Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 5 mai au 17 juin 2013, 20h, les dimanches et lundis
AnnaBash
Texte Neil Labute
Traduction Vincent Côté
Mise en scène Frédérick Moreau
Avec Vincent Côté, Martine-Marie Lalande, Fanny Migneault-Lecavalier, Guillaume Perreault

En plein coeur de Montréal, le spectateur se déplace dans trois lieux pour rencontrer quatre personnages différents. Dans un hôtel, un homme d’affaire se confie: entre la pression de la performance au travail et sa vie de père de famille, il a dû faire un choix cruel... Dans un lieu mystérieux, une femme raconte l’histoire d’amour passionnée et impitoyable qu’elle a vécu avec son professeur alors qu’elle était à l’école secondaire. Et finalement, dans une église, un couple mormon parle d’une soirée inoubliable entre amis.

Frédérick Moreau, diplômé en mise en scène de l’École nationale de théâtre du Canada (2011), vous offre le récit où ces personnages, aux histoires apparentées aux tragédies antiques, viennent vous confesser leurs pulsions les plus dévastatrices, et ce, sans artifice scénique.


Section vidéo
une vidéo disponible


Monologues présentés en déambulatoire dans des lieux réels.

Vous devez réserver vos places.
Places limitées de 50 personnes par représentations.
Payable comptant seulement.
Vous devrez vous déplacer entre les monologues, prévoir en cas de pluie, un parapluie pour les déplacements.
Tenue de ville fortement suggérée.

Dimanche 5 mai 20h
Lundi 6 mai 20h
Dimanche 12 mai 20h
Lundi 13 mai 20h
Dimanche 19 mai 20h
Lundi 20 mai 20h
Dimanche 26 mai 20h
Lundi 27 mai 20h
Dimanche 2 juin 20h
Dimanche 9 juin 20h
Dimanche 16 juin 20h
Lundi 17 juin 20h

25$ Régulier
20$ Étudiants-UDA-65 ans et plus

Entrevue Radio-Canada Québec disponible ici

Une production de Point d'exclamation théâtre et du théâtre de la Planète Sauvage - événement Facebook


Hôtel Zéro 1
Billetterie et début du parcours
1 René-Lévesque Est
Réservation et billetterie 514-264-8845 bashreservations@outlook.com

Dates antérieures (entre autres)

Création : du 9 au 19 mai 2012, Montréal
Du 11 au 15 septembre 2012, Premier Acte

 
______________________________________
 Critique
Critique

par Ariane Cloutier

Que veut dire Bash? D’abord, le mot fait communément référence à l’action de frapper, de défoncer quelque chose. Ensuite, pour les initiés, le mot désigne également une grosse fête organisée par la communauté mormone pour célébrer le départ ou le retour de mission des jeunes membres. Pour finir, c’est une excellente pièce de l’auteur contemporain américain Neil Labute, ayant fait tollé lors de sa sortie à New York (off Broadway) en 1999.

Présenté à Montréal pour un mois, les dimanches et lundis soirs seulement, le déambulatoire qui débute à l’hôtel Zero1 vous invite à la rencontre de trois histoires (Iphigénie en Orem, Medea redux, Une meute de saints), et ce, en trois lieux. Les jeunes compagnies Point d'exclamation théâtre (Vincent Coté fondateur, comédien et traducteur de la pièce) et le Théâtre de la Planète sauvage (Guillaume Perreault fondateur et comédien) en collaboration avec les comédiennes Fanny Migenault-Lecavalier et Martine-Marie Lalande et le metteur en scène Frédérick Moreau, donnent l'occasion à ceux qui auraient manqué le spectacle l’an dernier à Montréal ou à Québec de se rattraper.

La mise en scène simple et efficace installe à travers différents contextes un moment privilégié où les personnages livrent leurs terribles secrets aux spectateurs. Des résumés plus complets des histoires peuvent être lus dans les critiques publiées antérieurement, ci-dessous. Des trois histoires présentées, la plus marquante est certainement la troisième qui nous entraîne sur la même envolée lyrique du conte de fées exalté à l’horreur absolue. L’écriture de LaBute a ce quelque chose de rythmé et truffé d’images fortes emprunté au langage cinématographique.

La pièce dénonce les dérapages guettant un esprit puritain pris dans un carcan religieux. Le texte est construit comme une tragédie moderne en trois actes, dont les histoires sont distinctes, mais reliées par certains traits : le fait qu’elles se déroulent au sein de la communauté mormone et qu’elles soient écrites sous la forme de monologues adressés directement au public sur un ton de confession. Ce qui lie également les trois histoires est une référence aux tragédies grecques d’Euripide soit Iphigénie en Orem pour la partie du même nom, Médée pour Medea redux et, d’une manière plus subtile, les Baccantes pour Une meute de saints.

