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Du 9 au 26 mars 2016
Another Home Invasion
Théâtre - Première québécoise
Texte Joan Macleod
Mise en scène par Mike Payette
Avec Deena Aziz

Selon l’expression anglaise « a man’s home is his castle », le foyer est un espace privé, inviolable, qui doit rester sécuritaire : notre maison est notre château. Ce droit est une ambition sociale fondamentale. Écrit par une des auteures de théâtre contemporaines les plus reconnues, Joan Macleod, Another Home Invasion est un solo théâtral qui suit Jean, une octogénaire, dont le mari souffre d’Alzheimer. Tandis que sa voix porte le récit, la présence potentielle d’un intrus, d’un cambrioleur vient troubler le spectateur. Qui vole ce couple âgé et vulnérable de leurs possessions, de leur bien-être, de leur relation, de leur famille? Le public est happé par cette ambiguïté permanente sur la réalité de la menace planant sur le foyer.

Produite par la compagnie Tableau D’Hôte Theatre, mise en scène par Mike Payette, Another Home Invasion est un œuvre troublante et surprenante. Tout au long du texte, on retrouve le style limpide, humoristique et franc de Joan Macleod, son attachement à une empathie qui engage le spectateur. Another Home Invasion développe un récit universel qui célèbre nos étrangetés et nos vulnérabilités, qui réaffirme les valeurs de générosité et d’hospitalité. Solo brillamment porté, c’est une touchante affirmation du droit au bonheur, au bien-être, à la sécurité, jusqu’aux âges les plus avancés de nos vies.

La dramaturge vancouvéroise Joan Macleod a reçu de nombreuses distinctions dont deux prix Chalmers, le Prix Siminovitch, le prix du Gouverneur général, ainsi que les prix Betty Mitchell, Dora Mavor Moore et Jessie Richardson. Jusqu’à maintenant, ses pièces ont été traduites en huit langues. En 2011, la production Another Home Invasion a fait l’objet d’une tournée nationale avec le Tarragon Theatre.

Cofondateur de Tableau D’Hôte Theatre, Mike Payette signe avec Another Home Invasion sa cinquième mise en scène. En 2015, il met en scène Hosanna de Michel Tremblay, – œuvre traduite en anglais par Bill Glassco et John Van Burek – et présentée au Mainline Theatre. Depuis 2005, Tableau D’Hôte Theatre a intégré à son répertoire une vingtaine de pièces écrites par des auteurs canadiens établis ou émergents.


Scénographie : Lara Kaluza
Éclairage : Audrey-Anne Bouchard
Costumes : Noémi Poulin
Compositeur : Rob Denton
Graphiste assistante : Sabrina Miller
Direction technique : Steve Schon
Régie : Kristen “Birdie” Gregor
Photo Gracieuseté Tableau D’Hôte Theatre

Tarif
25 $ – Régulier
20 $ – Réduit (Professionnel des arts – aînés – étudiants – Carte Accès Montréal – Membre du DAM, ELAN)
17 $ – Groupe (10 +)

Rencontre avec les artistes à la suite des représentations des vendredis et samedis

Une production Tableau D’Hôte Theatre (Montréal) - Page Facebook


MAI (Montréal, arts interculturels)
3680, rue Jeanne-Mance, bureau 103
Billetterie 514-982-3386
 
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Critique

Reconnue principalement au Québec pour une production remarquée de Cette fille-là, la dramaturge canadienne Joan MacLeod a également écrit d’autres textes, dont Another Home Invasion, un éloquent solo grandement ancré dans l’actualité.  

Par son aspect intimiste, Another Home Invasion s’inscritdans la même veine que Cette fille-là qui avait foulé avec un grand succès les planches, entre autres, de La Licorne. Traduite en français par Olivier Choinière, avec une Sophie Cadieux chaleureusement appréciée, Cette fille-là avait marqué les esprits de nombreuses spectatrices et spectateurs. Écrite en 2009, l’histoire d’Another traite également de réalités préoccupantes autour de la vieillesse et de la mémoire. Ces enjeux, traités ici par une plume consciencieuse et délicate, sont plus présents que nous ne le croyons.


