureuse 35 fois de suite dans un mécanisme hypnotique. La douleur est exposée, pétrie, remâchée, expulsée, absorbée. Elle touche tout ceux qui, un jour, ont souffert. Brigitte Haentjens nous offre une catharsis sur un plateau d’argent. Comment ne pas se projeter à travers cette femme qui nous prend à témoin d’une séparation banale, qui s’avère être la plus grande souffrance de sa vie. Le type de souffrance qui nous confronte à la réalité et nous donne un malaise face à l’existence. Anne-Marie Cadieux est devant nous, en toute simplicité, sans décor et seule, pour la majorité de la pièce. Elle s’ouvre à nous avec une sincérité profonde.

Il nous est offert une performance incroyable, colorée d’une palette d’émotions diversifiées. Désespoir. Neutralité. Rage. Folie. Pathétique. Tragique. Ridicule. Défoulement. On se reconnaît; on rit de son extravagance, on pleure de sa souffrance… et vice-versa. Sans pudeur elle exhibera ses crises, son désir de dire. La parole apparaît ici comme un exutoire, un exorcisme qui pourra l’emmener vers l’oubli, vers la paix intérieure.

On aurait pu croire que la répétition de l’histoire aurait pu être vite lassante, mais bien au contraire! Elle réussit à nous toucher et à nous étonner à maintes reprises. Justement, la pièce aurait gagné en force s’il n’avait été question seulement que du personnage principal. À quatre reprises, des individus anonymes viennent exposer leur souffrance personnelle, mais la trame principale était déjà efficace. La peine d’amour, comme la mort ou le vide intérieur, nous propulse face à nous-même, à notre éternelle solitude que l’on tente d’oublier. Le jeu des autres acteurs était juste et leurs histoires n’étaient pas sans intérêt, mais sans doute il aurait été préférable de demeurer entièrement avec notre triste héroïne tout au long de la pièce.

Ce fut donc une douleur exquise que de partager celle du personnage d’Anne-Marie Cadieux, de Brigitte Haentjens et de tous les gens présents dans la salle. Un moment pour se rappeler que nous sommes tous humains, que, malgré notre solitude, nous passons par les mêmes épreuves et que nous ne sommes pas seuls à vivre la douleur. Bravo.


Les Marchands
10 juin [20 h] 11 juin [21 h] 12 juin [21 h] 13 juin [20 h]
Durée : 2h
En français
Rencontre avec les artistes le mercredi 10 juin, après la représentation
Théâtre de la Bordée

...la suite + critique (Isabelle Girouard)

Une voix, celle d’une femme ouvrière dans une grande industrie, raconte l’amitié pour sa voisine sans travail, la misère et les rêves de celle-ci. Elle raconte aussi l’usine menacée de disparition, la menace du chômage, son mal de dos paralysant.

Sur scène, des ombres, des lumières, des bruits, des musiques, des corps en travail, ceux des acteurs, qui complètent la parole, la remettent en question, la démentent.

Avec une redoutable efficacité, dans la rencontre de ces dimensions de la représentation - la parole, les images, les sons - Joël Pommerat crée une œuvre de scène complète et unique. Sur un mode poétique, il écrit une partition alliant tous les ressorts de l’art théâtral et qui trouve son sens bien au-delà des mots et du simple traitement d’un sujet. Il produit une œuvre ouverte où l’imagination du spectateur participe activement à la construction du sens.

Texte et mise en scène : Joël Pommerat
Interprétation : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Eric Forterre, Murielle Martinelli, Ruth Olaizola, Jean-Claude Perrin, Marie Piemontese
Scénographie et lumière : Éric Soyer
Suivi de la réalisation scénographique et accessoires : Thomas Ramon
Costumes : Isabelle Deffin
Implantation sonore et réalisation de l’écriture sonore : François Leymarie
Recherche sonore et régie son : Grégoire Leymarie
Direction technique : Emmanuel Abate
Régie plateau : Pierre-Yves Leborgne, Mathieu Mironnet
Assistanat à la lumière et à la régie lumière : Jean-Gabriel Valot
Machiniste-électro : Céline Foucault
Production : Compagnie Louis Brouillard
Coproduction : Espace Malraux - Scène nationale de Chambéry, Théâtre National de Strasbourg, Centre Dramatique national de Normandie - Comédie de Caen, Centre Dramatique national d’Orléans-Loiret-Centre, Théâtre Paris-Villette, Théâtre Brétigny - Scène conventionnée du Val d'Orge, Arcadi - Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Île-de-France

Compte rendu

par Isabelle Girouard

Le mystérieux univers des Marchands nous saisit à un moment ou l’autre, prenant malin plaisir à jouer avec ce goût pour l’étrange que l’on sait reconnaître en chaqun de nous. Une femme nous raconte l’histoire de son amie, personnage qui saura révéler le terrible côté d’une société aliénée par le travail. Joël Pommerat, auteur et metteur en scène, est à l’origine de cette création originale unifiant la forme et le propos dans un même temps dramatique. Ce langage théâtral plutôt irréel est empreint d’une grande poésie qui toutefois ne se dévoile pas si facilement. Malgré tout, il est quasi impossible de perdre une seconde de ce récit hétéroclite et parfois ésotérique. Le propos n’est pas si captivant que l’ensemble de l’oeuvre qui nous est présentée sous forme de tableaux plus ou moins courts, liés par une narration nous gardant constamment en tension. L’espace scénique est brillament exploité, laissant au spectateur une empreinte visuelle puissante. Il faut aussi noter la présence des comédiens, intense et troublante.

En somme, la mise en scène des Marchands possède une haute valeur esthétique que saura reconnaître un public averti.




Les chantiers

Véritable incursion dans la jeune création théâtrale, cette deuxième mouture des Chantiers propose onze projets théâtraux emballants. Des artistes de Québec, de Montréal, de Moncton et même de France vous invitent à découvrir leurs approches audacieuses et inventives : lectures de textes en cours d’écriture, laboratoires d’expérimentation, spectacles en création. Une fenêtre grande ouverte sur le théâtre et les artistes en émergence!

Tous les spectacles sont présentés à Premier Acte, à l’exception de Changing Room qui a lieu au Cabaret Club Le Drague.

Changing Room / Docu-théâtre interactif / 1er et 2 juin
Les Détails / Laboratoire / 5 juin
Jeux de portes / Lecture / 6 juin
Le Pipoca Miracle Show / Laboratoire / 6 juin
Les murs ont des orteils
/ Laboratoire / 6 juin
Macbeth / Théâtre industriel / 6 et 7 juin
Charme / Lecture / 11 juin
Six heures trente / Lecture / 12 juin
Simon a toujours aimé danser / Spectacle / 10, 11, 12 juin
Speed Dating / Lecture / 13 juin
L'Affiche / Laboratoire / 13 juin

Contribution volontaire 

Pour plus de détails, visitez le site du Carrefour


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