Il semble que l’auteur se soit posé la question : qu'est-ce qui pourrait pousser, à l’époque actuelle, des personnes à commettre des gestes aussi odieux et dramatiques que dans les grandes tragédies antiques? Le point de vue narratif situé du côté du « méchant » (le plus intéressant d’ailleurs) nous permet de suivre lentement sa digression mentale vers un geste irréparable. Alors que certains personnages semblent avoir quelques remords, sinon regretter leurs actes, par exemple celui de l’homme d’affaires dans Iphigénie en Orem, d’autres semblent tout à fait convaincus de leur juste droit sur la vie des autres; John, dans Une meute de saints, va même jusqu’à s’acquitter moralement par les dogmes de son église. Car enfin, pour les individus qui sont réprimés depuis des années dans leurs envies et qui ne connaissent rien au libre arbitre, la pression psychologique peut exploser par des gestes sanglants et gratuits sur des gens qui n’ont commis pour seule faute que de vivre librement. La deuxième partie, Medea relux, présente la notion du Adakia, terme emprunté à la philosophie grecque, désignant un état dans lequel l’ordre de l’univers est déréglé par l’accomplissement d’un geste extrême qui souvent en entraine d’autres par effet de balancier.

Cette pièce est à voir pour son originalité, pour la force de son texte, pour le dévouement de ses comédiens. Elle propose une réflexion très intéressante sur les phénomènes d’hyper violence, d’élitisme, de sexisme et d’homophobie, ainsi que sur les contraintes religieuses et la pression exercée par les pairs. Mais surtout, Bash propose de sortir le théâtre des lieux communs, par sa forme déambulatoire qui piquera votre curiosité.

08-05-2013


par Chloé Legault (Québec)

Jouée en français pour la première fois au mois de mai dernier à Montréal (voir la critique de mon collègue David Lefebvre un peu plus bas), Bash arrive à Québec bien rodée. Frédérick Moreau nous propose une expérience qui sort des quatre murs d’un théâtre, les trois actes de la pièce se déroulant en trois lieux différents. Une mise en scène qui aurait facilement pu mal tourner, mais qui, heureusement, fonctionne admirablement bien. Ce parcours en trois étapes, ponctué de deux performances, se déroule dans le cœur du quartier Saint-Roch, situé dans la Basse-Ville de Québec.

Premier arrêt : Iphigénie en orem, auberge L’autre jardin. Dans une suite, les spectateurs font la rencontre d’un homme d’affaires (Vincent Côté) porteur d’un lourd secret. Employé dans une grosse boîte, il apprend par un ami que son poste est menacé, qu’il sera remercié au retour de la fin de semaine. Comment s’en sortira-t-il? Les emplois sont rares, même lorsque l’on possède un MBA, il craint pour le bien-être de sa famille. Ce même jour, sa petite Emma, à peine âgée de 5 mois, meurt étouffée par ses couvertures. Le malheur semble s’acharner sur cet homme, à moins qu’il en soit lui-même l’auteur? Ce père de famille ne sachant plus à qui se confier s’ouvre à un inconnu rencontré au bar de l’hôtel. Cet inconnu est en quelque sorte le public, et c’est à lui que s’adresse Côté, en passant du tutoiement au vouvoiement. Il lui raconte alors sa tragique histoire aux échos de mythe grec. Vincent Côté interprète ce personnage avec justesse et nuances. Il rend bien sa détresse, le combat intérieur qu’il doit mener chaque jour.

Deuxième arrêt : Medea redux, salle étroite cachée dans Saint-Roch. Ici, Martine-Marie Lalande prête ses traits à une jeune femme aveuglée par l’histoire d’amour qu’elle a vécue, bien des années plus tôt,  avec son enseignant de science au Junior High, alors qu’elle n’avait que 13 ans. Lalande nous propose un personnage adulte aux manières encore adolescentes, et on y croit. Dans un récit qui suit le trajet de la mémoire, elle relate son histoire, assise derrière une table sur laquelle est posé un enregistreur, à un enquêteur de police, probablement. Elle ne semble pourtant pas avoir porté plainte contre son prof qui, il y a de ça environ quatorze ans, l’a mise enceinte et l’a quittée. Comment et pourquoi a-t-elle donc abouti dans une salle d’interrogation? Une autre histoire qui rappelle la mythologie grecque, une tragédie moderne racontée dans un texte bien ficelé, qui de fil en aiguille nous dévoile le drame.

