Du 6 au 24 octobre 2009
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Les TroyennesLes Troyennes

Texte d'Euripide
Adaptation de Jean-Paul Sartre
Mise en scène de Louis-Karl Tremblay
Avec Kathleen Aubert, Édith Arvisais, Cyril Assathiany, Catherine Bégin, Stéphanie Cardi, Luc Chandonnet, Éloisa Cervantes, Émilie Cormier, Stéphanie Dawson, Sarah Gravel, Sharon James, Ariane Lacombe, Maxime Laurin, Catherine Lavoie, Sébastien Leblanc, Benoit Mauffette, Katherine Mossalim, Gabrielle Néron, Chantal Simard, Audrée Southière, Céliane Trudel et Cynthia Wu-Maheux

Au lendemain de la Guerre de Troie, tous les hommes sont morts et les femmes sont sur le point d’être données en esclavage aux plus valeureux guerriers grecs.  Ne leur reste plus qu’à attendre leur sort et résister. 

L’auteur a écrit cette tragédie en  -435 pour que son peuple réalise l’absurdité de la guerre. Plus de deux mille ans après sa création, l’œuvre d’Euripide est encore brûlante d’actualité. Ce n’est pas sans raison, que Jean-Paul Sartre en fait son adaptation dans les années 60 pour condamner la bêtise humaine. Le metteur en scène Louis-Karl Tremblay fait une lecture plus contemporaine de cette guerre et convoque 22 acteurs à  joindre le combat. Le caractère humain et brut de la pièce est servi par la force de cette grande distribution.

La peur d’être oublié transpire à chacun des mots de ce texte d’une grande puissance. Peur souvent criante chez de jeunes créateurs, enfants de l’échec de deux référendums, voulant à tout prix prendre leur place, qu’on se souvienne d’eux, mais surtout de leur culture encore vivante. Comment lutter contre l’oubli quand le rêve a été détruit? Voilà le défi des Troyennes, de leur Dieu et de ce Bain St-Michel désaffecté.

Assistance à la mise en scène : Camille Tougas
Décors : Marzia Pelissier
Costumes : Amélie Séguin-De La Rossi
Éclairages : Sonia Montagne
Environnement sonore :  Michel Smith
Projections :  Geneviève Boivin

Carte Premières
Date Premières : du 6 au 13 octobre 2009
Régulier 22$
Abonné 11$

Crédit photo : Simon Belleau

Une production de Théâtre Point d’Orgue

Bain St-Michel
5300 Saint-Dominique, coin Maguire
Billetterie : 514-871-2224

par Olivier Dumas

À Montréal, rares sont les occasions de voir et d’entendre au théâtre les grandes tragédies grecques. On se réjouira que pour son baptême professionnel, la jeune compagnie Point d’orgue s’attaque aux Troyennes d’Euripide. Le metteur en scène Louis-Karl Tremblay a choisi l’adaptation française de Jean-Paul Sartre, écrite en 1964, qui dénonçait les guerres coloniales qui sévissaient à l’époque. Malgré une chaleur accablante, des passages inaudibles et une dernière demi-heure moins captivante, le spectacle se révèle un temps fort de l’automne théâtral.

Plaidoyer contre l’impérialisme et l’iniquité barbare des vainqueurs, la pièce se déroule au lendemain de la guerre de Troie dans les décombres d’une ville pratiquement détruite. Tous les hommes ont péri et les dernières femmes survivantes seront données en esclavage aux guerriers grecs. Dans l'atermoiement imminent de leur sort, elles résistent avec force à la brutalité de leurs persécuteurs.

Pour mettre en lumière le désespoir de ces victimes condamnées, le metteur en scène a choisi la partie profonde d’une ancienne piscine de quartier (le Bain Saint-Michel), remplie d’un pied d’eau, pour lieu d’action. Ce décor singulier sert bien le propos, car il recrée un décor qui tient de la catastrophe vécue par les protagonistes. La distribution, presque exclusivement féminine, porte cette douloureuse parole avec un souffle émouvant. Tant dans les odes du chœur que dans les longues tirades, leur désarroi fait frissonner les spectateurs. Et on voit que Louis-Karl Tremblay a eu la main heureuse avec ses interprètes qui nous livrent de mémorables numéros d’intensité. Lorsque l’une des Troyennes hurle de désespoir dans une danse frénétique, l’émotion nous prend à la gorge. Devant le cadavre de son enfant, l’Andromaque d’Ariane Lacombe s’abandonne dans un désespoir déchirant. Figure centrale de la tragédie, l’Hécube de Catherine Bégin impose avec une force autoritaire l’accablement d’une reine déchue.

L’action de la pièce se déroule presque entièrement dans l’eau, une eau préalablement surchauffée. Or, le plus grand confort des comédiennes s’accompagne malheureusement de l’inconfort grandissant des spectateurs impuissants à se rafraîchir. On se serait presque cru dans un sauna vapeur. En raison d’une palpable baisse de concentration causée par un tel degré d’humidité, l’histoire bien amenée jusqu’ici n’atteint malheureusement pas l’apogée prévu.

Le metteur en scène Louis-Karl Péloquin, par un désir de rapprochement entre la condamnation des Troyennes, cinq siècles avant l’ère chrétienne, et le Québec contemporain, a adapté, du texte de Sartre, plusieurs répliques du peuple conquérant grec en anglais. Par cela, il cherche sans contredit à démontrer la difficulté de défendre la langue et la culture françaises en Amérique du Nord. Si l’intention de concilier le politique à une parole poétique semble pertinente sur papier, la réalisation ne parvient pas à nous convaincre. Une telle licence avec le texte n’ajoute hélas rien à l’action dramatique. D’autant que la prononciation anglaise des comédiens rendait le texte par moment incompréhensible. Ainsi, les répliques des soldats et du personnage d’Hélène n’ont été prononcées ni avec une grande clarté, ni avec l’aplomb nécessaire.

Heureusement, ces faiblesses n’entachent pas le plaisir contagieux de se laisser surprendre par une réussite aussi éclatante. À la tombée du rideau restent les images fortes d’une œuvre indémodable. Avec Les Troyennes, la compagnie Point d’orgue relève le défi colossal de s’approprier un des classiques du théâtre antique avec talent, sensibilité et ferveur.

13-10-2009

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