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Du 23 avril au 10 mai 2015
JudyJudy Garland a dormi dans cette ville
Texte Mark Dunn
Traduction Marc Israël-Le Pelletier
Mise en scène Cécile Assayag
Avec Alexandre Boisvert-Dussault, Marc-André Casavant, Miguel Doucet, Janne Paquin, Valérie Ransinangue, Emanuel Robichaud, Carl Vincent

Il a suffi de quelques baisers pour que la petite ville de Blythe Corners voit sa population masculine, pourtant viscéralement homophobe, devenir ce qu'elle n'aurait jamais imaginé être un jour, une communauté gay, bouleversant ainsi repères identitaires, codes sociaux et structures familiales. L’arrivée d’une mystérieuse réincarnation de Judy Garland, l’actrice du magicien d’Oz, semble d’ailleurs être la cause de cet étrange phénomène. Dans ce conte fantastique, vengeance, détresse et désirs bruts, ainsi qu'une immense tendresse nous entrainent sur la voie de la tolérance et de la rédemption.

Avec Judy Garland a dormi dans cette ville, la compagnie Un mot au creux de la main produira sa troisième production à Montréal. C’est une grande première puisque le texte n’a jamais été créé en français en Amérique du Nord. De plus, la création est présentée quelque peu avant la journée internationale contre l’homophobie, thème au coeur même de la production. Cécile Assayag, la metteure en scène, vous invite à venir assister aux étonnantes et touchantes métamorphoses de ces hommes du sud des États-Unis.


Assistance à la mise en scène et conseillère au mouvement Catherine Moreau
Conception lumière et régie Chloé Bouchard-Fortier
Conception costumes Éloïse Caron et Leïlah Dufour Forget
Conception sonore Claudie Gagnon
Scénographie Modèle du Genre
Assistance aux décors Camille Garneau

mardi, jeudi, vendredi, samedi à 20 h \ mercredi 19 h \ dimanche 15 h
Relâche les lundis et le dimanche 3 mai

Production Un mot au creux de la main


Espace 4001
4001, rue Berri
Billetterie : 514-285-4545 poste 1 ou www.lavitrine.com



Dates antérieures

Juin 2011, Fringe

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : ©Modèle du Genre

Avec Judy Garland a dormi dans cette ville, la compagnie Un mot au creux de l’oreille livre une production imparfaite, mais charmante.

Les chanteuses réconfortantes ont présentement la cote sur les planches. En plus des ritournelles d’Isabelle Boulay qui occupe ces jours-ci l’esprit des protagonistes féminins de J’accuse, Judy Garland se retrouve personnifiée par la talentueuse Linda Sorgini chez Duceppe. Ici, on ne voit et on n’entend jamais l’idole d’Une Étoile est née sur la scène de L’Espace 4001, mais son fantôme s’incruste dans les cerveaux des habitants de la petite ville de Blythe Conors aux États-Unis. Nous nous retrouvons dans un monde de cours où trônent des drapeaux étoilés de la nation d’Obama, des pneus et la consommation de bières commerciales.

Un sentiment presque surnaturel s’immisce lorsqu’une femme énigmatique entraîne des changements dans les comportements et mœurs des citoyens masculins. Les figures féminines font presque de la figuration. Les hommes se caractérisent à priori par leur virilité, leurs allures de cow-boys rustiques similaires aux membres du groupe Village People. Les traits de l’étrangère invisible sont fréquemment comparés à l’interprète de Dorothy du classique Magicien d’Oz. Celle-ci aurait embrassé les différents machos de la pièce qui développent tout à coup des penchants et inclinaisons pour les gens de leur propre sexe.

L’intrigue s’amorce par l’audition d’une voix masculine qui interroge des personnages sur leurs nouveaux fantasmes. L’atmosphère rendue avec une perceptible tension par la metteure en scène Cécile Assayag évoque le feuilleton Desperates Housewives ou encore le très bon film Stepford Wives (version 1975) de Bryan Forbes, où le réel menace sans cesse de glisser dans l’absurde ou des visions fantasmagoriques. Pendant une heure et trente minutes sans entracte, la pièce du dramaturge états-unien Mark Dunn expose une série de vignettes où les nombreux stéréotypes sont exploités pour démontrer une homophobie qui continue de sévir.


Crédit photo : ©Modèle du Genre

Le traducteur Marc Israël-Le Pelletier a composé une excellente préface où il établit des liens significatifs entre la théorie et la pratique avec des références aux créateurs homos Pier Paolo Pasolini, Michel Marc Bouchard et Tony Kutcher (un commentaire sur l’œuvre de l’activiste Larry Kramer aurait été ici d’une grande pertinence). Il souligne les dangers de la ghettoïsation du théâtre à des causes idéologiques ou militantes, d’autant plus que l’auteur hétérosexuel Dunn dit privilégier la création à une approche documentaire de causes sociales, permettant à des dramaturges de toutes orientations sexuelles de traiter d’un sujet universel. Or, l’écriture de Dunn ne creuse pas suffisamment son sujet. Elle confronte rarement les idées reçues ou les clichés récurrents de l’imaginaire populaire. Tordre le cou de ces images figées dans la caricature pour en extirper une vision sarcastique, transgressive ou moqueuse demeure une excellente manière de faire évoluer l’art dramatique et d’avoir un impact significatif sur des enjeux sociopolitiques, comme le monologue de Pol Pelletier sur l’homosexualité féminine dans La Nef des sorcières.

Si l’histoire nage souvent en surface, les comédiens et comédiennes apportent heureusement un dynamisme et une fraîcheur appréciable. Dès la première scène, Emmanuel Robichaud se démarque par sa composition nuancée conférant une certaine humanité à l’ensemble. Miguel Doucet nous offre des moments cocasses, notamment lorsqu’il revêt une robe à paillettes et des souliers à talons hauts. Sa tenue s’accompagne d’une barbe au menton, entraînant une dualité intéressante entre le masculin et le féminin. Marc-André Casavant traduit également très bien cette frémissante opposition entre la «normalité» et l’exubérance de son policier avec sa chemise ouverte sur son torse et son pantalon de cuir. À l’exception d’un Carl Vincent généreux, les autres interprètes n’ont malheureusement pas de rôles assez étoffés pour véritablement s’imposer, malgré une sensibilité palpable. Par ailleurs, la présence de Judy Garland nous manque aussi, car la maman de Liza Minnelli représente une icône forte de l’imaginaire gai. Son parcours artistique se répercute seulement par les allusions au Magicien et à deux hymnes : le saisonnier Have Yourself A Merry Little Christmas du long-métrage Le Chant du Missouri et l’incontournable Over the Rainbow entonné brièvement par l’une des actrices à la tombée du rideau. 

Judy Garland a dormi dans cette ville ne transpose pas toujours ses idéaux en une expérience théâtrale mémorable, mais se regarde avec une certaine émotion.

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