Troisième et dernier arrêt : Une meute de saints, terrasse du bar l’Agitée. Sous forme de monologues en parallèle, un couple mormon nous raconte une soirée mémorable entre amis ayant eu lieu au légendaire Hotel Plaza, à Manhattan. Les jeunes amoureux fêtaient d’ailleurs leur sixième anniversaire ce soir-là. Tout est parfait, ou du moins c’est ce qu’on veut faire croire. La femme, interprétée avec un judicieux et délicieux soupçon de snobisme par Fanny Migneault-Lecavalier, raconte une belle histoire, sans tâche, ni anicroche. C’est grâce à la confession de l’homme, joué avec beaucoup d’intensité par Guillaume Perreault, que l’on apprendra qu’en réalité, tout n’est pas si beau. Plutôt conservateurs, ces jeunes mormons ont en fait une histoire entachée de sang. Pour avoir la belle, le bellâtre a d’abord dû combattre l’ex-petit ami de celle-ci. Plus tard, c’est contre un homosexuel que lui et sa « meute » en auront. Qui est réellement en mesure de distinguer le bien du mal?

L’intimité créée par la proximité du public et des comédiens confère énormément d’intensité à ce spectacle. Le texte ne semble pas avoir perdu de sa force ou de son intérêt en passant de l’anglais au français ; Vincent Côté a su traduire les mots de Neil Labute avec finesse et intuition. Montée pour la première fois en 1999, la pièce de Labute restera encore longtemps perturbante, parce qu’actuelle. Critique d’une société violente et bien-pensante, Bash expose les drames d’une vie humaine, qu’elle soit rongée par la pression de la performance, par l’amour destructeur ou encore par l’intolérance et le paraître.

13-09-2012


par David Lefebvre (lors de la création à Montréal, mai 2012)

L’auteur et réalisateur Neil LaBute (In the Company of Men, The Wicker Man) propose au travers de ses nombreux textes de théâtre – pensons à Autobahn, présenté à la Licorne il y a quelques années, ou plus récemment à Fat Pig au Théâtre Ste-Catherine ou à The Shape of Things à l’Espace 4001 – un style très masculin, incisif, aux accents très familiers et aux nombreux clins d’œil à la culture populaire. L’une de ses premières créations pour les planches, Bash, regroupe trois courtes pièces en un acte, deux monologues et un récit en parallèle, explorant toute la complexité de la violence et de la notion du mal dans un univers perverti de gens ordinaires.

Pour son premier projet, le Théâtre Néo-Trique présente, en première nord-américaine, la version française de ce triptyque qui avait fait scandale off-Broadway, et qui, selon les dires, aurait poussé l’auteur à quitter sa communauté religieuse après qu’elle lui ait imposé une sanction disciplinaire. C’est que chaque personnage provient d’une branche différente de la religion mormone, et celle-ci aurait vu en Bash un texte diffamatoire.

Le comédien Vincent Côté traduit avec acuité et force cette écriture à la fois obscure, floue à la surface, notamment à cause des nombreux tics verbaux ou « ponctuants oraux », mais profondément vicieuse, fourbe. Comme si l’on marchait dans un espace de plus en plus sombre, et qu’une trappe s’ouvrait sous nos pieds. La mise en scène de Frédérick Moreau (Le système Ribadier, Le Dindon remix) met le texte en valeur, grâce à une belle distribution et une direction précise, où chaque détail compte, que ce soit les regards, les intonations ou encore la manière de tenir une bouteille. Pour plonger davantage le spectateur au cœur de ces histoires noires, celui-ci est convié à trois endroits différents : un hôtel, une salle de répétition, qui fait office de salle d’interrogatoire, et un restaurant. Un déambulatoire, donc, qui tire grandement parti des lieux réels, mais qui, par ses déplacements, y perd malheureusement au change. L’intensité de chacune des trois parties profite des endroits qui collent expressément à chaque récit, mais s’effrite lorsque le groupe doit se déplacer durant de longues minutes d’un point à l’autre, et ce, malgré la trame sonore hétéroclite de Maxime Béliveau, accompagnant les marcheurs, crachée par de petites stéréos que les guides transportent, offrant bruits, battements de cœur et extraits musicaux variés, allant de Billie Holliday à Likke Li, en passant par Alela Diane et Bernard Herrmann. Le premier soir, alors que le spectacle devait durer environ 100 minutes excluant les déplacements, le tout s’est terminé après trois heures de représentation.

