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Du 16 au 20 mai et du 24 au 26 mai 2012, à 20h
Les méfaits du tabac
Texte de Marie Lamachine
Réécriture d'Anton Tchekhov
Mise en scène de Édith Tardif-Paulin
Avec Mélanie Mussini

Une conférencière ayant consacré ses études, son temps, sa vie à des recherches importantes, très importantes, désire vous faire part de ses résultats. Pour une énième fois cette année, elle répètera ces mots qui sauront vous convaincre des répercussions, du danger, oui, de la nocivité de l’usage du tabac. Voilà.

Dans une salle communautaire ou une autre, devant son miroir, au téléphone, dans l’autobus, devant sa fenêtre, elle dira que, oui, les cigarettes, en effet, sont… néfastes et –

Et tout ce que vous savez déjà. Et tout ce que tout le monde sait déjà.

Mais quoi faire sinon?

Répéter des mots, prendre un café puis l’autobus, bousculer pour prendre sa place, éviter de le faire vraiment – vraiment, ce n’est pas la bonne chose à faire – faire la bonne chose. Répéter des mots. Revoir, réécouter, refaire, rejouer, se rendre compte que tout change, et que rien n’a bougé, se faire la morale, rester en place. Répéter.

Qu’arrive-t-il lorsque l’agitation incessante de la bouche et de la langue, la valse des statistiques et des discours, le flux ininterrompu de scénarios, fantasmés et télédiffusés, voire les convictions greffées à même la naissance, ne suffisent plus? Qu’arrive-t-il lorsque les parasites sur la ligne ne parviennent plus à masquer, à divertir, à endiguer?

Quelqu’un veut vous parler. Essaie de vous parler. Cet appel est pour vous.


Équipe de production : Sara Dion, Véronique Poirier, Christine Plouffe et Gabrielle Dumont-Dufresne

Entrée 15$

Productions Le Bureau des plaintes


MainLine Theatre
3997, St-Laurent
Billetterie : (514) 849-3378 ou bureaudesplaintes@hotmail.com

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Robin Villeneuve

Une table cubique, une fille, une lampe, une paire de lunettes et deux rétroprojecteurs, voilà tout ce qu’on retrouve en scène dans Les méfaits du tabac, une production du Bureau des plaintes.  Le prétexte? Une présentation sur les méfaits du tabac. La réalité? Une femme au discours décousu qui ne veut pas ressasser ce que l’on sait déjà : fumer est mauvais pour la santé.

« Je perds mon temps à vous expliquer ce que vous savez déjà », décrète ainsi la femme, à peine sa conférence entamée. Fort bien. Les prémisses documentaires envoyées au tapis, on passe à autre chose, on ne sait trop quoi précisément parce que les phrases et les idées déboulent à toute vitesse. Le rythme du discours de la conférencière ne laisse guère le temps de nous attarder aux propos. Sa parole brisée, découpée par blocs et par strates, cette « agitation incessante de la bouche et de la langue », emporte le spectateur dans un tourbillon de pensées, de faits  et d’observations. Une idée suit l’autre sans jamais être bouclée. Le personnage imaginé par l’auteure, Marie Lamachine, a le caractère de celui qui est en manque. La femme est en constante recherche de ce qui la calmerait. Elle est aussi en manque qu’elle est en trop-plein, et les mots semblent surgir sans qu’elle puisse les arrêter. Elle tourne en rond sur scène, s’arrêtant ici et là pour chercher un graphique, qu’elle ne trouvera pas, ou brasser l’air. Mélanie Mussini, récemment
diplômée de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, offre une excellente interprétation de cette femme troublée.


Crédit photo : Robin Villeneuve

Malgré quelques passages longuets, qui ralentissent le rythme de la pièce, le texte révèle une bonne maîtrise de l’écriture dramatique. Il gagne notamment en force quand la conférencière plonge dans une sorte d’extra lucidité et nous décrit par le menu des petits instants présents : se lever, s’habiller, prendre le bus, regarder le paysage défiler. L’écriture est fine, les images bien évoquées. Beau passage également lorsque la comédienne se glisse à l’intérieur du cube illuminé de l’intérieur et joue avec son ombre.

En fait, la faiblesse de ce spectacle ne se situe pas tant dans sa forme ou son contenu que dans son traitement. La parole syncopée, la pensée hachée menue, la femme girouette qui n’est jamais au repos, ni verbalement ni physiquement, tout ça est intéressant, mais pas assez poussé. Le spectacle laisse l’impression d’avoir touché une idée sans la creuser suffisamment. On reste encore dans le rationnel, et le fil de l’histoire, que la metteure en scène Édith Tardif-Paulin nous invite à ne pas chercher, est encore là quoique ténu. Quelle allure aurait pris Les méfaits du tabac si on avait poussé l’exercice de déconstruction jusqu’au bout?

La production propose une recherche de forme intéressante, mais ne franchit malheureusement pas le stade de l’exercice de style. Un bel exercice néanmoins, servi par une jeune comédienne de talent.

19-05-2012