Du 13 au 18 octobre 2009, 20h, sam. et dim. 14h et 20h
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Vue sur mer...Vue sur mer avec requins et ballerine

Texte de Don Nigro
Traduction et mise en scène : André Normandin
Avec Josée-France Brunet et André Normandin

Vue sur mer avec requins et ballerine est une histoire d’amour saturée des tourments de l’Homme. Ben et Tracy sont aux antipodes. Ben, soi-disant « écrivain », est plutôt calme et renfermé, mais solide. Tracy, elle, est spontanée, égocentrique et vulnérable. Ben, qui habite un cottage sur la plage de Cape Cod, sauve Tracy de la noyade. « J’faisais du ballet. Dans la mer. C’est c’que j’faisais, du ballet » Débutera alors une histoire d’amour entre deux êtres aux vécus distincts, mais surtout aux personnalités bien différentes.

L’amour incisif, doux-amer. Loin de l’histoire d’amour à l’eau de rose. Vue sur mer avec requins et ballerine vous montrera certainement une réalité troublante…

Vue sur mer...Une mise en scène intimiste, réaliste, mais aussi dynamique qui met le spectateur dans une position de voyeur qui est certainement à l’image de l’homme moderne qui se targue d’avoir un gazon plus vert que celui du voisin. Mais l’est-il vraiment? L’amour a toujours été et sera toujours un sujet bien délicat, semant son lot de soucis à chacun qui, un jour, y goûtera. Et bien qu’elle fut écrite il y a plus d’une trentaine d’année, cette pièce demeurera néanmoins toujours actuelle puisque l’amour, lui, ne s’éteindra jamais.

Assistance à la mise en scène : Marc Fournier
Conceptrice : Chrystine Bourgault

Billet: 25$

Une production ACV Coop

Espace 4001
4001 rue Berri
Billetterie : 514-523-3788

par David Lefebvre


Crédit photo : Joêl St-Pierre

La toute nouvelle compagnie ACV Coop propose au public montréalais jusqu'au 18 octobre 2009, la pièce Vue sur mer avec requins et ballerine, de l'auteur américain Don Nigro. Nigro est très peu connu ici, mais son répertoire personnel  compte pas moins de 200 textes originaux. Parmi ceux-ci, on trouve The Curate Shakespeare As You Like It, ou encore Ravenscroft, qui a été adapté au grand écran par Ken Berris en 1999 sous le titre The Manor et qui met en vedette Gabrielle Anwar et Peter O'Toole.

Un soir d'été, un écrivain qui occupe un petit cottage de bord de mer sauve in extremis une jeune inconnue de la noyade. Loin d'être reconnaissante, elle n'hésite pas à confronter verbalement et physiquement son sauveur. Pourtant, elle a un petit côté original qui est loin de déplaire à l'homme. Autant elle le repousse, autant elle reste dans cette maison. Et plus elle menace de partir, plus elle semble s'attacher à l'endroit. L'homme est prêt à tout donner, la femme à tout prendre. Ces deux êtres diamétralement opposés, endommagés par la vie, finissent par unir leur destin, mais à quel prix? À chaque altercation, la jeune femme repousse les limites de l'homme pour n'y trouver que néant – ou un amour inconditionnel qu’elle n’arrive pas à accepter. Malgré toute la bonne volonté, la déchirure est profonde et terrible. Ils jouent à un jeu truqué d'avance, où personne ne gagne.

En 2004, André Normandin montait cette pièce une première fois. Cinq ans plus tard, il y revient, partageant cette fois-ci la scène avec la comédienne Josée-France Brunet. Normandin propose un spectacle intime, frappant, mais qui souffre de ses qualités.

Dès le départ, le jeu des deux comédiens nous permet aisément de saisir le caractère distinct des personnages. Ben (Normandin) est solitaire, introverti, terre-à-terre. Tracy (Brunet) est tout le contraire : elle est brusque, manipulatrice, verbomotrice, éthérée, ambivalente, impulsive, instable. Mais elle est aussi, d'une certaine manière, séduisante et touchante. La présence des deux comédiens sur scène paraît, au départ, fragile, voire nerveuse, mais elle se solidifie au cours de la soirée. La première partie pourrait se comparer à une comédie estivale, vu la légèreté de l'ambiance et certains passages comiques. Pourtant, on ne rit que très peu. On ressent même un certain malaise, on se reconnaît, peut-être, un peu. La deuxième moitié est beaucoup plus chargée côté émotion, et, par le fait même, plus passionnante.

Côté traduction, la décision d'utiliser un langage dit québécois est justifiée ; pourtant, certains marqueurs de relation dissonent et on bute sur quelques mots. Comme les paroles de Tracy dépassent souvent l'entendement, il est impératif que tout coule, comme si sa pensée saugrenue et parfois déconcertante était totalement naturelle. Quelques représentations suffiront à corriger le tir, espérons-le.


Crédit photo : Joêl St-Pierre

La musique est un élément d'une grande importance dans la mise en scène d'André Normandin. Une attention scrupuleuse a été accordée au choix de chaque morceau : on entend aussi bien des artistes émergents, comme Karine Beauchamp ou Chloé Lacasse, que des pointures majeures du milieu (Ariane Moffatt, Sarah McLachlan). Les chansons forment véritablement une bande sonore, appuyant les moments forts et comblant les silences entre deux scènes. L’effort est louable, mais la longueur de certaines chansons et les paroles qui collent parfois trop bien à la réalité du récit créent une redondance qui mine le plaisir de la découverte ou même l'ambiance générale de la scène.

Vue sur mer dépasse la simple histoire d'amoureux transis qui tente de réchapper une liaison déficiente : c'est une série de tableaux dépeignant parfaitement deux personnes souffrant atrocement de dépendance affective. Tous les signes y sont : le silence, l'attachement, le renfermement, la brutalité, l'interdépendance, le sentiment de rejet et d'abandon systématiques, l'impossibilité de se rebeller contre l'autre malgré toutes les souffrances qu'on peut subir... Toute la puissance de ce texte se situe donc entre les lignes, entre les mots. Une subtilité qui mériterait sans doute d’être exploitée davantage : à quelques reprises, on manque de nuance et on joue sur trop de tableaux à la fois.

Malgré ses quelques défauts, Vue sur mer avec requins et ballerine est au final un drame cru,  satisfaisant et troublant. Selon le texte, les relations sont vouées à être dysfonctionnelles au mieux, destructrices au pire, mais en fin de compte, on s'accroche à l'autre, aussi tordu soit-il, parce qu’être seul est pire encore.

15-10-2009

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