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Du 6 au 25 mars 2012, 20h, dimanche 14h
Leisure SocietyThe Leisure Society
Written by François Archambault
Translated by Bobby Theodore
Directed by Ellen Cohen
Starring: Daniel Brochu, Catherine De Sève, Sheena Gazé-Deslandes and Howard Rosenstein

A raunchy comedy of manners that strips naked (literally) today’s vacuous “me” generation. A humorous and brutally honest dissection of how we find and define meaning and purpose in our lives. A run-away box office hit in French now performed in English for the first time in Québec, this social satire features four of Montréal’s finest actors from both the English and French sectors.


Section vidéo
une vidéo disponible


Set and costume design, Ginette Grenier & Vincent Lefevre
Lighting design, Julien St. Pierre
Sound composer and design, Christian Thomas
V ideo design, George Allister

Talkback Tuesdays- an informal discussion with the artists after the show
Tickets: $10-$20, Infinithéâtre 6pack available
March 6 & 7 previews are 50% off, Sunday, March 11 is pay-what-you-can

Production InfiniTheatre


Bain St-Michel
5300, rue St-Dominique
Billetterie : 514 987-1774 ext. 104 or on line at www.infinitheatre.com
 
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 Critique
Critique

par Ariane Cloutier

Selon le directeur artistique d’Infinithéâtre, Guy Sprung, The Leisure Society fut spontanément la réponse d’Ellen David à la question : quelle pièce aimerais-tu mettre en scène pour nous ? On sent un réel attachement à cette œuvre de la part de la prolifique Ellen David, comédienne et plus récemment, metteure en scène, scénariste et réalisatrice. La pièce originale de François Archambault, La Société des loisirs, avait en effet connu un immense succès à sa sortie à la Licorne en 2003, et fut représentée à maintes reprises depuis.

Dans leur maison de luxe avec piscine, écran plat, système vidéo permettant d’écouter dans la chambre du bébé, le hockey ou d’afficher les œuvres contemporaines connues, un couple tente de toutes ses forces de se convaincre de la réussite de leur mariage, jusqu’à l’arrivée de leur ancien ami pour une soirée d’adieu. Convaincus que leur ami divorcé ne convient plus à leur style de vie rangé de nouveaux et futurs parents, ils se retrouvent confrontés à sa nouvelle et très jeune conquête, véritable bombe de sensualité, et, le vin coulant à flot aidant, finissent par s’avouer leur malheur, leurs désirs secrets, leur désarroi et leur insatisfaction mutuelle.

La pièce aborde un sujet très actuel : la difficulté de conserver une vie de couple harmonieuse versus son image en tant que plus-value de la réussite personnelle. Le couple est ici davantage valorisé pour la représentation d’un modèle d’accomplissement que pour un réel travail d’interrelation entre deux êtres humains. Nos deux protagonistes ont soit déjà abdiqué devant la sauvegarde de leur amour, soit ont perdu de vue complètement quelles étaient leurs aspirations propres. Ils bâtissent leur vie selon un modèle préfabriqué, sans même se poser la question si ce modèle leur convient ou non. Par exemple, est-ce que j’aime les enfants et désire réellement en avoir un, ou est-ce simplement pour donner une apparence de famille heureuse? Suivant un schéma de communication qui ressemble à leurs conversations en monologues parallèles, l’homme et la femme parlent au « nous » illusoire de leurs décisions communes. Par ailleurs, ils sont non seulement inattentifs aux réels besoins de l’autre, mais tout  aussi aveugles à leurs propres envies inavouables  d’un peu de solitude, d’un peu de liberté, d’un peu d’individualité. On se retrouve devant un couple qui étouffe sous une étoffe de bien paraître.

Depuis la Révolution tranquille et l’explosion de la famille nucléaire, certains diront que les gens sont plus individualistes, les valeurs moins familiales et les couples moins stables. Si la libération des mœurs, l’hypersexualisation et la soif sans fin de consommation compromettent la pérennité du couple, s’y ajoutent autant d’obstacles concrets à son épanouissement, tels l’hyperperformance au travail, l’augmentation du coût de la vie (ou du niveau de vie), le manque de temps, etc. Lors d’une conversation Skype avec une agence d’adoption de petites Chinoises, le couple parfait tente de donner un spectacle réussi, mais en coulisse, les techniciens s’engueulent et les fils sont emmêlés.

C’est une interprétation superbe qu’offre Catherine de Sève (la femme du couple), donnant dans la fragilité et la force contenue. Elle devient tout simplement hilarante après la troisième bouteille de vin. Fait cocasse : jouant sur le non-dit de ses origines francophones, elle exprime ses pensées intérieures en français, souvent à l’opposé de ses répliques officielles en anglais. Performance plus subtile de la part de Daniel Brochu (l’homme du couple), qui joue dans le registre d’homme impuissant, écrasé sous la personnalité de sa femme, du type « tout ce que je veux faire, ma femme le fait en mieux ». Howard Rosenstein, interprète le personnage qui se repaît de ses besoins immédiats, diamétralement opposé au couple et de leur vision à long terme. Sheena Gazé-Deslandes nous propose un personnage authentique, mais un peu simple, de la jeune nymphe aux mœurs libérées. Elle incarne le personnage qui semble le plus équilibré au point de vue de l’éthique et de l’écoute de soi.

Un décor habilement conçu par Vincent Lefèvre permet de représenter avec justesse l’impression de parvenus émanant des protagonistes. À l’espace ouvert de la salle commune où se déroule la majorité du spectacle, s’ajoutent de nombreuses interactions hors champ. Des vidéos préenregistrés ou éléments sonores nous permettent de découvrir ces autres lieux : cour/piscine, chambres, etc. On sent à tout moment l’omniprésence du bébé par le bruit quasi continu de ses pleurs, bien qu’à aucun moment il ne soit vu sur scène.

Le décor nous permet de sortir de ce huis clos étouffant, situation évoquant le scénario classique de la soirée bien arrosée qui dégénère entre quatre murs. On sent que malgré la solidité du scénario et des comédiens, cette pièce aurait nécessité un coup d’éclat supplémentaire pour avoir le même impact qu’en 2003. Très bon spectacle, qui a la grâce de rendre accessible aux anglophones un texte peu diffusé en anglais à Montréal, et qui nous donne envie de redécouvrir l’original.

11-03-2012