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Du 17 janvier au 3 février 2013
La VeritàLa Verità
Texte et mise en scène : Daniele Finzi Pasca

Écrit et mis en scène par Daniele Finzi Pasca (Rain, Corteo, Donka), La Verità proposera une incursion théâtrale et acrobatique au coeur de la vie et l'oeuvre du célèbre artiste Salvador Dali. Pour l'occasion, une gigantesque oeuvre originale de Dali trônera pour la première fois sur scène depuis sa création à New York, dans les années 1940. Une exclusivité mondiale !


Section vidéo
deux vidéos disponibles

    

Musique : Maria Bonzanigo
Conception de la scénographie et des accessoires : Hugo Gargiulo
Producteur délégué : Antonio Vergamini
Conception des costumes : Giovanna Buzzi
Conception des éclairages et chorégraphies : Daniele Finzi Pasca
Conception du son et chorégraphies : Maria Bonzanigo
Conception du vidéo : Roberto Vitalini pour bashiba.com
Co-conception des éclairages : Alexis Bowles
Conception des maquillages : Chiqui Barbé
Recherchiste : Facundo Ponce de Leon
Assistante à la mise en scène : Geneviève Dupéré
Consultant artistique : Fabrizio Arigoni

Prix régulier : 38$

Création de la Compagnie Finzi Pasca - Page Facebook de la compagnie


Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
175, rue Ste-Catherine Ouest
Billetterie : 514 842-2112 ou sans frais au 1 866 842-2112
 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Viviana Cangialosi

Dans la parfaite lignée de Donka, œuvre inspirée de Tchekhov et présentée à l’Usine C en 2010, la toute nouvelle création du brillant metteur en scène Daniele Finzi Pasca et de son acolyte Julie Hamelin prend enfin l’affiche à Montréal. Une première mondiale fort attendue, après un an et demi de travail et de répétitions. Grâce au prêt inestimable d’une toile gigantesque du maître Salvador Dalí, peinte dans les années 40 à New York et tombée jusqu’à ce jour dans l’oubli, les deux créateurs se lancent à la découverte de la vérité, en juxtaposant l’onirisme de l’acrobatie circassienne aux symbolismes purement daliniens. C’est la rencontre du clair et de l’obscur, du fantôme de Tristan et de sa terre Iseult (les personnages du tableau), c’est l’impossible devenu irrépressiblement réel.

Pour La Verità, Finzi Pasca et Hamelin avaient envie d’élévation, d’envolées. Donner à cette discipline ardue une élégance aérienne, éthérée. Atteindre le monde des rêves, de l’inconscient. Les deux comparses puisent ainsi allègrement, mais avec sobriété et subtilité, dans l’univers unique de Dalí, en intégrant au spectacle plusieurs accessoires et concepts que l’on retrouve sans cesse dans l’art du Catalan : les béquilles, comme soutien, équilibre, ou pour démontrer sa folie des grandeurs ; la charrette, surmontée d’une tête de taureau aux cornes phalliques ; une immense tête de cheval, surplombant les corps d’athlètes ; le piano, que l’on suppose possédé de têtes de Lénine, paré d’un manteau de ciel ou de rouge pourpre comme le sang. Il y a tout ce brillant, cet argent, dans les costumes napoléoniens, qui évoquent la démesure aussi bien que la notion de Roi Soleil (auquel Dalí aimait se comparer). On peut même voir les œufs, image du nouvel homme qui n’est pas encore éclot, au travers des lampes à l'avant-scène ou des balles blanches des jongleurs, ou percevoir le Christ à l’envers, dans une figure acrobatique en suspension. Il y a ce trapèze carré, celui en forme d’œil, ou encore trois autres en forme d’échelles tordues ou de branches d’ADN ; il y a ces têtes de rhinocéros qui hantent plusieurs numéros, et ce nouvel appareil (voir première photo), semblable à la fusion dans le temps et l’espace de plusieurs roues Cyr, qui, malgré un parcours plutôt limité, propose néanmoins, de par sa forme et son envergure, plusieurs possibilités acrobatiques. Le cirque devient un poème visuel surréaliste, aux tableaux d’ouverture et de fermeture inspirés des années folles et sexy, avec froufrous, plumes et French Cancan. Et l’art clownesque cher à Finzi Pasca n’est jamais bien loin, se permettant quelques impertinentes et amusantes intrusions ou apparitions, ici et là.

La Verità est un appel au dépassement ; chaque membre de la troupe est au sommet de son art en performant superbement aux cerceaux, à la jonglerie, au yoyo chinois et aux nombreuses acrobaties sur scène, sur poteau et en l’air. Les duos homme-femme sont nombreux, voire la base de presque chaque tableau, reprenant sensuellement le thème de l'imposante peinture, ou même du couple Dalí-Gala. Et si la partenaire s’avère moins importante pour l’exécution du numéro, elle est alors représentée par une marionnette, donnant un nouvel aspect au tableau. Parmi les plus réussis, mentionnons ce magnifique numéro de portées en toupie, sur une pastille d’à peine 2 mètres de diamètre, où les artistes sont chaussés de patins à roulettes, ou celui du stupéfiant Paraguayen Felix Salas, qui subjugue l’auditoire grâce à ses contorsions ahurissantes. Des positions corporelles qui défient toutes les lois du (et de la) physique.

Si les yeux sont charmés, les oreilles ne sont pas en reste. Airs cinématographiques, d’opéra, reels au violon ou chansonnettes, la musique de La Verità se veut inspirante, grandiose. La musicienne et mélodiste Andrée-Anne Gingras-Roy nous démontre toute l’étendue de son incroyable talent en interprétant plusieurs mélodies au violon, au piano, à l’accordéon et aux verres de cristal.


Crédit photo : Viviana Cangialosi

Les spectateurs suivant de près les créations de la compagnie Finzi Pasca reconnaitront sans nul doute Rolando Tarquini et Beatriz Sayad, amusant la galerie entre deux changements de décor. Si certains intermèdes sont divertissants – dont un numéro à la Brachetti très réussi – ou réellement touchants – Sayad racontant quelques moments précieux de sa jeunesse, où son père cachait près d’un arbre des bonbons à la menthe – ils s’avèrent souvent cabotins et répétitifs, alors qu’on reprend le même gag ad nauseum. D’une durée de plus de deux heures 30, La Verità cumule quelques longueurs qui s’immiscent lors de certaines performances ;  en se voyant resserrées, celles-ci auraient un plus grand impact sur le public.

Techniquement parlant, La Verità est une grande réussite. Mais cette nouvelle création, malgré quelques moments d’exaltation, ne laisse étrangement pas d’images fortes en tête. Peut-être manque-t-il d’éclat et de démesure dans la mise en scène et à la scénographie, plutôt propres, même si l’utilisation de projections animées et de silhouettes géantes viennent tenter de palier ce manque, ou d’intensité dramatique, de distorsion et de sensations fortes pour atteindre l’extraordinaire imagination de Salvador Dalí. Les clins d’œil au maître sont nombreux, mais restent en surface, alors qu’on attend la plongée inévitable dans le monde surréaliste du peintre, qui ne vient pas. Reste, par contre, le talent indéniable d’une troupe circassienne qui saura faire éclore au firmament des spectacles de ce monde cette vérité propre à elle : la verità est tout ce qu’on a vécu, et tout ce qui habite notre mémoire.

18-01-2013