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Du 6 au 17 décembre 2011, 20h
Büchner à Strasbourg
Texte basé sur Lenz et Lettres, de Georg Büchner et Journal du pasteur Oberlin, de Jean-Frédérick Oberlin
Texte, montage et mise en scène Vincent Gomez
Avec Antoine Beaudoin-Gentes

Le 10 mars 1835, Georg Büchner s'installe à Strasbourg, fuyant l'Allemagne en raison des troubles politiques auxquels il a largement contribués. Entre ses devoirs d'étudiant de médecine et les lettres qu'il rédige aux membres de sa famille, il s'intéresse à un poète allemand du 18e siècle, Jakob Lenz. Il entreprend de se renseigner à son sujet afin d'écrire un essai sur ce dernier. Projet qui prendra de plus en plus d'importance pour lui.

À la fois spectacle de théâtre, de danse, de littérature, de poésie et de peinture, Büchner à Strasbourg propose une réflexion sur le processus de création et sur l’imagination

 


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Éclairages et décor: Marilyne Roy
Costumes, coiffure et accessoires: Sophie Rachelle Curie
Musiques et sons: Francis Gagnon et Philippe Coulombe
Marionnettes et images: Stéphanie Legault
Collaboration marionnettes et images: Sabrina Johnson
Directrice de production: Mélanie Cadieux
Assistante metteur en scène: Geneviève Boileau
Photographies: Mahé Aguera

Carte Premières
Cartes Prem1ères
Date Premières : 6 au 10 décembre 2011
Régulier : 20$
Carte premières : 10$

Étudiant, professionnel et aîné : 18$

Une production du Théâtre du Cerisier


Espace 4001
4001, rue Berri
Billetterie : (514) 647-5516
 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

Büchner à Strasbourg  n’est pas qu’un simple récit théâtral concocté par la toute nouvelle compagnie le Théâtre du Cerisier. C’est également une démonstration éblouissante d’un épisode marquant de la vie de l’auteur, médecin et révolutionnaire allemand Georg  Büchner. Par une approche multidisciplinaire stimulante, le metteur en scène Vincent Gomez fait résonner sur le plateau de l’Espace 4001 les échos d’un passé palpable.

La pièce constitue un collage de différents textes, soit la nouvelle Lenz et de nombreuses lettres écrites par l’écrivain, mais aussi des extraits du Journal du pasteur Oberlin de Jean-Frédérick Oberlin. Pendant une heure exacte, le jeune comédien Antoine Beaudoin-Gentes se glisse avec aisance et ferveur dans la peau du tourmenté homme de lettres. Fraîchement diplômé de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, il bénéficie de collaborateurs minutieux et créatifs dans une démarche qui réussit à ne pas tomber dans le documentaire ou la démonstration muséale.

L’histoire s’inspire de faits réels. Le 10 mars 1835, Georg Büchner part s’établir dans la ville de Strasbourg en France. L’auteur fuit l'Allemagne pour échapper aux troubles politiques auxquels il a en partie contribué. Entre ses occupations d'étudiant de médecine et les longues lettres qu'il écrit à sa famille, il découvre un poète allemand du 18e siècle, Jakob Lenz, qui l’intrigue profondément. Sa curiosité l’entraîne à découvrir certains aspects de sa vie. Büchner entame un essai sur cet artiste qui l’interpelle dans toutes les profondeurs de son être. Cette quête aura des incidences dans l’orientation de son œuvre future. Elle inspirera directement l’écriture de la nouvelle Lenz et sans doute l’incontournable et complexe œuvre du répertoire qu’est devenue Wozzeck au cours des siècles subséquents.

Pour le public, la connaissance de la genèse des événements ne semble pas indispensable pour apprécier une telle création. Par ailleurs, cette production se démarque surtout pour son mariage entre des textes dramatiques denses et l’ingéniosité des concepteurs-bricoleurs à recréer des scènes très évocatrices. Certaines des ombres projetées en arrière-fond (qui gagnerait à être sur une surface légèrement plus grande) apportent un élan poétique. Soulignons entre autres cette fenêtre qui s’ouvre et se ferme à quelques occasions, symbole du temps qui passe lentement, ou encore cette carte géographique pour illustrer le départ  du protagoniste vers la France. Un peu plus loin dans la pièce, par contre, la représentation en gros plan des larmes n’apporte aucun éclairage significatif au chagrin tout intérieur du protagoniste.

Seul en scène, Antoine Beaudoin-Gentes relève avec brio le défi colossal que représentait une figure dramatique aussi imposante que Büchner. Avec ses allures d’homme romantique, il sait insuffler la douleur nécessaire aux états d’âme et aux déchirures profondes d’un exilé en manque de sa patrie qui lui est interdite. Les spectateurs se sentent ainsi habilement interpellés par ce voyage intérieur entre spleen et espoir. Malgré une brillante exécution, une petite réserve est à souligner. Lors de la représentation à laquelle l’auteur de ces lignes a assisté, le comédien établissait parfois des ruptures trop directes entre des passages successifs dont l’enchaînement voulait exprimer les sentiments contradictoires qui habitaient le personnage au même moment. Quelques secondes supplémentaires de silence, par exemple, auraient pu contribuer à établir davantage de nuances. Autrement, son interprétation se révèle d’une belle sensibilité dans ses habits de poète qui portent dans les pores de sa peau de profonds dilemmes.

Surprenante découverte dans une saison théâtrale automnale qui s’achève sous peu, la production Büchner à Strasbourg amorce de prochains projets prometteurs pour le Théâtre du Cerisier. Si  cette compagnie poursuit dans cette voie d’intégrer une approche multidisciplinaire à des sujets à teneur historique aussi relevée et inspirante, nous espérons d’autres rendez-vous de la même eau dans un avenir rapproché.

11-12-2011