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Du 26 février au 8 mars 2014, 20h
Le dernier rôleLe dernier rôle
De et avec Mohsen El Gharbi

Le dernier rôle est le monologue intérieur d’un comédien qui se prépare à incarner un tueur de masse, Mark Taylor, responsable du meurtre de 17 femmes. Il pourrait ne s’agir que d’un rôle parmi tant d’autres, mais c’est le rôle que personne ne veut jouer. Et pour cause. Comment incarner un tueur ? À quel point peut-on essayer de comprendre et de s’identifier ? La pièce pose avec justesse la question de la représentation théâtrale. Mais le doute vaut pour chacun de nous : jusqu’où peut-on chercher et trouver en soi cette violence terrible ? Un monologue aux limites de la folie.

Auteur, comédien et metteur en scène d’origine belgo-tunisienne, Mohsen El Gharbi s’est servi de son histoire personnelle pour chercher les racines de la violence et pour trouver les façons de s’en affranchir. Après son monologue Juste pour mourir, monologue d’un kamikaze raté !, il poursuit dans Le dernier rôle sa recherche, troublante et essentielle, sur cette violence tapie en chacun de nous, parfois reçue en héritage. Le dernier rôle est son cinquième texte dramatique et sa troisième mise en scène.


Section vidéo


Photo Danny Girouard-Taillon

Reguler: 25,50$
Étudiant : 18,50$
Aîné : 21,50$

Présenté dans le dans le cadre du festival MONTRÉAL EN LUMIÈRE

http://www.ledernierrole.com


M-A-I
3680 Jeanne-Mance
Billetterie : 514-982-3386
 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

Un homme, qui se présente lui-même comme un comédien raté, se voit proposer un rôle qu’il ne peut pas refuser, un rôle en or qui pourrait toutefois se révéler un véritable champ de mines (ou de ruines) pour sa carrière. Ce rôle? Celui d’un tueur fou qui a fait irruption dans une classe, a séparé les garçons des filles et a abattu dix-sept d’entre elles.

L’acteur en scène, et l’auteur du Dernier rôle à travers lui, se questionne sur ce qui a transformé son personnage en tueur, pourquoi a-t-il franchi la ligne qui sépare être humain et bête, et pas lui, alors qu’ils partagent une enfance difficile, un père violent et des échecs. La bête est-elle également tapie en lui et pourrait-il la voir surgir à force de creuser en lui? En trouvant le point où l’esprit du tueur a basculé, basculera-t-il lui aussi?

Évidemment inspirée du drame qui a frappé Polytechnique (et le Québec en entier) le soir du 6 décembre 1989, Le dernier rôle se révèle un spectacle plein d’écueils pour son créateur. Le principal problème de la pièce est le manque de constance dans l’interprétation de Mohsen El Gharbi, qui en signe également le texte et la mise en scène. L’artiste semble avoir manqué du recul nécessaire pour diriger son jeu et échoue malheureusement à nous faire croire à son personnage d’acteur cherchant à entrer dans la peau d’un tueur fou sans y laisser sa propre peau. De fait, le mitraillage de pensées, censé représenter le côté erratique d’un esprit en pleine réflexion, sonne peu naturel dans la bouche du comédien, tandis qu’il se penche, à voix haute, sur ce rôle qu’il devra tenir.

Pourtant, El Gharbi parvient à trouver le ton juste quand les pensées de son personnage s’égarent dans la folie vengeresse du tireur. Dès lors que le comédien s’éloigne du script et du tourbillon incessant de pensées dans lequel est plongé l’acteur en travail de construction, dès lors donc qu’il intériorise davantage les déchirements éthiques de l’acteur et qu’il l’incarne plus physiquement, la pièce gagne en force. C’est le cas lorsque l’acteur se fond complètement dans la peau du tueur et traverse la ville, l’âme froidement furieuse et l’arme prête à tirer sur toutes les femmes en tailleur. Là, Le dernier rôle nous saisit par son intensité et trouve véritablement son souffle. Autrement, pour un sujet si sensible et émotif, le propos de la pièce laisse le spectateur étonnamment confortable, voire indifférent.

Le texte lui-même manque malheureusement de substance, échouant à nous faire croire à la lente plongée de l’acteur dans l’horreur d’une tuerie collective inexplicable et injustifiable. Le monologue lance plusieurs pistes de réflexion pertinentes, mais n’en explore vraiment aucune. Vite évoquées, les questions d’éthique ne suscitent pas de prise de conscience chez les spectateurs. À peine formulées par le personnage principal, elles sont pourtant d’une grande pertinence et abordées sous un angle intéressant : celui du droit à jouer une telle tragédie humaine et à tirer satisfaction de sa performance en tant qu’acteur ou à ressentir du plaisir devant une œuvre réussie (peut-on applaudir la représentation d’un tueur?). Des interrogations que la sortie en salle du film Polytechnique, de Denis Villeneuve, avait soulevées en 2009. A-t-on le droit moral de faire d’une tuerie une œuvre artistique? La pièce joue allègrement sur les frontières entre théâtralité et représentation de la réalité. Hélas, le questionnement de l’acteur, en filigrane du texte, se perd dans la masse de pistes et de pensées.

02-03-2014