Crédit photo : Théâtre Tableau D'Hôte

Produite par la compagnie Tableau d’Hôte Theatre sur la scène du Montréal, arts interculturels (MAI), la pièce se penche sur le présent de Jean, une octogénaire qui doit vivre avec un mari victime de la maladie d’Alzheimer. Pendant un peu plus d’une heure, son témoigne nous informe, presque toujours sur le ton de la confidence, de son malaise grandissant. Ces préoccupations sont surtout accentuées par la crainte plausible d’un cambrioleur dans leur maison. La menace d’intrusion dans une existence, aux apparences rangées et sans véritable tragédie antérieure vient brouiller les pistes entre le monde réel et les conséquences de la peur de l’inconnu.      

L’aire de jeu se limite presque essentiellement à un minuscule plancher ovale en bois, légèrement surélevé. Sur cette surface s’exécute une habile actrice à la silhouette élancée : Deena Aziz, coiffée d’un foulard sur la tête, ainsi que vêtue d’habits de tous les jours et d’une paire d’espadrilles blanches. Autour d’elle se trouvent un fauteuil rose, un trousseau, une table avec un canard en bois artisanal et une tasse avec différents stylos. Tout autour, sur le plateau, nous voyons de longues tiges de métal obliques, similaires à des cordes d’instruments, retenues au sol dans des pots de fleurs rectangulaires. La scénographie de Lara Kaluza traduit ainsi, avec une signature métaphorique, le sentiment de solitude, de crainte et d’isolement que subit cette femme courageuse et ordinaire. De plus, la conception sonore de Rob Denton apporte des couches d’angoisse avec ces bruits un peu étranges entendus souvent, en arrière-fond, tels des échos à la psyché et aux pensées intérieures du personnage féminin.      

Dans ce théâtre où la parole occupe une place prédominante, la prestation de l’actrice justifie la pertinence d’un tel spectacle. Comme Sophie Cadieux ou Stéphanie Kym Tougas qui ont insufflé toutes deux des pulsions frémissantes dans des versions différentes de Cette fille-là, Deena Aziz rend aussi très bien dans Another Home Invasion les nuances de la partition de MacLeod. Elle joue avec les intonations de sa voix, souvent douce et feutrée, mais qui devient à l’occasion d’une colère grondante, au fur et à mesure que l’intrigue laisse poindre cette impuissance à confronter l’intolérable. En conteuse habile, Aziz s’imprègne de la vulnérabilité palpable chez cette héroïne du quotidien. Puisque toute l’action du récit et l’évocation des différents personnages (dont la fille du couple) défilent sous nos yeux par ses seuls mots, elle prend des pauses nécessaires pour nous permettre de suivre le fil de la progression dramatique. 

La mise en scène de Mike Payette se distingue par un certain statisme qui focalise principalement sur le jeu de la comédienne. Ce choix artistique se justifie, en plus de poser un défi supplémentaire à l’interprète qui ne sort pas (sauf pour la finale) de son petit espace. Souvent bien assise dans son fauteuil (elle se lève à l’occasion), Aziz n’en confère pas moins une tension constante pour garder notre intérêt.

En harmonie avec le travail scénique, le texte de l’auteure canadienne propose une réflexion sobre sur le sort réservé aux aînés, en perte ou non de leur autonomie, à notre époque actuelle. Les conséquences de l’individualisme se répercutent dans les situations du couple, laissé de plus en plus à lui-même. Le propos concilie, ainsi, un miroir de la réalité à l’art de la parole.

Au MAI, le public écoute le monologue d’Another Home Invasion avec une attention soutenue. Le résultat nous laisse espérer que, d’ici quelques années, une adaptation française nous permettra de découvrir une nouvelle fois, dans la métropole, l’œuvre de Joan MacLeod.

15-03-2016