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Du 6 au 22 novembre 2015
Guérillas, humour et compassion
Texte et mise en scène de Anna Fuerstenberg
Avec Mariève Bibeau, Élisabeth Chouvalidzé, Odette Guimond

GUÉRILLAS, HUMOUR ET COMPASSION nous fait voyager de l'Europe à l'Asie centrale en passant par les Amériques du Nord et du Sud. Sa trame narrative s'inscrit dans le nouveau cycle de créations de la compagnie portant sur la thématique de l'enfance. Ce texte inédit présente en effet une enfant allophone parvenue à maturité qui nous fait connaître l'évolution de sa vision du monde ainsi que les traces laissées par son passé. Ses chroniques trouvent indéniablement écho dans le monde d'aujourd'hui. Elles soulèvent, sur un ton souvent teinté d'autodérision et de comédie, des thématiques unies par leur universalité : le génocide, le multiculturalisme, la relation mère-fille et le sort des aînés.

GUÉRILLAS, HUMOUR ET COMPASSION permet de suivre les destinées parallèles d'une mère et de sa fille. La présence de la mère, sa survie et ses aventures pour fuir les horreurs de la Seconde Guerre mondiale rattachent l'Histoire au récit autobiographique d'Anna, sa fille, née dans un camp de réfugiés et immigrée à Montréal à l'âge de 5 ans. Ayant assumé le rôle de proche aidante, l'auteure raconte les extraordinaires batailles qu'elle a dû mener afin de garder sa mère invalide en vie et assumer sa propre identité. La relation intime d'Anna avec sa mère, qui a deux générations et plusieurs cultures d'avance sur elle, est surprenante. Si cette pièce évoque l'Holocauste, elle porte d'abord sur cette relation, l'une des plus inhabituelles et difficiles que l'on puisse vivre. Elle raconte avec humour et compassion, le prodige de l'amour capable de franchir les « barbelés » du langage, des cultures, de l'âge et de la maladie. La musique, les chansons en yiddish, issues du passé de la mère, sont particulièrement poignantes.


Musique Chester J. Howard
Scénographie et costumes Leilah Dufour Forget assistée de Jasmine Wannaz
Éclairage et direction technique Chloé Bouchard-Fortier
Régie, assistance et direction de production Suzie Bibeau

Prix des billets
Régulier : 28$
Étudiant avec carte valide : 23$
Aîné (60 ans et plus) : 23$
Étudiant en théâtre : 15$
Groupe (10 +) : 19$

Une production Réverbère Théâtre


Studio Jean-Valcourt du Conservatoire
4750 avenue Henri-Julien
Billetterie - site du Conservatoire - Admission
 
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Critique

« Maman est partie à l’Est aussi loin qu’elle le pouvait pour fuir les nazis, et Anna est partie à l’Ouest aussi loin qu’elle le pouvait pour fuir Maman. »

Cette pièce, c’est le récit autobiographique de la relation entre l’auteure Anna Fuerstenberg et sa mère à travers les années. Si la Seconde Guerre mondiale, vue et revue, n’est pas un thème toujours très avenant au théâtre, l’Histoire est ici abordée avec originalité sous le prisme personnel d’une histoire de famille. Le public est d’ailleurs accueilli dans la salle par la projection de photos de famille des Fuerstenberg.


Crédit photo : Bernard Dubois

On suit la vie incroyable de Regina, mère juive (superbe Elisabeth Chouvalidzé), qui a fui la Pologne avec son fils encore bébé pour tenter de survivre en Sibérie, au Kirghizstan, en Israël et en Allemagne, avant d’immigrer à Montréal. Elle a perdu plus de 80 membres de sa famille dans la guerre, et elle, survivante à la personnalité imposante, c’est la dépression qui tente de l’achever.

Sa fille Anna est interprétée par Mariève Bibeau pendant l’enfance et l’adolescence, puis pour l’âge adulte par Odette Guimond - qui a par ailleurs assuré une partie de la traduction en français du texte. Anna cherche, trouve et fuit sa mère, la craignant pendant l’enfance, quittant la maison dès qu’elle peut, puis voyageant toujours plus loin à l’ouest et à travers le théâtre - bien loin de l’idéal professionnel de sa mère, la médecine.

Anna soignera sa mère malade à la fin de sa vie, l’accueillant chez elle puis la visitant quotidiennement à la résidence pour personnes âgées. Les guérillas ne sont pas finies pour autant : elle aura à subir ses piques et sa froideur… mais aussi sa demande de pardon. C’est un sujet profond qu’aborde ici la dramaturge, et elle le fait étonnamment avec beaucoup d’humour et de recul. On rit souvent de cette mère, si méchante qu’elle en devient attachante.

Voyages dans l’espace-temps

C’est une histoire de famille, mais surtout une histoire de femmes. Le père et le frère n’ont pas de poids, tellement secondaires qu’ils sont interprétés tous deux par une comédienne, et par la même de surcroît (Mariève Bibeau, la petite fille, qui jongle avec les accessoires et joue ses rôles exagérément comme une enfant). La famille, la guerre, la transmission, l’amour, la haine et le pardon sont ici des affaires de femmes.

Loin d’être un lourd récit chronologique, la pièce suit les parcours des deux personnages en parallèle, traversant avec fluidité espace et temps. On se retrouve tantôt à marcher dans la neige dans la Russie de 1940, tantôt à l’hôpital de Montréal en 2004. On voyage… comme le présagent les malles qui parsèment la scène - même la table de nuit est constituée à partir d’une petite valise. Une symbolique du voyage qui nous ramène d’ailleurs au juif errant, à l’Exode.

On voyage aussi au fil des phrases en allemand et des chants en yiddish, dans cette pièce multilingue à l’image de son auteure. Les textes sont entrecoupés de passages musicaux klezmer et juifs joués à la clarinette par le très bon Chester Howard. « Guérillas » était à l’origine un one-woman show, qu’Anna Fuerstenberg a joué à Nashville ; on se réjouit qu’elle ait croisé la route d’Odette Guimond, directrice artistique de la compagnie Réverbère Théâtre, pour adapter en français et à plusieurs voix ce texte vibrant d’humour et de compassion.

11-11-2015