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30 mars 2014, 20h
GalvanLa Edad De Oro
danse
De Israel Galván

Guerrier du pas de danse, chorégraphe prodigieux, Israel Galván est le phénix du flamenco contemporain. Bailaor sévillan, il est acclamé de Paris à New York pour ses enjambées puissantes et complexes « doté[es] d’un équilibre presque surnaturel », selon The Guardian, et sa vision fantaisiste du monde. Métissée par la danse classique du flamenco et une esthétique d’avant-garde, le tout théâtralement ponctué, La Edad de Oro est l’exemple le plus éloquent de son don naturel, de sa maîtrise de la duende. Une œuvre magique et envoûtante qui fait basculer brillamment l’Âge d’or du flamenco au XXIe siècle.


Section vidéo


 

Billets 63,60 $ - 54,00 $ - 47,00 $ - 38,50 $

Une diffusion de TRAQUEN'ART


Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112 - www.placedesarts.com
 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre

« Chaque personne, chaque artiste crée son propre flamenco ».
Israel Galván, entrevue pour le site Flamenco World, 2005


Crédit photo : Felix Vazquez

Après Ottawa, Vancouver et Toronto, le maître réformateur du flamenco Israel Galván était de passage dimanche dernier au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts pour un soir seulement. Au cours des dernières années, le public de la métropole avait eu la chance de découvrir le travail de cet immense danseur et chorégraphe, et ce, deux fois plutôt qu’une. Pour cela, il faut remercier le Festival TransAmériques, qui a programmé, lors de son édition de 2007, l’acclamée Arena, puis, en 2011, le superbe El final de este estado de cosas, redux. Si ces deux spectacles proposaient une mise en scène plus théâtrale, au fil conducteur dramatique relativement net, ainsi que de nombreuses projections vidéo, le présent La Edad de Oro (L’âge d’or) , œuvre créée il a près de dix ans, explore, comme son titre l’indique, le mythe de l’âge d’or du flamenco. Le spectacle peut se comparer à un phénix : en mettant métaphoriquement à mort le flamenco, le danseur fait émerger de la tradition et des standards incendiés un objet artistique simple, intimiste, mais brillant et instinctif, posant ainsi un regard brûlant et audacieux sur l’histoire, tout aussi ancestrale que nouvelle, de cette danse espagnole.

Ainsi émerge le récit du flamenco au travers tout le corps du danseur, extraordinairement appuyé par les frères David et Alfredo Lagos, respectivement au chant et à la guitare. Galván sonde les racines folkloriques du flamenco, s’en imprègne pour les secouer, les détruire, en retirer l’or tout en abolissant l’âge, octroyant à la danse un vocabulaire férocement contemporain. Le résultat est saisissant : tendu, explosif, parfois irrévérencieux et désinvolte, mais toujours authentique. Dans ce contexte, il n’a nul besoin d’artifice : absence complète de décor, éclairage épuré, passant du rouge au bleu, du rose au jaune, du blanc à l’orangé. Tout se trouve alors dans les gestes gracieux, puissants et d’une étonnante vivacité, empruntant aux archétypes du flamenco : apparaissent le torero et le taureau, prêts à charger, l’homme viril, fier, provocant, et, faisant valser les pans de sa chemise comme les volants d’une jupe, la femme séduisante, assurée. Ses postures et mouvements chorégraphiés dans les moindres détails, des orteils jusqu’au bout des doigts, deviennent un véritable langage, traduisant en quelque sorte la musique jouée en direct ainsi que les émotions ressenties.

Durant la quinzaine de tableaux qui nous est proposée, Galván laisse d’ailleurs une place prépondérante à la musique et au chant, n’intervenant parfois qu’à la fin d’une chanson, ou même pas du tout. Si, vers le milieu de la représentation, un ou deux numéros totalement musicaux semblent s’étirer, ils demeurent néanmoins superbes et touchants. La voix de David Lagos, puissante et déchirante, et les mélodies d’Alfredo, un maestro au sommet de son art (quelle tristesse de ne pas pouvoir mettre la main sur la bande sonore du spectacle !), parviennent à évoquer l’Andalousie, malgré le froid québécois. On ferme les yeux et on sent le sable chaud sous nos pieds, ou alors on perçoit une Séville fantasmée s’ériger tout autour de soi. Quelques Espagnols dans la salle s’exclament : olé ! lors d’un bon coup du maître, ou d’une série de gestes subjuguant l’auditoire. Les coups de talons violents sur le sol amplifié, d’une vitesse ahurissante – vitesse qui a fait la renommée de Galván –, les vives claques sur les cuisses et sur la poitrine, les râles et les claquements de langue viennent créer une partition percussive frappante, tout aussi primitive que moderne.

Depuis sa création, La Edad de Oro n’a certes pas fait l’unanimité ; certains puristes se sont même indignés, disant que la danse y est ici trop intellectualisée. Pourtant, la représentation n’est pas dénuée d’émotion ou d’humour, bien au contraire : il suffit de voir David Lagos et le danseur prendre place à l’avant-scène, entamer un dialogue saisissant et se répondre par l’entremise du corps et de la voix, pour terminer rapidement par une surprenante poignée de main. Ou encore le rappel, où le trio s’échange candidement les places, l’un devenant guitariste, l’autre chanteur et le dernier exécutant quelques pas, au plaisir des spectateurs.

31-03-2014