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Du 3 au 19 octobre 2013
La ResistenzaLa Resistenza
Recherche et montage des textes : Olivier Kemeid
Mise en scène : Luce Pelletier et Olivier Kemeid
Avec Jean-François Casabonne, Sharon Ibgui, Olivier Morin, Morena Prats, Monique Spaziani et David Strasbourg

Entre le cabaret politique et le mash-up poétique, La Resistenza propose une immersion dans l’héritage culturel italien en suivant le fil des affrontements en l’art et les forces obscures du pouvoir.

Le Théâtre de l’Opsis proposera cet automne une création imprégnée de contestation: La Resistenza. Pour ce nouvel opus du cycle italien, Luce Pelletier, directrice générale et artistique, a confié à Olivier Kemeid la mission d’explorer la littérature italienne engagée. En isolant et juxtaposant des extraits d’une vingtaine d’oeuvres de poésie, de théâtre et de cinéma italien du XXe et XXIe siècle, l’auteur a créé un collage qui sera défendu par six acteurs : Jean-François Casabonne, Sharon Ibgui, Olivier Morin, Morena Prats, Monique Spaziani et David Strasbourg. La pièce sera présentée à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 3 au 19 octobre. Le cycle italien, dont la compagnie avait annoncé la fin au printemps dernier, se voit ainsi accordé une saison supplémentaire.

Théâtre de l'Opsis
Depuis sa fondation en 1984, le Théâtre de l’Opsis se consacre à la relecture de textes classiques et la découverte d’auteurs contemporains étrangers, dans le cadre de cycles de recherche d’une durée de quatre ans. Ces cycles abordent soit un auteur, un thème ou un pays. Le cycle italien a été amorcé en 2010 et a porté à la scène des pièces de Carlo Goldini, Spiro Scimone, Emanuelle delle Piane, Francesco Silvestri et Ascanio Celestini. Il sera clôt en mars et avril 2014 avec une création inspirée de la vie et de l’oeuvre de Goldoni signée Pierre-Yves Lemieux et présentée au Théâtre Denise-Pelletier: Commedia.


Assistance à la mise en scène et régie : Claire L’Heureux
Décor : Romain Fabre
Costumes : Marjolaine Provençal
Direction de production : Maryline Gagnon

Billet : 24,35$

Une production du Théâtre de l'Opsis


Cinquième salle de la Place des Arts
Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112
 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Avec un titre aussi accrocheur, on s’attendait du Théâtre de l’Opsis à une proposition engagée et audacieuse. Malgré une mise en scène relativement sage et des faiblesses dans la progression dramatique, La Resistenza se révèle somme toute très vivifiante.

Qui dit résistance dit ici « s’opposer à toute action contraire au bien commun et à la dignité humaine ». Entre les mains de la brillante metteure en scène Luce Pelletier, qui privilégie toujours dans son travail des textes traitant d’individus dans toutes leurs fragilités malgré parfois leurs monstruosités, les comédiens donnent souvent le meilleur d’eux-mêmes. Depuis l’amorce du cycle italien, c’est la première fois que l’Opsis s’aventure dans les eaux tumultueuses des enjeux sociopolitiques.

Pendant une heure et vingt minutes, les six comédiens pigent dans une multitude de textes en provenance d’Italie, autant des époques classiques que contemporaines dont ressortent du lot, entre autres, les plumes de Primo Levi et Pier Paolo Pasolini. Le polyvalent Olivier Kemeid a sélectionné des fragments qui insufflent une dénonciation ou une perception perspicace sur une société à la fois intrigante et atterrante. Mais ce sont des citations de Silvio Berlusconi qui deviennent en quelque sorte le fil d’Ariane de la production. L’homme d’affaires et sulfureux politicien aux mille et un scandales est un personnage insubmersible de la vie politique italienne depuis plusieurs décennies, qui possède en lui la matière à une foisonnante épopée théâtrale (comme Shakespeare, qui avait le secret pour exposer les corruptions meurtrières et perfides autour du pouvoir politique). Et les déhanchements cocasses de la troupe de l’Opsis viennent rappeler les soirées arrosées (euphémisme) du Cavaliere qui ont fait la manchette.

Si les évocations à des faits d’actualité du continent européen demeurent géographiquement lointaines, plusieurs ramifications les rapprochent de nos événements en sol québécois. Songeons aux déclarations des autorités lors des manifestations étudiantes ou encore toute la banalisation des enjeux reliés à la prostitution. La mention de l’effondrement en Italie d’une résidence d’étudiants qui ne remplissait pas les réglementations sécuritaires ne peut que remettre en mémoire la tragédie du Lac-Mégantic, symbole pour le quotidien The Guardian des dangers du démantèlement de l’état au profit du néolibéralisme sauvage. Dans ses parallèles entre deux sociétés, il ne manquait que des références au voile, à la charte et à la laïcité pour avoir un total effet miroir troublant.

Malgré un certain statisme engendré par cette impression de mise en lecture propice aux collages de textes, Luce Pelletier réussit parfois à créer des tensions corporelles intéressantes chez ses interprètes qui deviennent comme des statues figées dans les mouvances du temps. Sinon, le résultat ressemblerait autrement trop à un récital de poésie où chacun attend son tour pour dire son texte. Si de légères baisses d’énergie se répercutent parfois dans les intonations des acteurs - François Casabonne, Sharon Ibgui, Olivier Morin, Morena Prats, Monique Spaziani et David Strasbourg -, ils contribuent tous à rendre ces paroles allumées, pertinentes et vibrantes.


Crédit photo : Jérémie Battaglia

La scénographie constituée par un amoncèlement de chaises à l’arrière-scène traduit parfaitement l’état d’esprit d’une civilisation en décrépitude. Sur le plateau, le tapis rouge posé au sol sur l’aire de jeu et les éclairages tamisés apportent une dimension feutrée qui contraste agréablement avec les propos plutôt incendiaires entendus tout au long du spectacle.

Par contre, l’une des faiblesses de ce cabaret à fort contenu politique demeure sa grande linéarité. La succession des frasques de Berlusconi, comme moteur de l’indignation, se suivent et se ressemblent sans grande surprise. Le constat affligeant et désespérant de cette « caricature de démocratie », selon les mots de Pierre Vadeboncoeur, reprend un mantra maintes fois entendu sur les scènes québécoises ces dernières années. Heureusement, le dernier tableau judicieusement nommé L’espoir boucle cette pièce avec une volonté claire de rester optimiste face à l'avenir et de rester profondément humain, et non seulement des êtres vivants. D’autant plus que le rouge du drapeau italien, couleur très présente sur la scène de la Cinquième salle, symbolise la charité.

Dans son blogue du 7 octobre 2013,  Philippe Ridet, correspondant en Italie du journal Le Monde, reprend une citation de Berlusconi qui devra probablement effectuer des travaux d'intérêt général afin de purger sa peine d'un an de prison pour fraude fiscale: « Quel mal y-a-t-il, disait-il,à privilégier mes petites affaires quand je suis au pouvoir si, en même temps, mes compatriotes y trouvent aussi leur compte ? » Le journaliste ajoute que cette fois, les Italiens pourraient « y trouver leur compte » avant lui. Ce qui constitue une première. Une pierre verbale que les artistes engageants de La Resistenza auraient sûrement ajoutée avec leurs sourires narquois à leur lexique de citations « berlusconiennes » grotesques déjà bien garni.

07-10-2013