Iphigénie en orem raconte l’épreuve d’un père de famille et homme d’affaires, MBA en poche, qui voit son poste être possiblement aboli au profit d’une collègue qu’il exècre. Le jour même qu’il apprend la rumeur, sa plus jeune fille, Emma, meurt étouffée sous le couvre-lit du lit de ses parents. Hasard? Récit sur la pression professionnelle et familiale, l’homme fait de durs choix, voire cruels. Vincent Côté incarne avec assurance et fragilité cet homme qui ressent terriblement le besoin de se confier ; comme il ne peut le faire ni à la police, ni à la maison, ni au bureau, c’est le premier venu, dans cette suite d’hôtel, qui écope. Si le comédien est juste et même touchant, démontrant à demi-mot le vide existentiel et la rationalisation de ce funeste événement d’aucune noblesse, le public se positionne mal envers son propre rôle, principalement parce que le personnage passe de la deuxième personne du singulier à la deuxième personne du pluriel (le tu - le vous). Du témoin invisible singulier, le public se transforme en une foule qui écoute attentivement l’homme ; sommes-nous une seule entité ou un groupe en conférence? Pour amplifier le sentiment de voyeurisme et l’intensité du drame, peut-être aurait-il mieux fallu qu’une seule personne soit prise à part pour jouer ce rôle précis.

Si le titre du premier texte évoque la mythologie grecque, le deuxième, Medea Redux, y fait directement référence, grâce à Euripide. Elle raconte le récit de cette femme qui, à ses treize ans, connut une histoire d’amour avec un de ses professeurs, jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte. Martine-Marie Lalande, d’un ton parfois détaché, parfois très adolescent, se confesse, elle aussi, à propos de cette passion dévorante, dont elle goutte encore sur ses lèvres le tout premier baiser, et du triste sort de son fils Billy. La comédienne maitrise bien la langue et ses sautes d’humeur ; grâce aux longs silences, elle maintient l’attention de chaque spectateur. Sournoisement, LaBute parle de la motivation d’une jeune femme à se venger, sans même qu’elle comprenne réellement l’impact ultime de ses gestes ; une Médée on ne peut plus moderne. Un froid parcourt la salle lorsqu’elle mentionne tout bonnement qu’elle planifiait son geste depuis beaucoup plus longtemps qu’on ne pourrait l’imaginer.

La dernière partie, Une meute de saints, place côte à côte un couple parfait, interprété par Guillaume Perreault (John) et Fanny Migneault-Lecavalier (Sue), au milieu d’un restaurant. À New York pour un grand party (un bash) qui coïncide avec leur sixième anniversaire de rencontre, deux tourtereaux et leurs amis festoient allègrement. Le récit, raconté en parallèle, les comédiens ne s’adressant jamais la parole, commence sur un ton léger, naviguant de clichés de collège américain, d’ex petit-ami se faisant tabasser par le nouvel élu, à clichés de familles conservatrices. Une fois la jeune femme bien endormie dans son lit à l’hôtel, le copain et deux comparses du collège se promènent dans Central Park et tombent sur un homosexuel qu’ils battent à mort, tout en priant autour du corps en sang ; un acte d’une hypocrisie redoutable. John donne à Sue, lors du déjeuner, une bague en or, qu’il a volé au doigt de l’homme mortellement blessé. Si la fille représente une certaine naïveté, malgré son excitation à la vue du sang, lui est l’incarnation de l’horreur sous les traits d’un bel homme. L’excitation, l’arrogance et le détachement dont il fait preuve subjuguent et font craindre le pire. Les derniers moments font comprendre que John n’en sortira pas indemne, tout comme les deux protagonistes des histoires précédentes.

Bash n’offre que peu de réponses, et provoque un continuel questionnement sur l’amoralité, l’insouciance, les pulsions, les atrocités commises au nom d’une certaine futilité et les valeurs intrinsèques corrompues. Aucune rédemption, aucune sortie de secours ; comment des hommes et des femmes ordinaires peuvent-ils causer la mort, faire un mal effroyable autour d’eux et à eux-mêmes, pour de si insignifiants résultats au plan social? Où commence la violence? Et s'arrête-t-elle un jour?

Montée à travers le monde depuis sa création en 1999, Bash demeure une pièce tout aussi horrifiante que fascinante. Le jeu des comédiens est solide, et la mise en scène, sans choquer, permet au texte de se frayer un chemin jusqu’à notre esprit perturbé. Dommage qu’il ait le temps d’absorber totalement les coups, lors des longs déplacements entre chaque morceau.

10-05-2012