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Du 12 au 18 novembre 2014
HamletHamlet
De William Shakespeare
Mise en scène Martin Tulinius

L’inclassable groupe britannique The Tiger Lillies s’attaque à sa manière à un classique d’entre les classiques, Hamlet, servi ici de manière joyeusement macabre ! Projections vidéo, numéros de cirque et marionnettes géantes transforment en cabaret punk cette histoire de trahison, de meurtre, d’amour et de vengeance. Un cabaret brechtien à l'humour très noir, fusion excentrique entre le burlesque des années 30 et le music-hall. 

The Tiger Lillies est un trio musical londonien formé en 1989 qui se produit dans le monde entier en concert ou dans des spectacles théâtraux. Les membres initiaux sont Martyn Jacques au chant, à l'accordéon, au piano et à la guitare, Adrian Huge à la batterie et aux percussions ainsi que Phil Butcher à la contrebasse. Adrian Stout remplace Phil Butcher à la contrebasse à partir de 1995, tout en amenant avec lui la scie musicale et le thérémine.*

* source Wikipedia


Section vidéo


 

Tarif : 39,50$

A Southbank Centre co-production with Republique Theatre.


Cinquième salle de la Place des Arts
Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112
 
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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Source photo : placedesarts.com

Hamlet, ce grand classique des classiques, semble déjà avoir été questionné, étudié et monté sous toutes les formes possibles. Le collectif musical Tiger Lillies, en collaboration avec le Republique Theatre (Danemark), s’attaque pourtant à cette œuvre phare en se l’appropriant complètement et en la confrontant à l’esthétique brechtienne, sans pour autant dénaturer le propos de l’œuvre. Un procédé habile et ingénieux qui déclenche l’hilarité chez son public, notamment.

Ce qui confirme l’intelligence du spectacle, c’est la prise de position sur les grandes questions du texte de Shakespeare. Il s’agit de questions incontournables pour attaquer une telle œuvre et pour offrir une proposition cohérente et pertinente. Parmi celles-ci se trouve l’état d’esprit d’Hamlet. Le collectif choisit le camp de la folie et en fait le principal moteur de la mise en scène. Le spectacle emprunte des aspects du cabaret, faisant de chaque scène un numéro à part entière, faisant parfois appel à des numéros d’acrobatie ou de marionnette géante, en plus des multiples chansons qui ponctuent le spectacle entier. Le constat est évident : le royaume du Danemark est un grand cirque dans lequel Hamlet vit son propre drame, seul et contre tous. La distanciation opérée dans le spectacle mène à l’hilarité générale ; il se développe même un plaisir pervers à voir Hamlet
sombrer.

Si la distribution se limite à cinq comédiens et que plusieurs des personnages originaux ont complètement été évacués du spectacle, les deux personnages féminins (Gertrude, la mère d’Hamlet, et Ophélie) sont toutefois au centre du spectacle. À coups d’images scéniques diverses et éloquentes, le malaise d’Hamlet face à la femme et la sexualité est mis de l’avant. Pendant que la mère est le symbole du vice et de la déchéance, Ophélie devient vite menacée du même sort, aux yeux d’Hamlet. Lors des magnifiques moments chorégraphiés entre Ophélie et Hamlet, cette peur de la sexualité est omniprésente, même les paroles des chansons se concentrent sur cette obsession (« Nothing is pure », motif musical à la Kurt Weill répété de façon obsessive pendant l’un de ces numéros), en faisant l’un des principaux mouvements du spectacle et en étant conséquent sur une mise en scène très charnelle.

Dans ce cabaret macabre, il ne reste plus grand-chose du texte original shakespearien ; pourtant, il semble ne rien manquer à ce récit que tout le monde connaît, de toute façon. Agissant comme un narrateur intrusif, mais attachant, le chanteur du trio musical apporte un aspect drôlement macabre au spectacle, en plus d’un sentiment d’inquiétante étrangeté omniprésent. Plusieurs moments font preuve d’une inspirante ingéniosité (notamment la projection vidéo du visage du père d’Hamlet sur les corps nus de la distribution, parfaitement réussi), mais les artifices sont si nombreux que les acteurs y sont parfois un peu noyés, sauf peut-être l’interprète d’Hamlet. Les autres personnages, interprétés avec une certaine distanciation, deviennent des artifices parmi tant d’autres, des morceaux du grand cirque inquiétant dans l’esprit du jeune prince du Danemark.

Aussi étrange que cela puisse paraître, mêler le texte shakespearien à Brecht fait de ce spectacle une proposition très moderne de l’œuvre mythique. Jamais n’a-t-on autant ri devant le sort du pauvre Hamlet sans pour autant perdre une parcelle de son désespoir. Un grand spectacle.

18-11-2014